Interview

Un entretien avec Fabien Nury et Pierre Alary

coffret Silas Corey

Sceneario.com : Fabien Nury, Pierre Alary, ce n’est plus la peine de vous présenter, comment vous êtes-vous rencontrés sur le projet Silas Corey ?

Fabien Nury : Par téléphone, on s’est dit qu’on aimerait bien travailler ensemble. J’avais un scénario de prêt, je l’ai fait lire à Pierre, il m’a répondu : Super, ça va être beaucoup de boulot mais on y va.

Sceneario.com : Un scénario qui a pour cadre la première guerre mondiale, après Il était une fois en France, les guerres sont-elles un terreau propice aux histoires ?

Fabien Nury : Ah oui, bien sûr que oui. En tant que territoire de fiction, la guerre est un terreau particulièrement propice. Elle brise des vies, elle crée des destins exceptionnels. La guerre c’est la violence universelle. C’est parfois le règne du mal et c’est assez souvent la dedans que vous pouvez placer des fictions dramatiques.

Sceneario.com : Pierre, c’est une vraie surprise et un réel plaisir de te voir arriver sur un scénario réaliste plus contemporain, hormis tes incursions dans le Comics, qu’est ce qui t’a attiré dans cette histoire ?

Pierre Alary : Déjà le fait de travailler avec Fabien, c’est pour ça qu’on s’est d’abord contacté et puis le contexte du scénario qui permet de faire quelque chose de dense et de fort avec un ton,en apparence, plus léger.
Le contexte historique m’intéresse, j’aime beaucoup les récits de genre et là on est dans un genre de polar à l’ancienne. Le tout mélangé me plait beaucoup.

Sceneario.com : Fabien, c’est important d’avoir une assise historique très concrète et solide sur laquelle bâtir un scénario, est-ce que cela n’apportes pas trop de contraintes qui risquent de brider l’aventure ?

Fabien Nury : Non, à priori non. Vous devez déterminer le degré de réalisme de votre histoire et son rapport à la réalité.
Si vous faites il était une fois en France où la mort de Staline, vous racontez une histoire vraie, vraie de chez vrai, avec des protagonistes existants. Tout est vrai, ou presque, il y a très peu d’invention.
Pour Silas Corey, les lecteurs savent qu’il n’a pas existé. Ils savent aussi que ce n’est certainement pas lui qui a sauvé la France en 1917. Ils savent que c’est une fiction historique décomplexée. Ce n’est pas parce qu’il y a Clémenceau qu’on est tenus de respecter la fidélité historique.
L’histoire est un terrain de jeu et le meilleur résumé a été fait par Alexandre Dumas : « On peut violer l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants ».

Sceneario.com : Sila Corey est un personnage complexe et à l’attitude ambiguë, les temps troublés créent ils des personnages troubles ?

Fabien Nury : En l’occurrence non, Silas Corey vient du genre policier, détective, gentleman cambrioleur.
Du fait de l’époque et du style vestimentaire, les gens vont penser à Arsène Lupin ou Sherlock Holmes. Ce n’est pas totalement vrai. Il ressemble beaucoup plus à un certain nombre de détectives américains, les Sam Spade, les Philip Marlowe. Il entre dans cette tradition du détective un peu cynique.
C’est un héros de roman noir américain transposé en France et, visiblement la greffe a pris puisque personne ne l’a remarqué.

Pierre Alary : Il n’est pas trouble, il est bien dans ses basquets. Un peu comme les héros de Dashiell Hammett par exemple. Ils savent où ils vont, autour d’eux ça fourmille, ça part dans tous les sens, mais eux, ils savent où ils vont. Ils sont clairs dans leur tête.

extrait de planche

Sceneario.com : Il mange quand même un peu à tous les râteliers.

