Interview

Questions à Olivier Taduc et Nicolas Barral pour Mon pépé est un fantôme

Sceneario.com : Bonjour Nicolas, Bonjour Olivier. Même pas un an après la sortie du premier tome de Mon pépé est un fantôme vous voici de retour avec cette seconde saison. Mais avant toute chose, pouvez-vous vous présenter ? Quel a été votre parcours ? Quelles ont été vos influences ?

Nicolas Barral : Après un BAC littéraire, j’ai passé un an à l’atelier BD des Beaux-Arts d’Angoulême où j’ai croisé Christophe Gibelin qui, quelques années plus tard, devait signer le scénario des Ailes de Plomb. A partir de 1991, j’ai fait mes premières armes dans la presse jeunesse et à Fluide Glacial jusqu’en 1996 où j’ai publié mon premier album chez Delcourt. Parmi les gens qui m’ont donné envie de faire ce drôle de métier, je place en tête de liste Goscinny, Uderzo et Morris, sans oublier Hergé, qui correspondent à mes lectures d’enfance et ont influencé la partie humoristique de mon travail. Puis il y a eu Giraud, Tardi, Goossens, Boucq à qui je dois d’avoir acquis mon vocabulaire réaliste.

Olivier TaDuc : Après deux tentatives infructueuses au concours d’entrée en médecine, je décide de m’orienter vers la carrière d’auteur de BD. C’est en complet autodidacte que je parviens, non sans persévérance, à pousser la porte des grandes puis des petites maisons d’éditions, mon ambition ayant dû être revue à la baisse. J’ai commencé ce métier aux éditions Fleurus dans le magazine Triolo où j’ai eu l’occasion de croiser d’autres auteurs comme Thierry Robin, Dieter, Christian Goux… Par la suite, j’ai entamé ma première série BD, avec Dieter au scénario, intitulée Sark. C’était une série de cape et d’épée, suivra ensuite une collaboration avec Serge Le Tendre sur la reprise des Voyages de Takuan après la défection du dessinateur Emiliano Siméoni.

Enfin, mon envie de faire un western avec des chinois reprenant le dessus, j’ai proposé à Serge d’embarquer avec moi sur Chinaman car notre relation de travail ensemble sur Takuan avait été très agréable et motivante.

Mes influences principales sont issues en partie du monde des Comics avec des dessinateurs talentueux comme Joe Kubert, Neal Adams, John Romita et john Buscema mais également de la production Franco-Belge avec des auteurs comme Morris (j’ai énormément appris à dessiner en regardant ses albums de près), Uderzo puis Giraud et Hermann pour le style réaliste.

Sceneario.com : Les lecteurs vous ont découvert sur des univers différents : vous, Olivier, c’est surtout avec Chinaman. Tandis que vous, Nicolas, vous vous êtes fait connaître par Les ailes de plombs avec Gibelin puis la série Baker Street avec Veys et Les aventures de Philip et Francis qui vous a donné une certaine notoriété.
Comment vous est venue l’idée de travailler ensemble sur Mon pépé est un fantôme ?

Nicolas Barral : L’envie de signer mes propres scénarii me taraudait depuis longtemps et se traduisait dans mes différentes séries par une forme d’interventionnisme parfois mal vécue par mes collaborateurs. Passer au scénario a été un acte salvateur. Je savais qu’Olivier, qui est un proche dans la vie, cherchait à diversifier son activité, souhaitant aborder un registre plus léger. Je lui ai proposé cette histoire de pépé fantôme, au départ maghrébin, que nous avons très vite adapté aux origines eurasiennes d’Olivier, avec cette petite touche corse à laquelle il tient pour des raisons qu’il vous expliquera mieux que moi.

Olivier TaDuc : Après avoir passé de nombreuses années à dessiner dans un certain style, réaliste pour moi en l’occurrence, il est normal d’éprouver une certaine lassitude, même passagère, et d’avoir envie de bousculer ses codes graphiques ou d’en explorer de nouveaux ; d’où mon envie, que j’ai exprimée à Nicolas lors d’un repas avec nos familles respectives, de dessiner différemment. Mais l’élément déterminant pour que je saute le pas a été la découverte de l’univers que me proposait Nicolas ainsi que la qualité d’écriture et surtout la possibilité d’arranger l’univers afin qu’il me soit le plus proche voire familier possible, car il devenait, en faisant cela, plus simple de trouver des sources d’inspiration pour alimenter « Mon pépé est un fantôme ».

