Interview

Tatiana Domas et Albern pour Le secret des lutins

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Sceneario.com : Bonjour ! Pourriez-vous vous présenter l’un et l’autre et nous parler de ce qui vous a poussé dans le monde de l’illustration, de la littérature pour la jeunesse, de la BD… 

 

Tatiana Domas : Très jeune j’aimais lire, dessiner, inventer des petites histoires… De façon très naturelle, je remplissais les marges des cahiers. C’est vers l’âge de 15 ans, que j’ai réellement eu le déclic, en participant au concours scolaire de la BD d’Angoulême. La série « Tintin » me passionnait. J’ai grandi avec les Schtroumpfs, Boule et Bill, Tom-tom et
Nana, Iznogoud et je suis tombée dans la fameuse potion magique d’Astérix et Obélix !!! Quand j’ai fait mes premiers pas dans le métier en rencontrant les auteurs, j’avais franchi le miroir et me trouvais de l’autre côté : l’univers des créateurs de bande dessinée. C’était vraiment magique !

Albern : J’ai toujours baigné dans un monde où la littérature était présente. Enfant, je n’étais pas trop branché bouquins mais j’attendais avec impatience les parutions des albums de Tintin. Ado, j’écrivais de petites histoire ou des textes, et puis j’ai découvert des auteurs passionnants comme Jules Verne (Michel Strogoff), Rudyard Kipling (Le livre de la jungle) Jack London (Croc Blanc) puis Jack Kerouac, Jean Giono, J.R.R. Tolkien… Pour ces trois deniers auteurs, c’est l’intégralité de leurs œuvres qui m’a passionné.

 


Sceneario.com : Votre actualité, c’est Le secret des lutins… Pourquoi avoir choisi pour cet album des références à la légende d’Arthur et Merlin alors que vous aviez le potentiel pour réaliser une bande dessinée originale, à part entière ?

Tatiana Domas : Nous avons choisi l’univers des légendes arthuriennes effectivement car ça nous a semblé un point de départ intéressant pour traiter de thèmes comme la quête d’identité et le passage à l’age adulte. Un enfant se pose souvent la question de ses origines. C’est une angoisse aussi. Dans notre histoire, Arthur est arraché à son univers familial alors qu’il est au seuil de l’adolescence. C’est un passage un peu difficile lorsqu’il quitte l’enfance pour devenir un « petit homme ». La légende d’Arthur a été un appui pour créer cette histoire contemporaine fantastique dans laquelle un enfant d’aujourd’hui est impliqué.

Albern : Pour moi c’est une histoire que je prends en cours de route en tant que scénariste bien que je la suive depuis ses débuts. Cette histoire a été créée par un ami, je dirais mon frère. Nous avons fait des recherches ensemble, lui sur plusieurs projets BD, moi pour un récit fantastique. Nous mélangions nos bibliothèques, nos découvertes et nos idées. La maladie a arrêté cette histoire… Avant de partir, Mitteil a souhaité que cette histoire, qui était le plus élaboré de ses projets, soit menée à son terme… Voilà comment je me suis retrouvé acteur dans Le Secret des Lutins, sans oublier le petit coup de pied au derrière de la part de Tatiana qui m’a dit : « Albern il n’y a que toi qui puisse travailler avec moi sur ce projet ! » Tout était dit.

Tatiana Domas : Nous lui rendons hommage car c’est un ami trop tôt disparu. L’univers celtique le fascinait. C’est un être qui a beaucoup compté pour nous. Le secret des lutins est l’aboutissement d’une épreuve contre le temps et les éléments… A travers cet album, il continue de vivre, en quelque sorte.

 

Albern : Je lui rends tout simplement hommage en menant au bout le scénario qu’il a créé.

Pour ce qui est du choix des légendes arthuriennes, c’est un univers qui n’a pas fini de faire parler de lui et on en parle depuis bien longtemps. Les premiers écrits ou sont mentionnés Merlin et le roi Arhur datent de 1190 environ par un certain Geoffroy de Monmouth (je ne suis pas sûr de l’orthographe), livre qui était encore disponible il y a quelques années dans le commerce… La légende d’Arthur n’est-elle pas un chemin initiatique ???

Sceneario.com : Tatiana, comment abordez-vous votre dessin en fonction de l’histoire à mettre en images, du fait que vos lecteurs sont des enfants ? Comment allez-vous préférez telle technique à telle autre ?

Tatiana Domas : J’ai conservé une grande part de mon enfance et c’est dans ce ressenti que j’ai essayé de traduire les idées du scénariste. J’ai fait le choix de la couleur directe. La peinture acrylique me permet de créer des ambiances colorées assez étranges et de repousser mes limites toujours plus loin.  

Albern : A ce niveau, ce fut un plaisir pour moi de voir comment Tatiana pouvait traduire, par ses coups de pinceau, ce qui m’aurait demandé trois pages de descriptions. Elle fonctionne au ressenti et elle est capable de revenir deux voir trois, quatre, ou cinq fois sur une case avant de dire « j’accepte mon travail » !

Sceneario.com : Auteurs de titres jeunesse, j’imagine qu’enfants, vous avez l’un et l’autre été très sensibles à certaines de vos lectures. Dans quelles mesures certaines choses que vous aviez adorées transparaissent maintenant dans votre manière de travailler ?

Albern : C’est imprégné dans ma vie, je me suis construit avec ça, les bouquins, les BD, les histoires qu’on se raconte, peut-être par moments au fond de la classe, comme maintenant il y a les jeux vidéo, les consoles et autres techniques modernes pour rêver…

Tatiana Domas : J’ai été influencée par mes lectures d’enfance, c’est sûr ! J’ai conservé des ouvrages comme « Légendes des mers, des rivières et des lacs » .Ce sont des légendes tchèques racontées par Jaroslav kotouc et superbement illustrées par Jan Kudlacek (éditions Gründ – 1984 ). J’aime aussi me plonger dans l’univers des contes de Grimm, Andersen et Perrault. C’est avec ce regard que je m’adresse aux jeunes lecteurs mais aussi aux plus grands.

