Interview

Olivier DUTTO pour les P’tits Diables

Sceneario.com : Bonjour Olivier Dutto ! Pourrais-tu avant tout nous rappeler en quelques mots ta situation, ton parcours, ce qui t’a conduit à faire de la bande dessinée ?

Olivier Dutto : Comme beaucoup d’auteurs de bd, c’est la passion pour ce média qui m’a amené à en faire. Depuis très longtemps je n’avais que ça en tête et je suis très heureux aujourd’hui d’en faire.

Sceneario.com : Peux-tu aussi nous faire voyager dans le temps et nous rappeler comment s’était faite à l’époque ta recherche d’éditeur pour Les P’tits Diables et comment ce projet avait été reçu, alors que de nombreuses autres séries BD abordent ce thème universel et familial des enfants chamailleurs ?

Olivier Dutto : A l’époque, en 2002, je faisais une série qui s’appelait Izbarkan chez Soleil… C’était ma première série et j’avais envie de tenter autre chose… Les p’tits diables sont nés à ce moment-là… Ne me demande pas comment, je ne saurais pas trop quoi dire… En revanche plus je travaille dessus, et plus les choses me semblent évidentes ! Je comprends mieux aujourd’hui pourquoi je fais cette série qu’au moment où je l’ai créée !!!

Pour ce qui est de la réception de ce projet, j’ai eu de la chance car mon éditeur à de suite accroché et m’a laissé faire ce que je voulais dès qu’il a vu les 4, 5 premières pages.

Sceneario.com : Et puisqu’on a voyagé dans le temps avec ta réponse précédente, restons dans le passé : allonge-toi sur le divan et raconte-nous les problèmes que tu as rencontrés, gamin, avec ta sœur, pour avoir tant d’idées de gags à proposer dans Les P’tits Diables !?!

Olivier Dutto : Ah ah ! Ca te plairait que j’aie souffert à cause de ma sœur, hein… Eh ben non, je n’ai pas de sœur !!!
Et je crois même que c’est parce que je n’ai pas eu de sœur que je fais cette série… Je vis cette relation au moment où j’écris les scenarii… En fait c’est maintenant que Nina me fait souffrir, héhé !!!

Sceneario.com : La « concurrence » (Calvin et Hobbes, Les gosses, etc…) à laquelle on perçoit parfois peut-être des clins d’œil t’a-t-elle déjà fait ne pas choisir certaines planches que tu avais réalisées parce que les gags étaient jugés trop proches de gags existant déjà ailleurs ? (Parce que des frères et sœurs, voire des copains-copines, beaucoup en ont, donc on comprend que les idées peuvent être les mêmes d’un auteur à l’autre…)

Olivier Dutto : Non… Je suis un grand fan de Calvin et Hobbes et des Peanuts par exemple, et même si j’ai été fortement influencé par ces séries, je pense que chaque auteur à sa sensibilité… Schulz est et restera inégalable, c’est un poète du quotidien, une idole à mes yeux… Et puis, il y a plusieurs façons de faire du gag , ce qui me plait c’est cette école-là, où l’on essaie de créer un univers, une vie… Du coup, même si tu peux avoir le même gag ou la même histoire, tu ne le raconteras pas pareil… Je sais que ça paraît moins évident pour un gag que pour une histoire, mais à mon avis c’est la même chose… Sauf si tu fais des gags « peaux de bananes » qui ont été faits des tonnes de fois, cela oui, j’essaie de les éviter.

Sceneario.com : Où puises-tu cette spontanéité juvénile que l’on perçoit dans chaque planche ? Peut-on parler de "secret Dutto" ?

Olivier Dutto : Ah ben écoute, ce que tu me dis me fait énormément plaisir !!! Je ne sais pas trop quoi te dire… Je fais ce qui me plaît, j’essaie de m’éclater et de faire les gags qui me font marrer ou que je trouve « justes » par rapport à ma série, je ne veux pas faire une série drôle, j’aimerais aussi qu’on s’attache à cette famille et qu’on soit content de la retrouver à chaque nouvel album… Je n’ai pas de secret précis… Enfin… Je peux pas le dire, quoi !  😉

Sceneario.com : Microbe et l’Alien sont le produit d’une cogitation unique. Ne t’est-il pas difficile de concilier scénario et dessins ?

Olivier Dutto : Non, j’ai toujours fonctionné comme ça… Parfois j’aimerais écrire des scenarii pour d’autres auteurs que j’aime beaucoup, mais mes story-boards sont illisibles : moi seul peut les déchiffrer ! Pour qu’il soit lisible, j’ai l’impression qu’il faudrait presque le même effort que pour faire mes pages… Du coup, je fais mes pages… Mais bon, j’ai quand même bien envie d’essayer un jour.

Sceneario.com : Est-ce que l’attribution du prix jeunesse obtenu en 2005 à Angoulême pour la sortie du 2ème tome, t’a été bénéfique et dans quelle proportion ?