Pour faire simple, mon épouse étant d’origine Corse et moi d’origine vietnamienne, je savais que j’avais à la maison deux spécimens, en la personne de nos deux enfants, pouvant être apparentés à notre petit Napoléon. De plus, il m’est assez aisé de trouver de la documentation sur la Corse, qui ne manquera pas d’être le lieu où se situera l’un des épisodes de la série.

Sceneario.com : Et là où nous sommes également surpris c’est de voir Olivier TaDuc, qui nous a habitués à un dessin réaliste, se retrouver face à ce style graphique alors que l’on aurait pensé avoir le contraire. Qui a eu cette idée ?

Nicolas Barral : L’idée est née de la conjonction de l’envie du dessinateur humoristique que j’étais jusqu’alors de passer au scénario et du désir du dessinateur réaliste qu’était Olivier d’élargir son horizon.

Olivier TaDuc : Il me semblait évident que cette série ne pourrait pas être traitée avec le style réaliste de Chinaman. Cela n’aurait pas fonctionné, je me suis donc mis à la mesure du texte et j’ai volontairement choisi de prendre cette option graphique beaucoup plus caricaturale voire humoristique.

Sceneario.com : D’ailleurs, comment travaillez-vous sur Mon pépé est un fantôme ?

Nicolas Barral : Nous discutons beaucoup, ce qui permet de tester en amont les idées. Puis le travail se divise de manière classique. Par déformation professionnelle, j’ai commencé par livrer mes scénarii sous la forme de story-boards. Mais aujourd’hui mon outil de prédilection est l’ordinateur. Nous passons quelque fois aussi par le mime pour préciser certaines expressions car l’humour est un mécanisme de précision.

Olivier TaDuc : Nous travaillons énormément grâce à Internet. Je reçois les pages de scénario par mail puis nous visualisons les situations par webcam interposée et enfin j’envoie les roughs ou crayonnés pratiquement en direct également par le même biais. Nous faisons partie d’une génération d’auteurs pour qui la toile est devenue indispensable, même si derrière tout cela le travail reste artisanal et à l’ancienne, il n’y a que les outils qui changent.

      

Sceneario.com : La première saison fort drôle d’ailleurs, m’a bien surpris par son ton, son humour, et la diversité de ces personnages. Comment sont nés ces personnages ?

Nicolas Barral : L’idée de base était de mettre en scène Napoléon Tran, un petit garçon métis dont les parents sont séparés et sur qui veille un grand-père fantôme mort d’un cancer (vaste programme !). Pour traiter de tous ces thèmes un peu graves, l’humour et la tendresse se sont vite imposés. Puis se pose tout naturellement la question de l’univers dans lequel ce binôme va évoluer. Il était évident que Napoléon irait à l’école, il lui fallait donc des copains, si possible hauts en couleur. D’où la naissance de Miguel, le petit portugais, Aboubakar le petit africain, et Amadeus le fils de l’entrepreneur de pompes funèbres, pour coller à la thématique principale. D’autre part, pépé Tran laissait derrière lui des héritiers, et une veuve, qui allait constituer une deuxième source d’inspiration, comme Tonton Arsène, par exemple, qui rêve d’être le nouveau Robert de Niro et économise pour pouvoir se payer l’Actor’s studio…

Olivier TaDuc : La mise au point de l’univers et la création de différents personnages s’est faite dans la joie et la bonne humeur. On s’est vraiment fait plaisir.

Sceneario.com : Vous inspirez-vous de faits que vous avez connus ? Entendus ?

Nicolas Barral : Je réserve ma réponse à mon psychanalyste.

Olivier TaDuc : Non… Mis à part le fait d’avoir des fantômes dans notre entourage !

Sceneario.com : Ce second tome est aussi réussi que le premier. Il apporte un nouveau personnage : l’iguane Iggy. Pourquoi ce bestiau ?

