Interview

Rencontre avec Thomas Du Caju

En deux ans, l’éditeur BD Must aura eu la très bonne idée de traduire et publier l’intégralité de la série flamande « Betty & Dodge ». La saga vient de s’achever avec le tome 8 paru en avant première au festival Quai des Bulles, à Saint Malo. Nous y avons rencontré le dessinateur, Thomas Du Caju.

Après avoir travaillé sur les films d’animation et les dessins publicitaires, qu’est ce qui vous a amené à la bande dessinée ?
Je travaillais pour une compagnie de télévision juste avant, Studio 100. Et, là-bas, il y avait Luc Luc Morjeau qui est maintenant le dessinateur de Bob & Bobette (pour le studio Vandersteen). C’est lui qui m’a proposé de faire de la bande dessinée.

Qu’est ce qui vous a amené à demander aux deux scénaristes, Jean-Claude Rijckeghen et Pat Van Beirs de vous écrire une histoire qui se passe dans les années d’avant guerre ?
Jean-Claude a une fille qui était dans la même classe que ma fille et apparemment c’était un fou de BD, ce que je ne savais pas. Je savais, en revanche, qu’il était écrivain. Je lui ai donc demandé s’il avait envie de faire un scénario de BD et il a tout de suite été partant. comme il travaille toujours avec un co-auteur, Pat Van Beirs, nous avons monté notre trio et nous avons tous un peu choisi les ingrédients de l’histoire.

C’est vous en fait qui aviez envie d’une histoire qui se passe juste avant la Seconde Guerre Mondiale ?
Oui, parce que c’est une période très intéressante au niveau historique et qu’elle avait aussi quelque chose de très esthétique.

Vous avez su allier à la fois une histoire romanesque avec la réalité historique…
C’est la spécialité de Jean-Claude et Pat car ils font également des romans de jeunesse. C’est aussi toujours une femme qui est leur personnage principal. Nous retrouvons donc ici les mêmes ingrédients que dans leurs romans. Ils ont l’habitude de toujours mélanger le romanesque, l’historique et l’humour.

On sent, en effet, qu’au delà de l’aspect romanesque et aventurier, vous aimez apporter de l’humour dans l’expression corporelle et les visages des personnages.
Je suis Flamand et, chez nous, faire une BD sans humour, ce n’est pas possible. Comme Jean-Claude qui est réalisateur de film. Lui, en faisant ses films intègre toujours des trucs humoristiques quelque part.

Vous avez su créer une héroïne aventurière et glamour à la fois… Un pied de nez à cette époque ?
Oui, même si c’était un peu difficile à amener. Nous sommes à la fin des années 30, une époque où il n’était pas si évident d’être une femme et de jouer un rôle comme celui que nous lui avons donné dans la BD. Nous l’avons donc expliqué. Elle est de noblesse anglaise et tout ce que on s’imagine avec ça. Son esprit rebelle, bien prononcé, faisait le reste.

J’ai eu le sentiment en lisant votre premier tome que vous êtes féru de vieilles voitures car vous les avez dessiné avec beaucoup de détail. Est ce le cas ?
Oui. Mais pas seulement les voitures. J’adore tout ce qui est design et machines.

La série nous fait beaucoup voyager. C’était une envie dès le départ ? Pourquoi ces lieux ? Y êtes vous allé pour vous documenter ?
Cela allait de paire avec l’atmosphère des années 30. A ce moment là, on pouvait voyager bien plus qu’avant, aller en Amérique, voir le Monde. Tout cela nous a paru bien marquer l’époque et l’esthétisme des années 30, avec ses paquebots, ses avions…
En revanche, je n’ai pas eu la chance d’aller dans tous les pays traversés par Betty et Dodge, à part l’Angleterre ou l’Italie. Mais j’aimerais bien aller à Berlin, aux Etats-Unis ou en Espagne.
Les scénaristes, eux, ont voyagé pas mal, surtout Pat. Ils ont plus de temps…

Comment votre travail a évolué au fil des 8 tomes ? Qu’est ce qui a été le plus marquant ou le plus décisif ?
C’est difficile à dire. Je crois que le dessin est plus dynamique au fil des tomes, que ça bouge toujours plus.

Combien de temps a-t-il fallu pour dessiner la série ?
Le travail s’est déroulé sur 7 ans.

Qu’est ce que ça vous fait d’arriver au bout de la série ? Ca a été difficile ? Vous étiez content d’arriver à la fin ? Vous auriez aimé continuer ?
C’est un peu tôt à dire car je ne sais pas ce qui va arriver après. Pour l’insant, la série est finie mais il y a encore pleins de dédicaces de prévues. Du coup, pour moi, ce n’est pas vraiment encore terminé, je suis toujours dans l’univers de “Betty & Dodge”.

Mais Betty ne va pas vous manquer ?
Si quand même un peu. Mais je vais la remplacer par autre chose. Il faut savoir passer à de nouveaux projets. Huit tomes, c’est bien.

Comment vous avez vécu l’opportunité d’être édité en français ?
J’étais un peu surpris car ce n’est pas facile de trouver un éditeur qui veut traduire des BD flamande en français. Il y a eu pas mal d’essais qui n’ont pas très bien réussi jusque là. Ce qui aide cette fois, c’est que BD must est un éditeur plus petit qui connaît très bien son public. De plus, la série était presque finie quand ils ont décidé de commencer la traduction. Ils savaient donc à quoi s’en tenir.

Est ce que vous êtes content de la traduction ? L’avez vous suivie dans la mesure où vous parlez très bien le français ou est-ce l’éditeur qui a géré cela ?
Je ne suis pas un spécialiste et je ne sais pas bien écrire le français. Mais le résultat me paraît très bon.

Que représentent pour vous les ventes de la version française par rapport à l’édition d’origine ?
Pour les chiffres il vaudrait mieux demander à BD must. C’est difficile à comparer car ils vendent des versions de luxe avec des couvertures rigides alors que, chez nous, ce sont des couvertures souples qui se vendent 6 €. C’est peut être un autre public. Pour l’instant BD must vend à peu près autant de Betty & Dodge couverture de luxe que nous en couverture souple.
Ce qui est bizarre, c’est que l’éditeur Flamand a essayé les couvertures rigides, mais que cela n’a pas bien fonctionné. Pourtant, chez nous, nous achetons des BD françaises avec des couvertures rigides et on trouve ça normal.

Pour vous c’était l’occasion d’être connu sur un nouveau marché ?
Oui, tout à fait. Et l’occasion aussi de visiter la France ! On va faire aussi une version allemande et peut être une anglaise.

Merci Thomas Du Caju et bonne tournée française !

Propos recueillis par Céline

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