Interview

Thierry GLORIS & Mikael BOURGOIN pour Le Codex Angélique tome 2

SCENEARIO : Bonjour Thierry. Bonjour Mikaël 
Pouvez-vous faire une présentation de Thierry Gloris et de Mikaël Bourgoin pour les internautes : sur votre parcours avant la publication de votre première BD Le Codex Angélique ?

Thierry Gloris : J’ai commencé par des études d’histoire que j’ai poussées jusqu’au DEA, puis je suis passé par une licence de communication. Avant de me lancer sur la voie logique du CAPES pour devenir professeur, j’ai réfléchi à ce que je voulais faire et je me suis rendu compte que ce qui m’importait le plus n’était pas l’histoire mais raconter DES histoires. J’ai alors commencé, avec un ami qui faisait les Beaux-Arts, à monter des projets pour l’édition. J’ai progressivement rencontré de nouvelles personnes (professionnels, dessinateurs amateurs, éditeurs…) qui m’ont orienté, critiqué, et j’ai dû prendre mon bâton de pèlerin car le chemin allait être long avant de décrocher le saint Graal du premier contrat. Je peux relever durant ce périple, l’importance des avis et de l’amitié que j’ai pu nouer avec le scénariste Joël Callède. Ce dernier m’a été d’une grande aide dans mon chemin pour devenir un « auteur ». Une des étapes également importante fut une rencontre qui allait m’ouvrir les portes du magazine BD : SPIROU, celle avec Thierry Tinlot, alors rédacteur en chef du sus-dit hebdomadaire. Des circonstances spécifiques ont fait que je n’ai pas pu être publié dans SPIROU, mais j’ai pu bénéficier pendant plusieurs mois de l’expérience de cette « vieille maison » et cela m’a été d’un très grand bénéfice. A partir de là, j’ai rencontré Thierry Joor de chez Delcourt qui m’a fait confiance (merci encore !) pour le Codex Angélique et tout s’est enchaîné.

Mikael Bourgoin: Pour ma part, après un BT dessinateur maquettiste, j’ai passé 4 années à l\école Emile Cohl où j’ai étudié le dessin académique, mais aussi l’illustration, la bande dessinée entre autres. Je suis sorti de l’école en 2004 et après quelques mois à monter des books pour l’illustration, et un projet bd qui n’a jamais abouti, j’ai monté avec Thierry le Codex Angelique.

SCENEARIO : Comment t’est venue l’idée de ce scénario assez … « diabolique » en fait ? de placer ton histoire à la belle époque, à Paris ?

TG : Mon premier souci est de faire une histoire « crédible ». Il m’a semblé donc utile de planter le décor de mon histoire dans un environnement que je « dominais ». La langue française est ma langue maternelle, j’aime l’utiliser dans toutes ses « colorations ». Ces éléments ont contribué à placer le Codex Angélique à la belle époque, à Paris, plutôt qu’à Londres ou New York. Secundo, le début du siècle correspond à une période charnière où les hommes pensaient qu’il n’y avait pas de limite à la science. Les romans de Jules Verne en sont un exemple flagrant. A partir de là, écrire un scénario mixant fantastique, science et psychologie dans un labyrinthe ésotérique ne pouvait trouver meilleur écrin que cette période.

SCENEARIO : Quelles ont été tes influences, tes inspirations pour cette histoire ?

TG : Ce sont essentiellement des romans édités à cette époque ou durant le XIXème siècle, et pas forcément des écrits fantastiques : Le rouge et le noir de Stendhal, Les Misérables d’Hugo, E.A Poe, Balzac, Flaubert… Ce qui m’intéressait au départ, c’était de dépeindre une société, une atmosphère, des rapports sociaux … Après, j’ai dérapé et je suis passé en fil rouge sur une fable mystique…

MB : Très sûrement pour moi Frankenstein, Jack l’éventreur, mais aussi Eyes wide shut de Stanley Kubrick (les scènes dans la maison close en sont un bon exemple je pense, mais aussi certaines associations de couleurs en fonction des choses à raconter), et aussi les nombreuses discussions avec Thierry !