Olivier Dutto : Oui, bien sûr ! Même si ça n’a pas fait de la série un best seller immédiat, ça a permis, je pense, aux libraires de connaître la série… Avec tout ce qu’il existe aujourd’hui en chiffres et en qualité aussi, il est souvent difficile de se faire remarquer… Surtout quand ta série a une structure qui semble être très classique comme tu le disais toi-même… Le prix a permis aux libraires de découvrir la série de la lire et peut-être de voir qu’elle était un peu différente de ce qu’ils auraient imaginé…

Sceneario.com : On voit à la numérotation des planches qu’elles ne sont pas forcément proposées dans l’ordre dans lequel elles ont été réalisées. Qu’est-ce qui motive le fait que tel ou tel gag prenne sa place ailleurs qu’entre les 2 autres entre lesquels il a été créé, mis à part des cas évidents du respect de la chronologie ?

Olivier Dutto : C’est un peu ce que je disais plus haut… Pour moi le gag est un vrai art à part entière. Si tu mets 2 gags super drôles côte à côte suivi de quelques uns moins drôles parce qu’ils sont plus « montreurs d’univers » que drôles, le lecteur risque de se dire « ah tiens, l’album n’est pas trop marrant ! » alors que si tu dispatches bien ces gags l’effet « drôle » perdurera plus longtemps dans l’album… En dehors du fait que je construise mes albums pour qu’ils essaient d’avoir une structure cohérente et qui te transporte dans une sorte d’histoire, j’essaie aussi de rythmer la lecture… Bon, bien sûr, je le fais avec ma sensibilité, je ne sais pas comment les gens vont le ressentir finalement.

Sceneario.com : La composition d’un album tient-elle compte des « points marqués » par Tom et Nina ? Fais-tu en quelques sortes attention à la parité des victoires de tes deux héros, frère et sœur ?

Olivier Dutto : Rhaaa, non pas assez… Je dois avouer que Nina a beaucoup d’avance !!! Mais à la réflexion, après cet album, je me suis dit que ça serait pas mal si Tom arrivait un peu à s’en sortir aussi… Mais bon, Nina est quand même beaucoup plus intelligente que Tom… Je ne sais pas comment il va faire… J’attends qu’il me montre !!!

Sceneario.com : L’idée de la couverture « au choix », pour ce tome 8, est-elle une idée à toi ou bien vient-elle de l’éditeur ? Ce tome 8 était-il plus indiqué pour une telle initiative qu’un autre ?

Olivier Dutto : J’avais déjà fait pour Lanfeust Mag 2 couvertures Tom et Nina… Quand j’ai proposé le titre « Une soeur ça suffit !!! » à mon éditeur, il a eu l’idée des 2 couvs et moi ça m’a intéressé de suite, bien entendu, ça collait vraiment bien et le principe me plaisait. En plus avec ce titre, l’inversion marchait très bien… On aurait pu aussi le faire sur le tome 6 « Sœur à vendre ! » ça aurait fonctionné… Mais on n’y a pas pensé… Mieux vaut tard que jamais, comme on dit !

Sceneario.com : Les deux tomes 8, hormis leur couverture, sont-ils complètement identiques ou bien y a-t-il d’autres surprises « personnalisées » à découvrir ? (Parce que eh, mine de rien, Nina a quand même un peu le dessus sur son frère, non ? Pas cool pour la version garçons !!! 😉

Olivier Dutto : À part les couvs, il y a aussi les pages titre et les 4 de couvs qui différent. Je voulais faire une page à l’intérieur différente pour chaque album, mais malheureusement, j’ai été pris par le temps… Mais Tom a au moins sa revanche sur la couv, et c’est déjà beaucoup pour lui !!! 😉

Sceneario.com : Une planche de huit autocollants Handicap International est offerte dans le tome 8 des P’tits Diables. Pourrais-tu nous parler de ton engagement auprès de cette organisation bien connue et nous toucher mot des raisons qui t’ont poussé à être ainsi militant ?

Olivier Dutto : Militant est un bien grand mot… Je suis sensible à une situation, surtout. Je côtoie depuis toujours le handicap. Et du coup il est évident pour moi qu’il faut en parler… Enfin, je veux dire ne pas laisser ça dans l’oubli ne serait que pour faciliter aux handicapés l’accès à la rue, aux trottoirs, aux magasins bref à plein de choses de la vie quotidienne que l’on ne fait pas, parce qu’on n’y pense pas, simplement. Ensuite, il est évident que ce que défend Handicap International est essentiel. Les BASM ou autres mines sont des armes atroces qui continuent à faire des victimes même très longtemps après la guerre. Si mes petits personnages avec leurs petites étiquettes peuvent interpeller quelques enfants, ça sera toujours ça de bien.

Sceneario.com : Considérant que le filon sur les rapports houleux entre frères/sœurs est pratiquement inépuisable, comptes-tu perdurer dans cette voie ou as-tu d’autres projets totalement différents ?

Olivier Dutto : Les deux, m’sieur ! Je me sens tellement bien dans cette série et ça me plaît, à chaque tome, encore plus, de trouver des nouvelles histoires que j’espère la continuer longtemps… Et j’ai bien envie de m’essayer à autres choses aussi… Peut-être passer à un autre format… Essayer l’histoire complète pour découvrir une autre narration… J’ai quelques idées en tête, et je vais bien voir ce qui va en ressortir.

Sceneario.com : Merci pour avoir répondu à nos questions ! Et longue vie au P ‘tits Diables !

Olivier Dutto : Merci à vous et pour le reste, je suis d’accord.   🙂
 

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