Interview

Sir CONAN DOYLE revisité par L. TRAMAUX et P. DEUBELBEISS

Les mondes perdus de Sir Conan Doyle 01 couv

Sceneario.com : Bonjour Laurence et Patrick,

Afin de mieux faire connaissance, pourriez-vous nous résumer votre parcours artistique à tous les deux ?

Patrick Deubelbeiss : J’ai toujours été passionné de dessin. Après deux ans à l’école des Beaux Arts de Pau, j’ai suivi l’atelier d’Illustration de l’excellent Claude Lapointe aux Arts Décoratifs de Strasbourg. Je suis devenu expert en tarot et flipper et amateur peu crédible de pétanque !

Côté illustration, j’ai participé à de nombreux ouvrages documentaires pour Bayard-Presse, Bordas, Lito, Fleurus, et bien autres…

Côté BD, j’ai dessiné trois albums de Benoit Peeters, dont « Le Transpatagonien», qui mêle BD et texte illustré, puis « Le monde perdu de Maple White », sur un scénario d’Anne Porot, d’après le célèbre roman de Sir Arthur Conan Doyle, paru en deux tomes aux éditions Vents d’Ouest, dans lequel le professeur Challenger, découvre des dinosaures en Amazonie.

Laurence Tramaux : J’ai travaillé 18 ans comme régisseur cinéma et chargée de production télévision. Ce n’était pas vraiment un travail artistique, plutôt la tête et les jambes ou des chiffres et -déjà- des lettres : sur un tournage cinéma, il faut courir et avoir les nerfs solides, et dans la production, il faut savoir écrire et compter ! Je rédigeais des dossiers pour des documentaires, je lisais les scénarios que nous recevions… Certains étaient tellement mauvais que je me suis dit que je ne pouvais pas faire pire, et c’est à cette époque que j’ai commencé à écrire. Par ailleurs, mes expériences dans le cinéma sont aujourd’hui une source d’inspiration extraordinaire. Le cinéma est le reflet de la société, une tragi-comédie qui mêle argent, sentiments, aventure et suspense. J’ai déjà situé une BD de communication sur le plateau d’un documentaire, et j’ai d’autres projets de scénario là-dessus, pour lesquels je cherche des dessinateurs.

Les mondes perdus de Sir Conan Doyle 02 couv

Sceneario.com : Vous êtes ensemble aujourd’hui à la tête du diptyque intitulé « Le monde perdu de Conan Doyle » dont le deuxième tome est paru en octobre 2009 dernier (sortie réelle en 01/2010). Comment êtes-vous arrivé à la réalisation de cette aventure, qui fait en quelque sorte suite au "Monde perdu de Maple White" ?

Laurence Tramaux : Après avoir terminé les deux tomes du « Monde perdu de Maple White », Patrick s’était attaché au personnage de Challenger. Conan Doyle n’ayant pas beaucoup écrit sur ce personnage, nous avons donc choisi de lui imaginer des aventures, écrites à la manière de Conan Doyle.

Sceneario.com : Pourquoi avoir choisi de reprendre les personnages (et leur charisme) chers à Sir Arthur Conan Doyle, le père de Sherlock Holmes, dans des péripéties inédites ? Avez-vous ressenti l’obligation de mettre à l’honneur le travail de ce romancier illustre, même s’il s’agit d’une libre adaptation de son œuvre ? Ou, est-ce pour vous un tremplin idéal pour sensibiliser votre lectorat ?

Laurence Tramaux & Patrick Deubelbeiss : C’est bien pour son charisme que nous avons choisi de mettre Challenger en scène. Contrairement à Sherlock Holmes, le professeur Challenger est doté d’un physique imposant et simiesque. Bien qu’intelligent et érudit, il est spontané, sanguin, voire volcanique, et -excusez-moi- capable de botter les fesses d’un journaliste qui ne lui revient pas ! C’est très amusant, et très graphique. Conan Doyle étant un auteur très connu, nous avons pris soin de respecter l’esprit de son personnage, et nous nous sommes beaucoup documentés, à la fois sur l’Europe et l’Egypte de 1900 et sur l’Egypte d’Akhenaton, pour ne pas commettre d’impair. Si l’on en croit les critiques, le lectorat a adhéré. Nous avons même eu les félicitations de la très pointue Société Sherlock Holmes de France !

Sceneario.com : Dans ce premier diptyque, l’Égypte est le théâtre des opérations auxquelles sont mêlés Challenger, Lempereur et Malone. Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir cette partie du continent africain que l’on ne peut que connaître pour son Histoire Antique très riche ?

Laurence Tramaux & Patrick Deubelbeiss : L’Egypte, de 1900 ou d’Akhenaton, est en effet très riche, à la fois d’un point de vue graphique et historique. C’est un pur bonheur de plonger dans son histoire, de la dessiner, et pour le lecteur, de découvrir un peu de son mystère.