SCENEARIO : tu mélanges plusieurs styles en fait : le genre policier, on pense aux Brigades du Tigres, à Jack l’éventreur (une ambiance qui rappelle celle du Silence des Agneaux par exemple) le genre fantastique, on pense évidemment aussi à Frankenstein l’œuvre de Mary Shelley… Le fantastique apparaît surtout vers la fin du premier tome avec la mort du héros et …sa résurrection à la morgue, puis ce démon qui apparaît… Qu’est ce qui nous attend pour la suite ? Le genre « guerre » ? Verra-t-on la première guerre mondiale abordée par la suite ?? Déjà, des infos sur le sujet se découvrent dans les journaux, non ?

TG : HA ! HA ! Vilain canaillou, on veut m’extorquer des informations… En fait, le tome 2 s’achemine vers un huis-clos angoissant. La première guerre mondiale est pour ce cycle totalement hors propos. Nous ne glisserons pas dans le récit guerrier. En revanche, le fantastique sera de plus en plus prégnant même si l’humain sera toujours mon principal « matériel » de travail. A mon sens le fantastique n’a d’intérêt que s’il permet de mettre dans la lumière les zones d’ombre de la psychologie humaine. Lisez le tome 2 qui sort le 22 août et vous en saurez plus ! Hé ! Hé !

MB : Oui, ce deuxième tome est beaucoup plus intimiste que le premier, plus sombre aussi!

SCENEARIO : J’aime bien les personnages de Nimber et Pujol, deux flics totalement différents mais qui se complètent. Ces personnages, comme les autres, sont-ils venus facilement ?

TG : Ces deux personnages sont mes « chouchous ». Ils sont la bulle d’oxygène dans cette histoire noire. Ils sont un peu le regard du monde « normal » sur cette tragédie fantastique qui semble impossible à canaliser ou à classifier. D’un autre côté, ils sont désarmés pour faire face au défi qui les attend et pour l’instant, ce sont plus des perdants qu’autre chose… et je les aime d’autant plus !

SCENEARIO : Parle-nous de ta rencontre avec ton dessinateur Mikaël Bourgoin. Son style si particulier, si original, convient, à mon avis, parfaitement pour la série.

TG : Je vais lui laisser la parole sur ce chapitre, j’ai déjà assez parlé…

MB : Héhé toujours aussi causants ces scénaristes ! Pour notre rencontre, elle s’est faite par internet, bien que je n’affectionne pas forcément les rencontres de ce type ! Je postais des boulots sur des forums et Thierry a aimé ce que je faisais, puis m’a proposé le scénario du Codex. A cette époque je travaillais sur un projet qui n’a jamais vu le jour, mais en lisant le scénario de Thierry, j’ai compris que nous avions les mêmes envies de raconter, et des thèmes en commun. Nous avons donc monté le dossier et présenté le tout à Thierry Joor que nous connaissions tous les deux ( grâce à mes multiples venues à Angoulême pour montrer mon book afin d’avoir des conseils), le projet leur a plu et on a signé ! Quand j’ai reçu mon contrat, je sautais tout seul dans mon salon en criant !!

SCENEARIO : Mikaël, as-tu d’entrée imposé ton style graphique ? Quelles ont été tes influences ? Peux-tu nous parler de tes influences graphiques, les auteurs qui t’ont inspiré ?

MB : Disons que je n’ai pas vraiment eu à "imposer" mon style : en fait, Thierry m’a contacté parce qu’il aimait bien ce que je faisais, donc je suis resté dans ce que j’aimais faire. J’essaie plutôt d’adapter mes ambiances colorées en fonction du récit que d’adapter mon style à l’histoire, mais de toute manière, je pense que mon style se marie bien avec celui de Thierry sur ce projet. Je ne veux surtout pas me "trahir", j’essaie de rester intègre par rapport à mes envies de dessinateur.
Mes influences graphiques se tournent plutôt vers les auteurs indépendants américains ou anglais, avec des gens comme Bill Sienkiewicz, Dave McKean, Kent Williams, Toppi (qui est italien) par exemple, qui sont des personnes qui ont osé des choses d’un point de vue graphique autant que narratif. Mignola est également une sacrée référence, côté narration. J’apprécie également beaucoup Mathieu Lauffray, Claire Wendling du côté français. Pour ce qui est de la peinture, je suis un inconditionnel de Jeffrey Jones, James Jean, Phil Hale, Jon Foster, et d’autres plus anciens tels que Klimt, Schiele, Mucha, Gericault ou encore Michel-Ange. Tous ces noms font bien rêver…

SCENEARIO : Quels sont vos futurs projets ? Pouvez-vous nous en parler ou, ..secret professionnel ??(mais nous afons les moyens de fous faire barler !)

