Interview

Wilfrid Lupano

Le droit chemin T1 couv

Sceneario.com : Bonjour Wilfrid. En ce mois d’avril 2011, votre actualité est des plus fournies. Pas moins de trois albums font l’objet d’une publication chez Delcourt (L’homme qui n’aimait pas les armes à feu, L’honneur des Tzarom et Le droit chemin). Hasard de calendrier ou boulimie de travail permanente ?

Wilfrid LUPANO : Hasard complet. J’ai écrit ces ouvrages à des moments très différents ( le T2 de l’honneur des Tzarom, par exemple, est écrit depuis 2005!) C’est simplement le temps nécessaire à leur fabrication, le temps de trouver les bons dessinateurs et le choix de l’éditeur de programmer à telle ou telle date. Pour le Droit Chemin, par exemple, le premier album est achevé depuis longtemps, mais nous avons décidé d’en retarder la sortie pour pouvoir raccourcir le délai entre les deux premiers tomes, pour que les lecteurs attendent moins. C’est donc là encore un scénario écrit il y a deux ans environ.

Sceneario.com : Comment arrivez-vous à concilier toutes vos sagas en cours dont la thématique est des plus variées ?

Wilfrid LUPANO : Ça ne me pose pas trop de problèmes. J’écris toujours plusieurs scénarios de front, de même que je lis souvent plusieurs livres à la fois. Et puis je n’ai pas non plus des dizaines de séries. L’honneur des Tzarom s’achève, L’homme qui n’aimait pas les armes à feu le Le droit Chemin commencent… Tout ça s’enchaîne, en fait.

Sceneario.com : Concernant L’homme qui n’aimait pas les armes à feu, pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qui vous a motivé pour vous lancer dans ce drôle de western à la sauce arizono/mexicaine et dans lequel le sort des Etats-Unis semble être mis en balance ? Quelles ont été vos inspirations éventuelles (cinématographiques, romans…) pour monter ce projet ?

Wilfrid LUPANO : J’avais envie de parler du mythe fondateur de l’Amérique: le flingue. J’ai donc tout naturellement choisi de situer mon récit dans le far west de la fin du XIXème, là où est né ce mythe, en tout cas dans le cinéma américain. On entre dans cette série comme s’il s’agissait d’un western classique, mais la suite réservera pas mal de surprises…

L'homme qui n'aimait pas les armes à feu T1 couv

Sceneario.com : Considérant le titre évocateur de cette nouvelle série, il semble que vous avez eu envie de désacraliser, humoristiquement parlant, la légende de la conquête de l’ouest ? Est-ce la réalité ?

Wilfrid LUPANO : Complètement. Le western classique véhicule un certain nombre de valeurs qui me sont étrangères: self justice, mythe du justicier solitaire, exaltation de la violence, le tout dans une ambiance bien chargée en testostérone… Il m’était donc impossible de rester dans le premier degré. Sauf dans le titre, qui est d’un premier degré absolu: je n’aime pas les armes à feu.

Sceneario.com : Comment s’est opéré le choix de vos personnages principaux que l’on pourrait assimiler à un génie, une associée et deux cloches (l’avocat smart véreux Byron Peck, l’aristocrate effrontée Margot de Garine, le néanderthalien Knut Hoggaard et le bagagiste nigaud Tim Bishop) et pourquoi leur avoir donné une double personnalité contrastée et des points communs surprenants ?

Wilfrid LUPANO : C’est toujours une question difficile. La plupart du temps, j’ai du mal à dire pourquoi mes personnages naissent, ils s’imposent à moi assez rapidement, et se répondent les uns aux autres. Globalement, je voulais ici présenter des personnages qui n’étaient pas dans leur milieu naturel, plongés dans un environnement qui les secoue fortement, et jouer sur le décalage créé. Donc pas de cowboy, pas de shérif etc… Tous les personnages sont à contre emploi.

Sceneario.com : Vous avez opté pour un récit à rebondissements pimenté, aux accents burlesques, un tantinet cynique et, malgré le titre, sentant la poudre. L’ombre de Sergio Léone planerait-elle sur cette épopée ? Ou y a-t-il autre chose de plus profond que l’on saisira ultérieurement ?

Wilfrid LUPANO : L’un n’empêche pas l’autre. La série va effectivement aborder des thèmes importants, qui nous concernent tous, même si le récit est clairement burlesque. ( Sergio Leone en est moins la source d’inspiration que les frères Coen d’ailleurs…) Je crois que la bande dessinée est un moyen d’expression qui est propice à ce type de mélange de tons. On peut être grave et léger à la fois, ça peut très bien fonctionner.