Nicolas Barral : Comme il n’est pas très naturel de voir des fantômes, Napoléon atterrit chez un psy qui lui conseille d’adopter un animal domestique. C’est très sérieux, on appelle ça l’animal thérapie. Manque de bol, le refuge de la S.P.A a été dévalisé. Il ne reste plus qu’un iguane tout moche. Mais cette iguane possède une qualité qui va emporter le morceau : lui aussi voit le fantôme !

Sceneario.com : On va y croiser des caricatures de personnes célèbres comme celle de l’employé de la SPA. Avez-vous envie de faire d’autres clins d’œil comme celui là ?

Nicolas Barral : Oui, c’est une tradition dans la bande dessinée humoristique, lancée très tôt par Uderzo et Morris, et que nous allons tâcher de perpétuer autant que possible.

Olivier TaDuc : C’est un exercice gratifiant pour un dessinateur surtout quand il réussit le clin d’œil. On crée ainsi une certaine connivence avec le lecteur qui va s’amuser à chercher de qui s’inspire tel ou tel personnage. Alors, on ne va pas se gêner.

Sceneario.com : Cette série vous permet aussi d’aborder des sujets difficiles comme la maladie d’Alzheimer. D’ailleurs, j’ai trouvé le passage où la grand-mère de Napoléon l’apprend de la bouche de son petit fils un soir de noël très émouvant. Est-ce facile d’aborder ce sujet là ?

Nicolas Barral : Non, c’est un sujet délicat. Avec le vieillissement de la population, cette peur se met à hanter toutes les familles. Un peu de catharsis ne fait pas de mal, je crois.

Sceneario.com : Napoléon me fait penser mais dans un autre style au petit Nicolas de Goscinny et Sempé. Y pensiez-vous en créant ce personnage ?

Nicolas Barral : Oui, vous avez l’œil. D’ailleurs au moment de faire redémarrer la série dans Spirou après son absence prolongée, la rédaction m’avait commandé une nouvelle, qu’Olivier a illustrée. Et puis, il faut que je vous fasse un aveu : le petit Nicolas, c’est moi.

Sceneario.com : Quels sont vos futurs projets ?

Nicolas Barral : Nous avons déjà bien entamée la saison 3. Puis il y aura la saison 4. D’autre part, le dessinateur qu’il m’arrive d’être travaille sur deux projets en parallèle. Nous abandonnons momentanément Dieu avec Tonino Benacquista pour réaliser un polar en deux volets qui sortira chez Dargaud. Par ailleurs, Pierre Veys vient d’achever l’écriture du tome 2 des aventures de Philip et Francis, toujours pour Dargaud. Et puis j’ai l’envie récurrente que Barral scénariste écrive pour Barral dessinateur. J’ai un projet dans les tuyaux, toujours chez Dargaud. Mais il devra attendre.

Olivier TaDuc : : Pour l’instant, je concentre mes efforts sur Mon pépé….

Chinaman est en sommeil le temps d’enchaîner les 4 saisons.

Sceneario.com : Quel a été votre dernier coup de cœur du coté de la bandes dessinées ?

Nicolas Barral : Le monde selon François, de Collin et Zabus, chez Dupuis.

Olivier TaDuc : La série « RG » de Peeters et Dragon chez Bayou.

Sceneario.com : Quel a été votre dernier coup de cœur au cinéma ?

Nicolas Barral : OSS 117, Rio ne répond plus, de Michel Hazanavicius.

Olivier TaDuc : The warlords de Peter Chan avec Jet Li, Andy Lau et Takeshi Kaneshiro. C’est un film chinois ambitieux !

      

Sceneario.com : En littérature ?

Nicolas Barral : Martin Eden, de Jack London.

Olivier TaDuc : Un long dimanche de fiançailles de Sébastien Japrisot

Sceneario.com : En musique ?

Nicolas Barral : Beethoven, Symphonie n°7.

Olivier TaDuc : Une BOF : la musique du film the Red Cliff de John Woo.

Sceneario.com : Merci encore pour ce temps passé avec nous et à bientôt.

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