Interview

Thomas Sertillanges

Sceneario.com: Thomas Sertillanges, pourriez-vous vous présenter ?
Thomas Sertillanges: Sur ma carte d’identité, il est précisé que j’ai 59 ans ; sur mon livret de famille il est écrit que je suis marié, et que j’ai 4 enfants ; sur ma carte de visite, on peut lire que je suis consultant en stratégie et communication événementielle entre autres activités professionnelles assez diversifiées ; sur le site www.cyranodebergerac.fr on découvre que je suis un passionné de Cyrano de Bergerac ; et sur www.laviequotidienneamoulinsart.fr que l’une de mes autres passions s’appelle Tintin.

Sceneario.com: Comment est née votre passion de Tintin ?
Thomas Sertillanges: Sans doute comme tout le monde, de la lecture de mon 1er album !

Sceneario.com: Quel est le tout premier Tintin que vous ayez lu?
Thomas Sertillanges: L’Affaire Tournesol, je me souviens très bien du jour où ma mère me l’a offert pour mes 7 ans et où je m’installais dans la maison pour le lire et le relire tranquillement. Le hasard fait qu’à cette époque, nous avions des amis en Suisse et nous allions souvent à Genève, puis sur les rives du Léman. L’aéroport de Contrin, la gare et l’hôtel Cornavin, Nyon et les rives du lac Léman, tout cela m’était familier et a certainement contribué à forger cette conviction qui allait ressurgir 30 ans après : Tintin existe !

Sceneario.com: Vous vous dites passionné de Tintin, mais vous devez aussi très bien connaître Hergé ?
Thomas Sertillanges: Je connais Hergé comme quelqu’un qui, aimant Tintin, s’intéresse forcément à Hergé. J’ai donc lu toutes ses biographies, et j’ai surtout pour amis, au sein de l’association des Amis de Hergé, beaucoup de copains qui l’ont bien connu et m’ont souvent parlé de lui. D’autre part, j’ai d’excellentes relations avec Fanny Rodwell, la seconde épouse d’Hergé, qui est aujourd’hui l’épouse de Nick Rodwell, et qui sont en charge tous deux, au sein de la Fondation Hergé et de Moulinsart SA, de la préservation de la mémoire de Hergé et de celle des droits de Tintin. Leurs bureaux sont toujours avenue Louise à Bruxelles, là même où Hergé avait ses studios de création. C’est toujours avec émotion que je rentre dans cet immeuble pour aller leur dire bonjour.

Sceneario.com: L’avez-vous déjà rencontré ?
Thomas Sertillanges: Non, mon seul lien direct avec lui, est un dessin qu’il m’a offert pour un anniversaire, à la suite d’une lettre que lui avait envoyée Kathia, ma femme, pour lui faire part de ma passion et lui dire que rien ne pourrait me faire plus plaisir qu’un dessin de lui.

Sceneario.com: C’est un regret ?
Thomas Sertillanges: Oui et non. Oui parce j’aurai voulu qu’il lise mon livre. Beaucoup de ceux qui ont connu Hergé ont bien voulu me dire qu’il aurait beaucoup aimé mon livre. Il me plait de le croire, car c’est indiscutablement un livre de souriante complicité, et d’affectueux respect pour le génial créateur de Tintin.

Sceneario.com: Concernant votre livre, pourquoi se lancer dans cette aventure ?
Thomas Sertillanges: Par dépit ! En réalité, j’avais commencé un autre livre qui se voulait être un dictionnaire des personnages. Arrivé à la moitié du manuscrit, je l’ai envoyé aux éditions Moulinsart qui m’ont gentiment répondu qu’un autre avait eu la même idée que moi, mais un an avant, et que ce dictionnaire était quasiment sous presse ! En revanche,  le titre que je proposais, de « Abdallah à Zorino » leur plaisait beaucoup, et l’éditeur m’a demandé la permission de le reprendre. Il m’en remercie à la page 2 du livre de Cyrille Mozgovine ! Son dictionnaire est très beau, mais très différent aussi de mon projet, lequel était moins normatif et plus affectif et moins normatif. 
Lorsque je me suis donc retrouvé avec mon manuscrit devenu inutile, et en ressentant la déception que vous imaginez, le choix était simple : soit je refermais définitivement les albums, soit je trouvais le moyen de rebondir. C’est la seconde option que j’ai retenue, et j’ai imaginé cette "Vie quotidienne à Moulinsart", en conservant l’esprit que j’avais voulu mettre déjà dans le dictionnaire, c’est à dire en parlant de Tintin comme s’il existait vraiment. C’est pourquoi je ne parle jamais « d’albums » mais de « reportages »,  et je n’emploie pas le mot de « personnages » : pour moi le chevalier François de Haddock a vraiment vécu, tout comme son descendant, Archibald Haddock. J’en ai d’ailleurs apporté des preuves que personne de raisonnable ne saurait contester.