Sceneario.com : Comment trouver le bon dosage, en tant que créateur adulte, pour inventer un scénario qui ne fasse pas « trop bébé » ni « trop difficile » ? Et… avec tout ce qui sort pour les enfants, n’avez-vous pas craint qu’un conte avec un fond très classique, très traditionnel (lutins, magicien, animaux parlant…), ne trouve pas un accueil optimal ? Avez-vous fait “tester” votre album, en cours de réalisation, auprès d’enfants ?

Albern : Oui, Le secret des Lutins a été lu par des adultes et par des enfants à qui nous avons demandé leurs avis. N’ayant quasiment aucune expérience dans ce domaine, j’ai consulté des gens qui sont de la partie et nous avons relu des albums qui nous ont plu, tant pour leurs histoires que pour leurs découpages ou leur présentations. Avec tout ça nous avons créé le mix qui nous convenait le mieux. Quant aux craintes que vous évoquez, il faut savoir passer outre, sinon on ne fait plus rien ! La seule chose qu’on pouvait inventer c’est Notre histoire…

Sceneario.com : Intervenez-vous parfois dans des structures telles que des écoles ou des centres aérés pour parler de votre activité ?

Tatiana Domas : J’interviens ponctuellement dans les écoles et les bibliothèques pour expliquer le métier de dessinateur BD aux enfants. C’est un bel échange et je reçois des avis, je teste mes projets quand j’en ai la possibilité. Les enfants sont pleins d’énergie, ils sont volontaires et spontanés. Ils m’aident à choisir, surtout quand je suis déroutée.

 

Sceneario.com : Et avez-vous vous-mêmes des enfants et comment perçoivent-ils votre activité d’artistes ?

Tatiana Domas : Pas encore mais je souhaite avoir des enfants, les voir s’exprimer, les voir grandir à mes côtés en même temps que mon travail mûrit.

Sceneario.com : Le passage à un dessin pour d’autres publics que la jeunesse serait-il difficile ? Est-il envisagé ? Déjà expérimenté ?

 

Tatiana Domas : Envisagé oui, pas encore expérimenté. La bande dessinée pour ados/adulte me demande de changer de registre, de passer à un autre niveau d’expression, de lecture. Ca me tente bien sûr mais j’ai besoin de me sentir impliquée dans une nouvelle histoire.

Sceneario.com : Quels sont vos auteurs ou vos BD préférés quels sont vos derniers coup de cœur BD ? (Eh, à part Le secret des Lutins, hein !?!!!)

Tatiana Domas : Hergé, Franquin, Uderzo et Goscinny sont mes principaux “référents”. Je voyage toujours en redécouvrant les aventures de Tintin, et ris de bon coeur en lisant Spirou et Fantasio, Gaston Lagaffe, Astérix et Obélix.

En bande dessinée jeunesse, j’ai découvert récemment la série “ Donito” de Conrad chez Dupuis notamment “La Sirène des Caraïbes”. J’ai aussi beaucoup aimé l’univers de “Bizu” de Jean-Claude Fournier ainsi que les deux derniers albums de DP. Filippi et Sandrine Revel,“ Le Jardin autre monde “ et la suite d’un “Drôle d’Ange Gardien”…Sans parler de la série “ Gargouilles” magiquement dessinée par Jean Etienne.

En bande dessinée adulte, j’ai été touchée par l’univers de Baudoin, Chabouté et Mattotti (“Lettres d’un temps éloigné” – Casterman 2005), par la qualité de narration du “Combat ordinaire” de Manu Larcenet. Les graphismes d’auteurs tels qu’ Emmanuel Lepage, Béatrice Tillier et Gibrat me font rêver. Il y a tellement de parutions que l’on ne peut pas tout suivre, malheureusement.

Albern : Etant dans un travail d’écriture j’ai pris du recul par rapport à la BD. Mais j’ai beaucoup de plaisir à relire des gens comme Pratt, Servais, Comès, Boucq, Tardy sans oublier Hergé, Goscinny autant dans Astérix que dans Iznogoud. Si je devais en citer d’autres je rajouterais Tota, Gibrat, Hermann, Derib et je suis sûr que j’en oublie ! 

Sceneario.com : Quels sont vos projets en cours ?

Tatiana Domas : Je prépare actuellement deux nouveaux projets BD :

Projet BD jeunesse “L’horloge”. Il s’agit d’une très belle histoire animalière scénarisée par Jean-Blaise Djian. Les personnages sont attachants : Clarisse, petite ourse orpheline de 8 ans vit chez sa tante antiquaire. Intriguée par la disparition de ses parents, elle décide de partir à leur recherche…

Projet BD “Noémie et les rêves”. Jean-Christophe Deveney m’a parlé de cette histoire alors que je finissais les aventures de Téo (2004). Puis quand j’ai reçu le scénario, j’ai été très tentée de découvrir la suite… A la mort de son grand-père, Noémie va hériter d’un pouvoir magique. Ce pouvoir lui permet de franchir les portes des rêves. Aidée par la clef des songes, La fillette va accomplir des miracles…

Albern : Et moi, j’écris la deuxième partie d’un récit fantastique et je suis à la recherche d’un éditeur.

 

Sceneario.com : Et bien, merci beaucoup, et bon vent, donc, au Secret des lutins ! Bonne continuation également pour vos autres projets, et merci d’avoir passé ce temps avec nous !

 

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