TG : Premièrement, le Codex III, opus final qui m’appelle ! Il y a du boulot !
Une nouvelle série devrait sortir en début d’année prochaine chez Delcourt. Elle s’appellera Waterloo 1911. Il s’agira d’une uchronie napoléonienne avec un peu de fantastique. A la différence du Codex Angélique, il y aura beaucoup plus de testostérone et des thématiques totalement différentes seront traitées… Une affaire à suivre…
Je travaille également pour d’autres séries pour Soleil Celtic. Jean Luc Istin a pris contact avec moi pour me proposer de travailler pour sa collection. Je n’y connaissais pas grand-chose en «celtisme », mais après quelques recherches, j’ai trouvé mon axe de travail… Toujours l’humain au centre de tout… et des Korrigans qui dansent autour ! Ha ! Ha ! Le ton sera résolument fantastique sur le mode du thriller.
J’ai d’autres séries en cours de réalisation, mais j’en parlerai dès que les dates de parution seront plus proches…

MB : Pareil que Thierry, le Codex III, mais également deux projets d’histoires courtes classés secret défense par le FBI, et envie de me lancer vraiment dans l’illustration quand la série sera terminée (j’en fais un peu mais plus au compte goutte, avec la bd qui me prend tout mon temps, c’est dur de trouver la 25eme heure de la journée !). Pour ce qui est de futurs projet bd, je ne vois pas si loin que ça pour l’instant.

SCENEARIO : Quels ont été vos derniers coups de cœur BD ?
TG : Ma dernière claque BD fut  Pourquoi j’ai tué Pierre d’Olivier Ka et Alfred… Chapeau bas messieurs ! Il me tarde également de lire le « thriller carcéral » de Callède et Gihef : Haute Sécurité. En fan de Prison Break, je suis impatient de voir comment ils vont traiter le sujet…

MB : Tout récemment, Long John Silver de Lauffray et Dorison, une narration efficace, ils font vraiment voyager le lecteur et Lauffray est vraiment une grosse brute au dessin !

SCENEARIO : vos derniers coups de cœur cinéma ?

TG : Avec deux enfants à la maison, j’ai du mal à suivre l’actualité cinématographique… Je suis plus DVD…
Dernièrement, j’ai visionné Le fils des frères Dardenne… ben, c’est fort ! Sinon, dans un genre plus grand spectacle, je me suis fait toute la première saison de la série américaine : ROME… et il n’y a pas à dire, les Ricains quand ils veulent, ils sont balèzes…

MB: The Fountain de Darren Aronofsky, envoûtant, prenant du début à la fin, et avec une BO à tomber ! Et puis 300, un bon film de brutes, je suis ressorti du cinéma avec l’impression d\’avoir fait la guerre aux côtés des Spartiates! 

SCENEARIO : côté musique et romans ?

TG : Actuellement, je répare un grand oubli de ma culture littéraire, je lis Le pendule de Foucault d’Umberto Ecco. Je le picore avec délectation en craignant qu’arrivent les dernières pages…
Côté musique, je découvre actuellement RIDAN par son Ulysse… et je conseille le Québécois Pierre Lapointe et l’irremplaçable Brigitte Fontaine … et puis toute la « nouvelle scène » française…

MB : 1984 de George Orwell, prophétique à souhait, et je lis actuellement Stardust de Neil Gaiman, qui est vraiment superbe. Côté musique, mon gros coup de coeur revient à Raul Midon, musicien fabuleux.

SCENEARIO : le tome 2 du Codex angélique sort le 22 août 2007. Croisons les doigts pour que le succès soit au rendez-vous du second volume et merci pour ce temps passé avec nous.

TG : De rien et merci…

MB: Merci à vous!

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