Sceneario.com: Vous aviez envie de prouver quelque chose ?
Thomas Sertillanges: Non, juste envie de prendre du plaisir à écrire, en espérant que d’autres auraient du plaisir à lire. Envie aussi de boucler une boucle, de dédicacer ce livre à ma mère aujourd’hui disparue, de passer de lecteur de Tintin à auteur sur Tintin, de concrétiser une vieille amitié avec lui. A 7 ans, je vous le disais, j’ai lu mon premier album ; à 20, je décorais mon appartement avec les albums accrochés aux murs de mon studio ; à 30, alors que j’étais à France-Inter et à Radio Mayenne, je réalisais un concours sur Tintin pour les enfants qui m’envoyaient des dessins me représentant au côtés de Tintin, et j’étais cité dans le journal Tintin ; à 30 ans aussi, je commençais ma collection ; à un peu plus de 40 j’écrivais mon livre et devenais pour quelques années administrateur des Amis de Hergé ; à 50, j’animais un débat à l’Assemblée nationale sur le thème « Tintin est-il de droite ou de gauche ?», à bientôt 60, mon livre est réédité, et je suis interviewé pour le site sceneario.com ! Que demander de plus ? Quelque chose à prouver ? Non ! Juste l’envie d’aimer pleinement.

Sceneario.com: Saviez-vous ce que vous alliez faire au début de votre travail, ou avez vous brodé au fur et à mesure?
Thomas Sertillanges: Je suis parti de cette question à laquelle j’avais envie de trouver une réponse plausible : pourquoi Louis XIV a-t-il donné Moulinsart au chevalier, et pourquoi ce château ressemble-t-il à Cheverny ? Je voulais que la réponse puisse être satisfaisante, même pour le maquis de Vibray, propriétaire actuel et descendant de celui qui l’a fait construire ! Amusé, il m’a d’ailleurs dit que j’avais semé le doute dans son esprit ! Ensuite, les autres chapitres sont venus sans que j’aie vraiment à y réfléchir – mais non à y travailler ! Le hasard fait que le livre comporte 24 chapitres, comme le nombre des albums. J’ai bien aimé cette coïncidence, j’y ai vu comme un signe d’encouragement à pénétrer ce monde de Tintin.

Sceneario.com: Combien de fois avez-vous feuilleté vos albums de Tintin pour réaliser votre livre ?
Thomas Sertillanges: Seuls les albums eux-mêmes pourraient répondre à cette question, mais sans doute sont-ils trop fatigués d’avoir eu leurs pages tournées et retournées sans cesse pendant des mois.

Sceneario.com: De nombreux auteurs ont déjà écrit des essais sur Tintin, n’aviez-vous pas peur de faire du plagiat ?
Thomas Sertillanges: Non, vraiment pas. Vous l’aurez constatez, mon livre comporte beaucoup de citations mais mon approche était, je le crois, toute différente de celles de mes prédécesseurs. Naturellement, un certains nombre de faits ou de détails avaient été découverts avant moi mais, plutôt que de les écarter, je m’en suis au contraire servi, cela me permettait souvent de renforcer mon propos.

Sceneario.com: Mais est-ce Tintin, votre passion, ou plutôt son univers ?
Thomas Sertillanges: C’est Tintin, son univers et tous les membres de sa famille de papiers, les bons comme les méchants !

Sceneario.com: Imagineriez-vous qu’un jour un nouveau Tintin puisse sortir ?
Thomas Sertillanges: Que le grand cric me croque si je vois cela un jour ! Il existe certainement des scénaristes et des dessinateurs qui pourraient « faire » de très bons nouveaux albums. Mais je suis sûr aussi que leur talent devrait leur permettre de créer de nouveaux personnages. Les aventures de Tintin se sont arrêtées à la dernière vignette ébauchée par Hergé dans l’Alph-Art, où l’on voit Tintin qui, menacé par le revolver d’un bandit, marche vers son destin. A la case suivante, il faut qu’il se passe quelque chose sinon Tintin va mourir. Or la case suivante est blanche, Hergé n’a pas eu le temps de la dessiner. Pour moi, cette case blanche est un écran sur lequel je peux projeter toutes les futures aventures de Tintin…. à condition que personne ne vienne à ma place en écrire le scénario. La seule manière de rendre hommage à Hergé, et de préserver Tintin, c’est justement de ne pas tenter de le prolonger artificiellement. Hergé à créé une oeuvre, un chef d’oeuvre apprécié de millions de lecteurs, de toute origines, de tous pays, de toutes couleurs. On ne touche pas à un chef d’oeuvre. Et c’est à cette condition que Tintin restera vivant.

Sceneario.com: Vous lisez d’autres BDs?
Thomas Sertillanges: Au risque de vous décevoir, très peu. Personne n’est parfait !

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