Interview

Patrice PERNA nous parle de KOSMOS

Sceneario.com: Patrice Perna, qu’est ce qui un jour vous a fait un déclic pour vous lancer dans l’écriture de Kosmos ?
Partice PERNA:
Avec Fabien nous avions très envie depuis longtemps de faire une histoire dans l’espace. Pour ma part, j’ai toujours été passionné par la conquête spatiale. Des films comme « l’Etoffe des héros », « Apollo 13 »… m’ont beaucoup marqué. Dans un registre un peu différent, plus SF, « Interstellar » est un peu mon film culte de ces dernières années.
Concernant Kosmos le déclic est venu d’une expérience personnelle. Je cherchais une histoire et je suis tombé sur celle des cosmonautes fantômes ; De nombreux sites internet, plus ou moins sérieux, reprennent cette théorie selon laquelle plusieurs expéditions soviétiques auraient disparu lors de tentatives de vol habités. Plus particulièrement l’histoire de ce cosmonaute (Ivan Istochnikov), dont on a juste retrouvé le Soyouz vide tournant en orbite suivi d’une bouteille de Vodka, m’a emporté. Il y a une puissance évocatrice telle que j’étais convaincu que ça donnerait un point de départ formidable à un scénario. J’y croyais dur comme fer… avant de découvrir assez rapidement qu’il s’agissait d’une « fake news » fabriquée de toute pièce par l’artiste photographe Joan Foncuberta (l’œuvre Sputnick 1997).

Sceneario.com: Lorsque vous vous êtes attaqué à l’écriture, vous saviez exactement ou vous alliez aller ou votre histoire a évolué au fur et à mesure ?
Patrice PERNA:
J’avais les grandes lignes, je savais à peu près où je voulais aller et surtout ce que je voulais raconter. Ensuite j’aime bien laisser une porte ouverte à l’improvisation ; J’aime aussi beaucoup concevoir un scénario comme si c’était une sculpture. Je me laisse influencer par la matière, elle me dicte une direction. L’histoire m’échappe et fini par se construire plus ou moins d’elle-même…

Sceneario.com: Aujourd’hui beaucoup de vos albums sont illustrés par Fabien Bedouel… d’où vient cette complicité ?
Patrice PERNA:
Je ne sais pas exactement, peut-être une histoire de phéromones ?
Pour moi la complicité est indispensable à la création, même si je ne saurais pas la définir précisément. Je ne suis pas un travailleur solitaire. J’ai besoin du regard de l’autre pour écrire. Le dessin de Fabien m’inspire certaines émotions et cela influence mon travail d’écriture.

Sceneario.com: Pensez-vous que votre album peut déranger ? Remettre en question l’Histoire avec un grand H ?
Patrice PERNA:
Je ne crois pas non. Ou alors, j’ai plus d’influence que je ne l’imagine sur les gens. J’ai surtout cherché à m’interroger moi-même sur la façon de raconter l’Histoire, en prenant le lecteur à témoin. Ce n’est pas une remise en question de l’Histoire, plutôt une interrogation sur notre société. C’est pour cela que je l’ai pensé et écrit comme un documentaire « polémique » (principalement ceux que l’on peut trouver sur certaines plateformes ou sur Youtube).
Aujourd’hui l’Histoire est souvent instrumentalisée pour servir un propos, une théorie voire une propagande. Elle est mise en scène par beaucoup de média et de réseaux sociaux sous un angle polémique pour la rendre plus divertissante. Lorsqu’on travaille sur des sujets historiques complexes (les guerres notamment) on se rend vite compte qu’il y a souvent plusieurs points de vue sur un même évènement. Les historiens eux-mêmes sont rarement d’accord entre eux ; On dit souvent que l’Histoire est écrite par les vainqueurs…

Sceneario.com: Devons-nous prendre votre scénario au pied de la lettre ou en toute légèreté ?
Patrice PERNA:
A vous de voir… les deux options sont possibles. C’est tout l’intérêt du bouquin à mon avis. Du moment que vous ne le prenez pas pour une énième uchronie sur le sujet, ça me va.

Sceneario.com: Aviez-vous imaginé l’album en noir et blanc ou est-ce Fabien Bedouel qui vous l’a proposé ?
Patrice PERNA:
Dès le début nous voulions le faire en noir et blanc. C’était même la condition sine qua non. Le noir et blanc de Fabien est tellement puissant, évocateur, que je n’imaginais pas autrement une histoire dans l’espace.
Ce qui est formidable c’est que le projet a séduit notre éditrice chez Delcourt (Alix de Sanderval) et qu’elle nous a laissé carte blanche… Pagination, forme… Nous avons pu faire tout ce que nous voulions jusqu’à la fin. C’est assez rare et je reconnais qu’on a été gâté.

Sceneario.com: Vous êtes plutôt complotiste ou naïf ?
Patrice PERNA:
Je suis un sentimental, tendance mélancolique.

Sceneario.com: Comment passez-vous de l’écriture d’une BD à une autre… car entre Kosmos, Darnand et Valhalla Hotel, il y a quand même des sacrés grands écarts…
Patrice PERNA:
Je vais peut-être vous surprendre, mais figurez-vous que c’est un métier !
Même si aujourd’hui, tout le monde peut s’autoproclamer « auteur de BD » et, le cas échéant, avoir beaucoup de succès.
Tout dépend de la façon dont on envisage l’écriture : comme un passe-temps ou comme un job à plein temps ?
Me concernant, il n’y a pas de besoin impérieux, vitale, à raconter une histoire en bande dessinée (sauf si le sujet est autobiographique ou intime bien sûr).
Tout à coup je suis captivé par un sujet, souvent à cause d’un personnage central, et je me lance sans trop réfléchir aux conséquences ; Ensuite c’est juste du travail, de l’imagination et un peu de savoir-faire (qui s’acquiert principalement en lisant et avec le temps)

Sceneario.com: Et la prochaine BD… elle parlera de quoi ?
Patrice PERNA:
La prochaine parution ce sera le troisième et dernier tome de Valhalla Hotel chez Comix Buro. Viendra ensuite, à l’automne prochain, une adaptation d’un roman cultissime (pour moi) : Shibumi de Trévanian (Paru chez Gallmeister). Un one shot magnifique, dessiné par Jean Baptiste Hostache aux Arènes ;
Ensuite je ne sais pas trop où le vent me portera…

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