Interview

Soirée Seediq Bale

Bureau de Représentation de Taipei en France
駐法國台北代表處

En introduction, Michel Ching-Long Lu, ambassadeur de Taïwan en France, fait une présentation à l’aide de marionnettes de la situation politique et économique de Taïwan, les coopérations, les échanges et les relations culturelles entre Taïwan et la France.

Logo Delcourt

Dominique Véret (Fondateur des éditions Akata) : Nous avons passé un peu plus d’un an en compagnie de l’équipe de l’ambassade. Nous avons été soutenus dès le début d’une manière incroyable et généreuse. Nous étions à Angoulême à l’exposition de Taïwan et on regardait la bande annonce du film Warrior of the rainbow et cela m’a touché profondément de voir ces sauvages avec leurs machettes et leur combat contre les Japonais.

Si nous avons entrepris ce travail autours de Seediq Bale c’est parce que nous nous sentons complètement concernés par les cultures premières. Ce que je peux vous dire c’est qu’en Amérique du Sud, encore maintenant, il y a des combats pour empêcher la construction de barrages. Les tribus sont obligées de combattre avec des flèches et elles sont éliminées dans l’indifférence générale, donc la situation de Seediq Bale continue.

Logo Delcourt

Ce qui est intéressant dans le contenu de Seediq Bale, c’est que nous sommes tous au courant qu’il y a de plus en plus de conflits dans le monde. Il y a de la tension entre les peuples et beaucoup d’intolérance, nous voulons à travers notre travail casser toutes ces choses là. Concrètement, nous sommes là pour Seedliq Bale où les Japonais n’ont pas le beau rôle, mais en même temps nous publions Zéro aux éditions Delcourt. C’est l’histoire d’un kamikaze,  une histoire qui montre que nous avons des tas d’idées reçues sur eux et que derrière tout cela, il y avait plein d’individus différents. Dans ce titre nous mettons en avant une personne qui avait une grande âme et d’une grande noblesse, qui a été pris dans l’Histoire. Ce que je veux dire à travers tout cela, c’est que j’ai envie de faire de l’édition pour mettre en avant les qualités et les défauts de tous les peuples et que ce sont tous des êtres humains.

Row-Long Chiu : Les Seediq sont une des tribus aborigènes de Taïwan. Ils se trouvent à Taïwan depuis très longtemps et jusqu’à très récemment ils étaient rattachés à la tribu Atayal et dernièrement on a considéré qu’ils étaient une tribu à part entière. Ils ont leur culture, leur langue et leurs tatouages faciaux. Ils chassent dans la montagne.

"Seediq" c’est le nom du peuple et en seediq cela signifie "homme" ou "être humain" et "Bale" a le sens de "véritable". Pour être un homme ou une femme véritable, une femme doit savoir tisser et un homme doit savoir chasser et se battre avec courage. C’est seulement à ce moment là qu’ils ont le droit de recevoir les tatouages faciaux et seulement une personne tatouée est un homme ou une femme véritable. Après leur mort, ils auront le droit de chevaucher l’arc en ciel qui les mènera directement aux ancêtres.

Dans la bande dessinée, je raconte l’histoire de la tribu Seediq contre l’occupant japonais qui a eu lieu en 1930. Les Seediq se sont révoltés pour défendre leur culture principalement face à l’attitude des Japonais. Ils ont été massacrés jusqu’à ce qu’il n’en reste environ que 200. Actuellement, la population seediq compte environ 7000 personnes.

La bande dessinée est pour moi un vecteur recevable par tout le monde. Les personnes âgées, qui sont souvent analphabètes, en regardant ma bande dessinée, peuvent comprendre que je parle de leur histoire.

J’ai eu l’occasion d’aller sur le terrain, et de rencontrer une personne agée qui était rescapée du massacre des Seediq par les Japonais et qui a commencé à me raconter toute l’histoire. J’ai entendu beaucoup de personnes. Donc j’ai eu l’occasion de raconter du point de vue des Seediq. Au départ, les gens qui ne connaissaient pas cette histoire, ou qui avait un point de vue plutôt négatif face aux aborigènes, se sont rendu compte que les choses n’étaient pas si simple et les aborigènes eux-mêmes, à la lecture de mon travail, ont pu se voir et se considérer autrement. .

Logo Delcourt

J’ai eu de la chance : quand la bande dessinée est sortie pour la première fois à Taïwan, c’était une époque ou les aborigènes commençaient à revendiquer leur identité. Auparavant, ils étaient simplement appelés "peuple des montagnes" et donc ils n’étaient pas considéré comme aborigènes. C’est à ce moment là que certains activistes, à la levée de la loi martiale, ont commencé à revendiquer leur existence propre, et je dois dire que mon livre est bien tombé pour les aider et encourager dans cette voie.

La première édition a été publiée il y a plus de vingt ans à Taïwan, et depuis cette époque la situation a bien changé. Il y a eu plusieurs rééditions, mais la chose la plus importante récemment a été l’adaptation de cette histoire au cinéma par le réalisateur Wei Te-Sheng, ce qui a fait que beaucoup plus de Taïwanais ont pu prendre conscience et ont pu se documenter. Ça a été un grand pas en avant pour la reconnaissance du peuple Seediq.

Logo Delcourt

Publicité