Fabien Nury : Non, c’est faux. C’est un héros qui prétend ne pas être un héros, mais c’est bien un héros.
Si vous regardez les choix qu’il fait sur l’ensemble du cycle, je ne vais pas spoiler, mais il ne fait pas le choix de l’argent. Il rend la tune en grande partie à la mère Zarkoff, en dehors de ce qu’il a négocié. Il ne cherche pas à rentabiliser l’aventure au maximum.
Il préfère se faire payer que de se faire taper dessus, c’est le cas de beaucoup de gens quand même. Ce faisant, la plupart des protagonistes, puissants, l’embauchent plutôt que de l’assassiner. Ca me parait une bonne idée, mais c’est lui qui, in fine, détermine qui est son employeur. Il le fait en fonction de critères moraux, voire patriotiques, tout à fait nobles, mais il a tellement bien réussi à vous faire croire qu’il était une crapule, que tout le monde dit : c’est une crapule. Mais non, c’est un héros très classique.

Sceneario.com : Un dandy aventurier qui marcherait à la morale ?

Fabien Nury : Ce n’est pas un anti héros. Un anti héros c’est un personnage qui cherche à imposer sa loi au monde. Un héros c’est quelqu’un qui cherche à rétablir la loi du monde, loi qu’il n’a pas décidée.
Silas est un héros déguisé en cynique.

Sceneario.com : Le scénario, au-delà de l’intrigue en elle-même, repose essentiellement sur la personnalité de Silas Corey, comment avez-vous imaginé ce personnage, dandy aventurier, et mis en adéquation le caractère définit par Fabien avec sa représentation graphique ?

Fabien Nury : On en a parlé, Fabien avait en tête des détails qu’il voulait voir apparaitre sur Silas, la discussion s’est faite à trois avec l’éditeur. J’ai fait quelques dessins, des versions plus réalistes, d’autres plus cartoons. Il y en avait où il était constamment en mouvement, ce qui correspondait bien à mon style mais pas trop au personnage. Avec des échanges, on arrive au personnage qui plait à tout le monde.
Fabien est derrière pour cadrer. Par exemple, Silas ne sourit pas. C’est un truc dont on a beaucoup parlé entre nous, j’avais tendance à le faire comme moi, quand je suis content, je souris. Fabien m’a dit non, Silas ne rigole pas. Il balance des vannes, mais le mec reste froid. J’ai corrigé des pages parce que je lui avais fait un petit sourire en coin.

extrait de planche

Sceneario.com : Un autre personnage a son importance dans le scénario, c’est Nam, le fidèle majordome. En quoi sa présence parait elle en fait indispensable à l’équilibre du récit et à celui de Corey ?

Fabien Nury : Ça a été pensé comme cela dès le départ, après nous ne sommes pas allés tester si cela fonctionnait avec ou sans lui.
Il s’est trouvé qu’on était contents de le voir, à la fois utile et agréable et on ne voulait pas se priver de sa présence.

Sceneario.com : Cela s’inscrit dans la filiation des couples en littérature comme Lupin avec son fidèle Grognard ?

Fabien Nury : Où Holmes et Watson, bien sûr. Les anglais appellent cela le sidekick, Nam est un super sidekick, il y a un truc super, je crois qu’il n’y a pas une seule réplique qui ne contienne pas le mot Monsieur.

Sceneario.com : Qu’est ce qui le rattache à Silas ?

Fabien Nury : Il faut croire qu’ils sont simplement amis et qu’ils marchent bien ensemble. Ils y trouvent chacun leur compte, mais nous ne dirons pas comment ils se sont rencontrés.

Sceneario.com : Verrons-nous Silas Corey dans d’autres aventures ?

Fabien Nury : Oui, oui, bien sûr. D’ailleurs cela va pour moi avec son statut de héros. On démarre en 1917, le monde ne va pas très bien. En 1918 non plus et en 1919 pas plus, si vous regardez les 45 ans qui vont venir, il n’est pas prêt de prendre sa retraite. Traverser une petite partie de l’histoire avec un personnage comme Silas, ce sera un bon vecteur de policier, d’espionnage, donc d’aventures.
On peut mobiliser plusieurs genres de manière ludique et organique avec Silas et son fidèle Nam. On peut assez vite mobiliser d’assez gros enjeux tout en restant dans la tradition du feuilleton populaire divertissant avec de l’action et du suspens, tout en abordant des périodes de l’histoire tout à fait sérieuses voir totalement tragiques.
Effectivement donc, avec Pierre on va faire un second cycle.

Sceneario.com : Il me reste à vous remercier tous les deux, bonne fin de festival

Fabien Nury, Piere Alary : Merci à vous

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