Interview

Sur les traces de la tribu des Aarib avec Jérôme HEYDON

Sceneario.com : Bonjour Jérôme, vous serait-il possible de vous présenter à nous et de décliner votre parcours d’auteur ?

Jérôme Heydon : Bonjour, Je m’appelle Jérôme Heydon, j’ai 33 ans. Mon parcours d’auteur a débuté très tôt, lorsque, enfant, je racontais mes vacances en bd, ou que j’adaptais librement les films qui me marquaient dans des albums-maison que je reliais à l’agrafeuse. La bd a toujours été pour moi un médium naturel; j’en lisais beaucoup. Les classiques (Tintin, Lucky Luke, Astérix…) et puis, vers l’âge de dix ans, un proche m’a initié à Bilal, Druillet, et à d’autres auteurs de bandes dessinées dites adultes. Après une scolarité difficile, et quelques expériences autodidactes infructueuses, j’ai décidé d’intégrer l’école Émile Cohl de Lyon, où j’ai passé deux ou trois ans à travailler sérieusement le dessin et la couleur. Ensuite, j’ai travaillé sur une histoire de science-fiction qui, si elle n’a été éditée, m’a beaucoup apporté. La providence m’a ensuite conduit au Sahara, où j’ai vécu quelques temps sans plus songer à la bd, ni à autre chose qu’à la vie bédouine…

Sceneario.com : Aarib est semble-t-il votre première série grand tirage. Quel en a été le fait déclencheur ? Comment êtes vous parvenu à concrétiser ce projet et qu’elles ont été vos motivations ?

Jérôme Heydon : Eh bien, après des mois passés au désert, le naturel est revenu au galop; j’ai ressenti la nécessité de raconter, d’écrire une histoire qui me permettrait d’appréhender ce que je venais de vivre, de digérer le réel en quelque sorte. Le temps que j’ai passé dans la tribu nomade des Aarib a été très fort, très riche en émotion de toutes sortes; je ne pouvais pas rester avec tout ça en moi, il fallait que j’en témoigne. En partant de choses expérimentées, et de témoignages d’anciens de la tribu qui m’ont raconté des histoires du temps des compagnies sahariennes, j’ai entrepris l’écriture d’un scénario de fiction, le parcours initiatique d’un jeune écrivain français parti vivre avec les bédouins. J’ai proposé ce projet à Éric Adam, alors directeur artistique aux éditions Vents d’Ouest, et le projet a été validé par le comité de lecture. L’album est sorti en mars 2007.

Sceneario.com : Vous reconnaissez-vous en cet aventurier qu’est François Le Guennec et avez-vous précédé ce personnage pour réaliser cette épopée ?

Jérôme Heydon : François le Guennec est blond, je suis brun, alors… Plus sérieusement, il est évident que je fais passer François le Guennec par des endroits que j’ai fréquentés moi-même, mais c’est un personnage autonome. Ce qui nous rapproche est une certaine propension à se retrouver embarqué dans des aventures de façon assez providentielle.

Sceneario.com : Aarib semble être un plaidoyer des mœurs marocaines et plus particulièrement des tribus nomades. Quel en est votre point de vue exactement ?

Jérôme Heydon : Il ne s’agit pas d’un plaidoyer ni d’un jugement de valeur, positif ou négatif, mais du point de vue d’un témoin, d’un étranger, sur un peuple qu’il découvre. Et même si François dit à un moment se sentir arabe (il est sincère je crois), c’est un français parmi les arabes. Il fait preuve d’une ouverture d’esprit assez grande, mais il se réfère souvent à sa propre histoire, sa culture, pour décrire ce qu’il voit. Il le fait de façon un peu inconsciente, mais vous verrez dans la suite de ses aventures, que petit à petit, ce sentiment d’être français (en plus d’être breton) va s’affirmer. Voilà quelque chose que j’ai pu expérimenter personnellement; lorsqu’on est étranger quelque part, on n’est pas que soi, on représente aussi son peuple aux yeux des personnes que l’on rencontre, et ça, ça nous ramène immanquablement à nos racines, à l’idée d’héritage. C’est d’ailleurs en étant porteur d’une culture que l’on peut aller à la rencontre de l’autre, du différent, de l’étranger. Pour qu’il y ait échange, il faut avoir quelque chose à échanger. La relation n’est pas l’absorption d’un être par un autre, mais le dialogue dans la différence.

Sceneario.com : Comment expliquez-vous cette plénitude qui se dégage de votre album ?

Jérôme Heydon : Je suis heureux que vous ayez eu ce sentiment à la lecture de Aarib. Je n’ai vraiment pas d’explication à cela, j’ai juste essayé de retranscrire des émotions que j’ai ressenties au désert. Parfois, j’ai goûté à une certaine forme de sérénité, parfois seulement.

Sceneario.com : Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Jérôme Heydon : Pour Aarib, il y a une fascination du désert qui a été alimentée depuis l’enfance par des lectures, des images. Il y a eu le choc du film "Laurence d’Arabie" de David Lean, ça vraiment !… "Fort Saganne" m’a bien plu aussi. La lecture des écrits de Théodore Monod, et bien évidemment, le temps que j’ai vécu au Sahara. Plus généralement, je pense qu’il y a plein d’histoires partout ! Il suffit d’ouvrir les yeux et les oreilles sur le monde dont on fait partie. Les autres ont toujours des choses à raconter. Pas forcément en évoquant leurs souvenirs au coin du feu, mais tout simplement dans leur façon d’être.

Sceneario.com : Quelles sont vos techniques de travail quant à l’exécution de vos dessins et de leur mise en couleur lumineuse ?

Jérôme Heydon : Je réalise mes planches au crayon, puis je les scanne et je travaille les couleurs avec ma tablette graphique et Painter. Je n’ai pas fait beaucoup de recherches de couleurs pour Aarib. La restitution d’ambiances me vient assez naturellement, je me base sur mes souvenirs, mes impressions.

Sceneario.com : Où en êtes-vous de la suite de cette épopée?

Jérôme Heydon : Je réalise actuellement le second tome qui doit sortir -si tout va bien- en octobre 2008.

Sceneario.com : Avez-vous, à ce jour, arrêté le nombre d’albums qui composeront cette série ? Souhaitez-vous étaler celle-ci sur plusieurs cycles ?

Jérôme Heydon : Aarib est prévu en 2 tomes. Je ne sais pas s’il y aura plusieurs cycles. Il faudrait que ça corresponde à une nécessité, une réelle envie de raconter. Pour l’instant, deux tomes ça me paraît bien.

Sceneario.com : Etre à la fois scénariste, dessinateur et coloriste relève d’un défi que peu d’auteurs peuvent se permettre de se lancer ? Comment traduisez-vous cette indépendance ?

Jérôme Heydon : J’ai un caractère assez particulier. Quand mon moi scénariste et mon moi dessinateur ont un différent, cela peut se régler devant la glace, c’est très commode ! En fait, ça me semble naturel de travailler ainsi. J’aime autant écrire que dessiner, raconter l’histoire du début à la fin.

Sceneario.com : Quel a été votre sentiment lorsque vous avez été publié à grande échelle ?

Jérôme Heydon : Ce fut avant tout ma première publication; un accouchement !

Sceneario.com : Avez-vous déjà dans vos cartons d’autres projets ? Dans le même moule ou dans un genre différent ?

Jérôme Heydon : Je veux adapter en bd un roman médiéval. Je ne veux pas en dire trop pour le moment; juste que je travaillerai en couleurs traditionnelles.

Sceneario.com : Merci d’avoir répondu à ces questions et longue vie à Aarib !

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