L'honneur des Tzarom T2 couv

Sceneario.com : L’homme qui n’aimait pas les armes à feu est semble-t-il le premier ouvrage grand public dessiné par Paul Salomone. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Wilfrid LUPANO : Grâce aux éditions Delcourt. Paul avait envoyé un book quelques temps avant que je ne propose moi-même mon scénario…

Sceneario.com : Qu’est-ce qui vous a sensibilisé dans le travail (superbe au demeurant) de Paul Salomone ? Comment vous êtes-vous organisés pour monter ce premier opus ?

Wilfrid LUPANO : Le dessin de Paul Salomone est très généreux, très précis dans les détails et les anatomies, mais il possède aussi et surtout ce petit plus indispensable qui lui permet des incursions du côté de la comédie. Il fait très attention à l’ «acting» des personnages, ce qui rend les dialogues plus vivants, plus savoureux. Nous avons travaillé de façon tout à fait classique: j’ai réalisé le découpage technique de l’album, et nous avons travaillé en commun sur les storyboards.

Sceneario.com : Sur combien d’épisodes s’étalera les aventures de Byron, Knut, Margot et Tim ? Serait-il possible que vous envisagiez d’autres cycles ?

Wilfrid LUPANO : Cette première aventure fera vraisemblablement 4 tomes. Nous n’avons encore jamais évoqué la possibilité de faire d’autres cycles.

Sceneario.com : D’une portée générale, la comédie reste votre domaine de prédilection. Est-ce parce c’est votre genre préféré ou simplement parce que c’est ce que vous estimez savoir faire le mieux ?

Wilfrid LUPANO : L’un ne va sans l’autre, je crois. Mais disons que le recours à l’humour m’est nécessaire pour ne pas devenir trop noir. Lorsque j’écris sans humour, j’écris souvent des choses horribles… Et l’époque n’a pas besoin de moi pour être horrible, donc je passe mon tour.

Sceneario.com : Vos histoires ont lieu dans le passé ou le futur, voire dans des mondes imaginaires. Le présent serait-il une époque que vous jugez peu propice pour servir de décor à vos récits ?

Wilfrid LUPANO : Pas du tout, c’est un simple hasard. J’ai d’ailleurs en préparation des histoires contemporaines. Je n’ai de préférence pour aucun genre en particulier ni aucune époque. Tout me paraît propice à faire du très bon comme du très mauvais.

L'honneur des Tzaron T2 extrait 1

Sceneario.com : Les femmes sont souvent des personnages clés de vos histoires, sans pour autant – en général – qu’elles aient le rôle principal ; comme si vous souhaitiez qu’elles prennent une certaine distance avec une gente masculine que vous ridiculisez plus volontiers. Est-ce un choix délibéré ?

Wilfrid LUPANO : Je m’efforce de proposer des personnages féminins intéressants, complexes, ça ne va pas beaucoup plus loin. En général, je n’ai tout simplement pas de personnage principal, et du coup pas de personnages vraiment secondaires non plus. Suis-je moins sévère avec mes personnages féminins ? Je ne crois pas. Dans Célestin Gobe La lune, par exemple, je ne suis pas tendre avec ces dames… Dans l’homme qui n’aimait pas les armes à feu, je pense qu’il vaut mieux attendre la suite avant de se faire une vraie idée.

L'homme qui n'aimait pas les armes à feu t1 extrait 2

Sceneario.com : Concernant les aventures de Tzarom, allez-vous poursuivre les aventures des Tzarom ou cela restera-t-il un diptyque ?

Wilfrid LUPANO : L’honneur des Tzarom reste un dyptique, l’aventure est donc complète et terminée.

Sceneario.com : Pour Tzarom, le comique et l’action sont au premier plan à tel point que l’on a presque l’impression d’être devant un film à grand spectacle. Le cinéma est-il une source d’inspiration pour vous ? Si oui, quelles sont vos références ? Et vos derniers coups de cœur ?

Wilfrid LUPANO : Je vois assez peu de films, et les films que j’aime sont en général assez différents des bd que je fais. Mon dernier vrai coup de cœur cinématographique est Tournée, de Mathieu Amalric. C’est un film magnifique. Complexe mais populaire, accessible, généreux… tout ce que j’aime.

Sceneario.com : Sur quoi travaillez vous actuellement ?

Wilfrid LUPANO : Je travaille à la suite que j’aimerais donner au DROIT CHEMIN, notamment. Mais comme je l’ai dit, je travaille tous mes scénarios en même temps, la liste serait donc trop longue…v

Livres

Wilfrid Lupano

Auteurs, séries ou albums liés.

Publicité