Les mondes perdus de Conan Doyle T2 extrait 1

Sceneario.com : Comment avez-vous préparé votre saga ? Est-ce que vous avez été, au préalable, obligés de vous imprégner des lieux égyptiens et de leur culture via des documentaires, d’autres récits, des conseils de spécialistes… ?

Laurence Tramaux & Patrick Deubelbeiss : Nous avons épluché des dizaines de livres, de sites internet, visionné des documentaires, et… fait appel à une Egyptologue, Hanane Gaber, pour la traduction des dialogues en Egyptien antique !

Sceneario.com : Vous optez pour des dialogues autochtones sous-titrés. N’avez-vous pas craint que le lecteur soit un peu perturbé par les allers et retours entre vignettes et bas de page ?

Laurence Tramaux & Patrick Deubelbeiss : Nous nous sommes posés la question, et nous avons finalement pris le parti de faire traduire les dialogues. Cela alourdit parfois la lecture, mais cela ajoute au réalisme de la BD, et c’est une des rares occasions pour le lecteur de pouvoir lire, et surtout prononcer, de l’Egyptien antique !

Sceneario.com : Pourquoi avoir choisi le thème de la montgolfière pour animer les aventures de Challenger ?

Laurence Tramaux & Patrick Deubelbeiss : C’est un clin d’œil au « Monde perdu de Maple White », dans lequel Challenger quitte l’Amazonie et ses dinosaures à l’aide d’une montgolfière confectionnée… avec un estomac de plésiosaure !

Les mondes perdus de Conan Doyle T2 extrait 1 extrait 2

Sceneario.com : Les territoires "perdus" à explorer semblent représenter un vivier extraordinaire pour faire voyager le professeur Challenger, puisqu’il est prévu de l’envoyer prochainement à la recherche de l’Atlantide. Avez-vous déjà planifié d’autres aventures ou pensez-vous lui donner une retraite paisible après le prochain diptyque ?

Laurence Tramaux : J’ai déjà écrit quatre autres synopsis, qui devraient envoyer Challenger à la recherche de l’Atlantide, puis en Afrique, sur le fleuve Orange et en Namibie, et à Londres, en bute à une terrifiante bactérie. Reste à savoir si Casterman voudra signer la suite, car, si nous avons un joli succès d’estime, l’éditeur semble juger insuffisantes les ventes du dernier tome, sorti à une mauvaise période, après deux reports de parution.

Sceneario.com : Entre le professeur barbu ventripotent, l’élégant scientifique français, le parfait journaliste et la sémillante reine, comment s’est fait le choix de l’effigie des personnages ?

Laurence Tramaux & Patrick Deubelbeiss : Nous avons repris les personnages des « Mondes perdus de Maple White », à l’exception du professeur Summerlee, que je ne trouvais pas très drôle, et de Roxton, qui faisait double emploi avec Malone. Puis j’ai adjoint à Challenger un rival, comme lui sensible au défi et à la gloire, mais en de nombreux points son opposé : Lempereur est français, beau, mince, blond, presque glabre, fait preuve de retenue dans ses propos. En fait, il correspond plus à l’archétype de l’Anglais que Challenger, qui aurait fait un excellent Français !

Sceneario.com : Patrick, au niveau graphisme, vous démontrez une grande rigueur artistique. Quelle est votre technique de travail ? Est-ce que Laurence vous laisse les coudées franches ou laisse-t-elle traîner un œil critique dans l’avancement de vos planches ?

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Patrick Deubelbeiss : Ma rigueur vient du fait que j’ai longtemps travaillé dans le dessin historique.

En BD, je fais d’abord des roughs assez poussés, sur papier A4, puis des crayonnés, très détaillés, que je reproduis sur les planches définitives. Je dessine sur papier calque, plus facile à manier que le papier, et je travaille d’habitude au pinceau et à l’encre de Chine. Mais pour les deux derniers Conan Doyle, j’ai utilisé le crayon bleu, qui me permet plus de souplesse.

Etant donné que je vis avec Laurence, il est difficile d’échapper à son regard critique ! Ceci dit, je suis le plus souvent plus dur qu’elle avec moi-même.

Sceneario.com : Avez-vous d’autres projets parallèles sur le feu (ensemble ou séparément) ? Pensez-vous peut-être adapter d’autres nouvelles de Conan Doyle ?

Laurence Tramaux & Patrick Deubelbeiss : Nous travaillons en ce moment sur un petit personnage, mignon, drôle et amoral, que nous adorons, et qui s’appelle pour l’instant Yaou. Nous le proposerons à la rentrée aux éditeurs, sous diverses formes : en BD grand public, en livres pour enfants, en encyclopédie… De l’avis général, le petit Yaou plaît beaucoup, et nous espérons qu’il séduira les éditeurs.

Sceneario.com : Sceneario.com vous remercie vivement du temps réservé à cette interview et vous souhaite bonne chance pour la suite.

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