Interview

Stanislas Gros pour Le dernier jour d’un condamné (Delcourt)

Sceneario.com : Bonjour Stanislas. C’est ton premier album. Peux tu te présenter auprès de nos lecteurs afin qu’ils te connaissent mieux ?

Stanislas Gros : Je vis à Orléans et j’ai 33 ans. J’ai fait deux années aux Beaux Arts avant de m’apercevoir que ça ne me plaisait pas vraiment. Je suis alors parti et j’ai fait pas mal de boulots différents, du phoning par exemple. C’était toujours des choses qui n’avaient rien à voir avec la BD. Un jour, j’ai eu envie de mettre mes dessins sur le Web. Et c’est ainsi que Jean David Morvan (1) est tombé dessus et qu’il m’a contacté.

Sceneario.com : Ca doit faire une sacrée surprise non ?

Stanislas Gros : Ah ça oui, j’ai été un peu surpris, et aussi très content. Une des choses qui m’ont étonné, c’est de me retrouver chez Delcourt, de surcroît pour une adaptation littéraire. Avec mon style, je me voyais plutôt dans la BD indépendante. Je ne me plains pas en tout cas. Et puis la situation a plein d’avantages. Le scénario était déjà tout prêt et j’ai pris le livre quasiment à la lettre avec pour principal soucis de ne pas dénaturer l’œuvre. A chaque fois, je me demandais « qu’aurait fait Victor Hugo pour illustrer ce passage ? ».

Sceneario.com : Justement, adapter Victor Hugo, ça ne devait pas être facile non ?

Stanislas Gros : En fait, si. Il y a toujours un côté très spectaculaire dans ses récits, des images très fortes. Comme il parle dans sa préface d’un « condamné quelconque, exécuté un jour quelconque, pour un crime quelconque », j’ai dessiné le XIXe siècle de mémoire, sans me documenter. Je me suis aussi permis quelques références au Moyen-Âge et même aux années à l’époque actuelle. Et, quand j’ai dessiné Paris, j’ai gardé l’actuel et j’ai mis des colombages sur les bâtiments haussmanniens, bref c’est n’importe quoi. En revanche, quand il s’agit de monuments parisiens que tout le monde connaît, je suis allé les dessiner d’après nature, pour que le lecteur les reconnaisse bien et qu’il se dise : « c’est ici qu’on décapitait les gens ». Ce qui est amusant c’est au même endroit qu’on fait aujourd’hui Paris Plage, qui battait son plein quand j’ai dessiné l’hôtel de ville… Souvenez vous, vous qui jouez au beach volley devant l’hôtel de ville au mois d’août : certains jours, il n’y a pas si longtemps, il y avait une guillotine à la place de votre filet !
Sceneario.com : Avais-tu la pression en touchant à ce classique de la littérature ?

Stanislas Gros : Non parce qu’au début, même si je l’avais déjà lu, je croyais que c’était une œuvre peu connue de Victor Hugo et que je pouvais y aller tranquillement. C’est à la sortie de l’album, en parlant avec les gens, que je me suis aperçu que presque tout le monde l’avait lu en Terminale (rire). Mais, globalement, la bande dessinée a été bien accueillie donc ça va !

Sceneario.com : Quels sont tes projets maintenant ?

Stanislas Gros : Je travaille sur « Le Portrait de Dorian Gray », pour la même collection. Je l’ai choisi parce que j’avais l’impression qu’on pouvait faire de belles images, et que je trouvais le thème de la jeunesse éternelle très actuel. Mais, au fur et à mesure que j’avance, je m’aperçois que le livre d’Oscar Wilde est plus difficile à mettre en images que celui de Hugo car il y a beaucoup de dialogues. J’ai mis six mois pour faire mon premier album. Là, ce sera plus long, surtout qu’il comporte plus de pages.
En dehors de ce projet, il faudrait aussi que je finisse les BD que j’ai commencées sur mon site. Ce sera quand j’aurai le temps.

Sceneario.com : Le thème de la peine de mort, dans le livre de Hugo, semble t’avoir beaucoup touché.

Stanislas Gros : Honnêtement, non, même si évidemment, je partage les convictions de Hugo, je trouve que ce serait un peu ridicule de ma part de m’engager contre la peine de mort 25 ans après son abolition. Cela dit c’est vrai qu’à l’époque où j’ai démarré ce travail, on en parlait beaucoup dans l’actualité, enfin c’était il y a deux ans, j’ai oublié qui en parlait et pourquoi. En fait la question de la peine de mort ouvre aussi par exemple celle la répression : est-ce que c’est réellement efficace de punir les gens ? ou est-ce qu’on le fait juste par esprit de vengeance ? Est-ce qu’un criminel se réinsérera mieux dans la société si on est cruel avec lui ? Bon c’est vrai que la peine de mort réglait la question de la réinsertion.

Sceneario.com : En matière de lecture, es tu plutôt BD ou plutôt littérature ?

Stanislas Gros : Je lis moins de bandes dessinées que de littérature. Le hasard fait bien les choses car Jean David Morvan ne savait pas forcément en me contactant. Les premiers auteurs que j’aime qui me viennent à l’esprit sont Romain Gary et Milan Kundera, mais il y en a beaucoup d’autre. J’ai un faible pour la littérature du XIXe siècle, Balzac, Stendhal, Flaubert toutes ces oeuvres avec lesquels on torture les lycéens. Pourtant, c’est Wilde que j’ai choisi pour ce second album. J’étais attiré par l’esprit « art nouveau », très visuel et amusant. L’époque de Balzac, c’est chiant à dessiner.

Sceneario.com : C’est Internet qui t’a fait connaître. Y es-tu toujours aussi actif ?

Stanislas Gros : Oui, j’aime m’amuser sur mon blog. Je l’ai créé à l’époque où je cherchais à être publié. J’ai envoyé beaucoup de mes dessins aux éditeurs en vain. Je les ai donc mis sur le Web. Je me suis fait aider pour la partie technique et voilà. Je l’alimente en fonction de mon temps libre.

Sceneario.com : Merci pour le temps que tu nous as consacrés. À bientôt !

(1) Morvan est directeur de la collection « Ex-Libris » dans laquelle est publiée « Le dernier jour d’un condamné ».

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