Interview

Pascal Rabaté ou comment les petits ruisseaux font les grandes histoires…

SCENEARIO : Pascal Rabaté, bonjour ! Merci de vous joindre à nous sur sceneario et de répondre à nos questions. Votre actualité est plutôt variée, homme de scénario et de dessin, dans quel costume vous sentez-vous le mieux ?

 

Pascal Rabaté : Costume n’est pas le mot ou me va mal, sinon j’aime les deux, l’un parce que je contrôle, l’autre  parce que ça m’échappe. 

SCENEARIO : « Les Petits Ruisseaux » est un récit intimiste sur les amours du troisième âge, très sensible, très touchant, d’où vous est venue cette idée ?

Pascal Rabaté : Je voulais parler à la base des rencontres par annonce et puis l’histoire a bifurqué, j’avais un début d’histoire et puis une fin, le reste s’est brodé tout seul. 

SCENEARIO : Qu’est-ce qui vous intéresse chez « les petites gens » ? 

Pascal Rabaté   Ils sont à ma hauteur, je suis issu d’un milieu de campagne, je raconte le milieu dans lequel j’ai grandi, les gens que j’ai croisés, qui vivent et pensent au premier degré, comme moi. 

SCENEARIO : Un souvenir ? 

Pascal Rabaté  Oui, par exemple je me souviens d’avoir aidé, alors que j’étais gamin, dans le magasin de mes parents (graine et article de pêche), que ça soit à la caisse ou à faire des sacs d’asticots ou de chènevis, les clients étaient des réguliers, ça allait de l’instit à l’agriculteur, il y avait un couple à la Dubout, il y avait aussi un client que les gens appelaient "Moreau pattes sales". 
Moreau pattes sales, je l’ai vu dans le magasin essuyer les verres de ses lunettes avec du papier journal, il sentait le furet, c’était un vrai poème, un puit à jurons. 
A la fin des années 70, il s’est retrouvé paralysé, la paroisse s’est décidé à l’embarquer un printemps à Lourdes, je me rappelle très bien avoir vu le coiffeur de langeais arriver en courant dans le magasin et hurler " miracle, miracle, moreau pattes salles… à lourde, ils l’ont lavé!". 

SCENEARIO : Pourquoi avoir choisi cette région de France (la Loire ?) pour planter le décor de votre récit ? 

Pascal Rabaté  C’est la région où je vis, je suis né en Touraine, je vis en Anjou, si on suit la logique je mourrai en Loire atlantique. 

SCENEARIO : Qui de Pierre ou de Edmond vous intéresse le plus ?

 Pascal Rabaté : Celui qui m’intéresse le plus c’est celui qui vit, l’autre étant mort, je ne peux rien pour lui, Edmond était fini, il savait ce qu’il voulait, il est mort heureux. Pierre est en reconstruction donc plus intéressant. 

SCENEARIO : Même question pour les deux femmes. ? 

Pascal Rabaté :  Je préfère Lyse la deuxième, elle vit, elle n’emballe pas les choses, elle n’est pas amoureuse de l’amour ou de l’idée d’amour comme l’autre, elle aime ou elle n’aime pas, et si elle fait l’amour sur du parquet elle ne mettra pas des patins, l’autre j’ai peur que si. 

SCENEARIO : Avez vous écouté les personnes âgées avant de vous lancer dans cette étonnante histoire ? Et saviez-vous que de récentes études statistiques révèlent une importante activité sexuelle chez les personnes du 3ème âge ? 
 
Pascal Rabaté : Mes dialogues sont fortement imprégnés par ce que j’écoute, le parlé campagne ou village, donc forcement par les vieux vus ou entrevus. Quand à votre étude statistique vous m’en apprenez de belles ! C’est plutôt réconfortant comme nouvelle, je vois mon avenir sous de meilleurs auspices. 

SCENEARIO : Y avez-vous placé des portraits de famille ? Est-ce autobiographique ?

Pascal Rabaté : Plus ou moins, ma famille mes proches sont dans tous, en morceaux, plus ou moins petits, mais ça n’est pas biographique. 

SCENEARIO : Pour revenir à vos anciens titres, dont « Ibicus » une très grande œuvre, comment passe t-on d’un style à un autre comme vous l’avez fait entre ces deux livres ?

