Interview

Rencontre avec Keiko Ichiguchi, mangaka auteur de  »1945 »

 

Sceneario : Bonjour Keiko ! Et merci de nous accorder un peu de votre temps ! Vos racines sont au Japon, mais cela fait plusieurs années que vous vivez en Italie, alors ma première question est… mais qu’est-ce qui a bien pu vous attirer en Europe ?!

Keiko Ichiguchi : Ah ! C’est une loooongue histoire ! Déjà toute petite, j’ai toujours eu envie de devenir dessinatrice de bandes dessinées, mais mes parents ne pouvaient pas le concevoir. Ceci étant, j’ai donc pris une voie complètement différente et ai suivi des études pour devenir contrôleur aérien ! Lorsque j’ai réussi le concours pour cette spécialité, mes parents n’ont rien trouvé d’autre à me dire que "Tu as passé ce concours parce que tu n’as pas voulu t’engager dans des études universitaires plus poussées !". Pour leur montrer que j’en étais capable, j’ai passé un concours et ai intégré un cursus universitaire : c’était à l’université des langues étrangères d’Osaka. Là, j’ai étudié l’italien. Ce choix, au départ, s’est fait sans raison particulière ! Mais il y a tant de monde au Japon qui étudie l’anglais ou le français que j’ai opté pour l’italien, en misant sur le fait que ce choix original deviendrait un atout. Puis je me suis re-concentrée sur le dessin. J’ai travaillé pendant 6 ans comme dessinatrice au Japon, mais des problèmes avec mon éditeur, là-bas, m’ont fait perdre la passion que je nourrissais pour la bande dessinée, et j’ai tout abandonné. J’ai décidé de partir pour l’Europe. En Italie, parce que les seules choses que je savais faire étaient dessiner et parler italien ! Je voulais améliorer mon italien et trouver du travail là-bas. A Bologne, j’ai rencontré des gens qui tenaient une petite maison d’édition. Ils se sont montrés intéressés de travailler avec moi. Je suis devenue la première dessinatrice japonaise à travailler avec eux… et maintenant, j’en suis là !

Sceneario : Moi qui voulais vous demander de vous présenter un peu pour ceux qui vous découvrent grâce à "1945"… voilà qui est fait !!! Dites-moi donc maintenant comment cette BD qui fait votre actualité ici à Angoulême, "1945", a été accueillie par votre éditeur ?

Keiko Ichiguchi : Ce qu’il faut savoir, c’est que cette histoire a été dessinée à l’origine pour le public japonais. Elle a été publiée dans un magazine pour filles, un magazine de "shojo manga". Très vite, le thème a été qualifié de très spécial, notamment par le public ciblé par ce magazine pour filles ! Je n’ai donc pas eu de très bonnes réactions. Même mes amis me disaient : "Ton histoire est trop compliquée !". Par la suite, malgré cela, mon éditeur italien a décidé de le publier en Italie.

Sceneario : "1945" a quand même été intégralement publiée au Japon ?

Keiko Ichiguchi : Oui, mais uniquement dans le magazine Shojo Manga. C’est en Italie que la bande dessinée est sortie sous forme d’album pour la première fois. Par la suite, elle est sortie en France aux éditions Kana et je suis heureuse que les français semblent l’apprécier.

Sceneario : "1945" met en scène différentes personnes dans le contexte de la seconde guerre mondiale en Europe. Quelle est la part documentaire, documentée, de cette histoire, et quelle en est la part "fiction" ?

Keiko Ichiguchi : Pour plusieurs de mes personnages, je me suis inspirée de faits réels et des membres du groupe "the white rose". Ce groupe était constitué d’étudiants allemands de l’université de Münich, qui, pendant la période du nazisme, ont dénoncé les exactions du parti hitlérien en publiant des pamphlets anti-nazis. Quand j’ai appris l’existence de ce groupe par mes lectures, j’ai eu envie de raconter une histoire mettant en scène des gens comme eux. D’autres des personnages sont de mon invention. J’ai voulu faire se rencontrer la fiction et la réalité. J’ai ainsi dû me documenter sur la seconde guerre mondiale pour pouvoir dessiner des choses comme les véhicules, les uniformes, etc…

           
      

Sceneario : Vous avez écrit cette histoire pour un magazine féminin, pourtant, son thème est en rapport avec la guerre. Savez-vous quelle orientation vous allez donner à votre travail ? Allez-vous continuer à écrire des love-stories Shojo Manga ou bien allez-vous réitérer cette démarche de "1945" qui est un travail plus historique ?

Keiko Ichiguchi : J’ai beaucoup aimé travailler sur "1945". Cependant, une bande dessinée que j’écris est en cours : "Peach". Elle n’est pas terminée, et finalement, je n’aime pas beaucoup travailler sur deux choses différentes à la fois. C’est pourquoi avant tout, je compte terminer "Peach".

Sceneario : Quelles sont vos influences ?

Keiko Ichiguchi : J’ai toujours lu beaucoup de Shojo Manga, alors, sans hésiter, je peux vous dire que je suis énormément influencée, inspirée par ce style. En ce qui concerne les auteurs européens, je ne pourrais pas vraiment vous répondre, mais mes amis italiens me disent que "Peach" fait très BD européenne. J’ai écrit aussi d’autres livres, notamment "Mystery guide", une saga qui traite de la ville de Florence.

Sceneario : Que pourrait-on vous souhaiter, maintenant ? Pourquoi pas une collaboration avec votre mari ? (Le mari de Keiko Ichiguchi, Andrea Venturi, est auteur de BD en Italie)

Keiko Ichiguchi : Pourquoi pas ? Un jour, peut-être ! Je le voudrais bien, mais actuellement, il est très occupé. Andrea Venturi travaille avec d’autres auteurs italiens de bande dessinée. Il est dessinateur. Il a beaucoup de talent, il est très très connu en Italie, mais il est très timide ! Il a déjà été publié en Italie, bien sûr, et en Allemagne. Mais pas encore en France.

Sceneario : En tout cas, je vous souhaite à l’un comme à l’autre beaucoup de succès pour vos futurs projets ! Et je vous remercie pour le temps que vous avez bien voulu m’accorder pour cette interview.

Keiko Ichiguchi : Merci à vous !

 

 

 

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