Pascal Rabaté : Il y a eu deux livres entre Ibicus et Les petits ruisseaux, d’abord « Bienvenue à Jobourg » et « Jusqu’à sakhaline », deux livres issus de voyage l’un à Johanesbourg et l’autre en Siberie. Ces deux livres plus ou moins carnets de voyage, m’ont donné envie de revenir à quelque chose de simple, à revenir au dessin tout simplement. Le changement n’est jamais évident mais la répétition m’ennuie, en quelque sorte, je n’ai pas le choix c’est mon instabilité qui décide pour moi. 

SCENEARIO : Avez-vous une préférence entre la couleur et le n&b ? 

Pascal Rabaté : Non, tout dépend du propos. 

SCENEARIO : Votre expérience au Japon vous permet de faire quelle différence entre les bandes dessinées européennes et japonaises ? 

Pascal Rabaté : Je suis un hybride ou plutôt un bâtard des deux, je ne fais ni du manga ni vraiment de la bd franco belge, l’un est trop dilaté, l’autre trop elliptique pour moi. Je crois que mon expérience japonaise m’a appris que j’avais besoin d’espace pour parler des petits riens, mais ces petits riens sont français. 

SCENEARIO : Après avoir lu « Ibicus » on sait l’importance de la littérature dans votre vie. Après avoir lu « Les petits ruisseaux » peut-on dire que Pagnol ou Dubout par exemple font partie de vos références ? 

Pascal Rabaté: Je suis plus Giono que Pagnol, par contre Dubout oui, merci de l’avoir cité. 

SCENEARIO : Quels autres auteurs vous inspirent ?

 Pascal Rabaté : Pierre Very, Simenon, Philippe Toussaint, André Mauriac, Bernanos, Fallet, Cendrar, Modiano…En ce qui concerne la littérature russe des auteurs comme Babel, Zamiatine, Tchekov, Boulgakov, Chalamov, et autres Agota Kristof, Hemingway… je m’intéresse moins à ce qui s’est écrit avant le 20° siècle. 

SCENEARIO : On en arrive à « La Marie en Plastique », là, à nouveau une histoire humaine et forte avec des personnages aux caractères trempés et opposés, on découvre un mari rugueux et méchant, adhérant au parti communiste et son épouse, grenouille de bénitier, allant au bout de ses envies mais au douloureux prix de se faire sans cesse rabrouer par son mari. Ces deux là, encore des personnes du troisième âge, s’empoisonnent la vie ainsi que celle de leur entourage, d’où vous vient cette idée, qu’est-ce qui vous intéresse dans cette galerie familiale assez contrastée ?  Où avez-vous envie d’emmener les lecteurs ? 

Pascal Rabaté : Tout est une histoire de point de vue, personnellement je trouve la grand- mère plus chiante que le vieux, mais… 
Mes grand parents était comme les deux vieux, l’une était bonne de curé, l’autre s’occupait de la cellule coco de son village… par contre mes grand parents ont divorcé. Ce qui se passe entre eux, eût pu être ce qui se serait passé s’ils étaient restés ensembles. Sinon les clans comme les familles, ça m’a toujours fasciné, le coté le clan contre le monde me plait assez. 
J’emmène le lecteur où il veut aller, il est grand. 

SCENEARIO : Pourquoi avez-vous confié le dessin à David Prudhomme ? Comment travaillez-vous « à deux » ?

Pascal Rabaté : Parce que nous avons le même terreau, on est issus de la même région, ça c’est anecdotique, mais on a la même façon de regarder, que ce soit les attitudes, les riens qui pour nous, font le sel de la vie et puis il dessine mieux que moi les rhumatismes. 

SCENEARIO : Pour finir, quels sont vos projets ? 

Pascal Rabaté : Là je finis mon premier long métrage, ça me pompe beaucoup d’énergie, (un road movies en voiturette sur les bords de la Loire, je n’en sors pas) David planche sur le tome deux de la Marie, je fais une adaptation de « Harry est fou » pour Gallimard jeunesse, et j’ai un autre livre de prévu pour futuro pour 2008. 

SCENEARIO : Merci de nous avoir accordé cette interview.

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