Interview

Milady de Winter

Sceneario.com : Agnès Bonjour,

Agnès Maupré : Bonjour!

Sceneario.com : Comment s’est opéré ton choix des trois mousquetaires?

Agnès Maupré : Un peu par hasard, c’est un livre que pendant longtemps je n’avais pas eu envie de lire. Ce que j’en avais vu, d’après les adaptations au cinéma et toute l’imagerie qui avait pu me tomber sous les yeux, reflétait plutôt un imaginaire manichéen, un peu viril, du style : "On est des copains, on va sauver la Reine, on va boire des coups et se battre, ça va être super sympa!!!!" Ce n’était pas un univers qui m’attirait tellement et puis, je me suis quand même forcée à le lire parce que j’aime beaucoup Dumas et tous ses autres romans. Finalement quand j’ai eu le bouquin entre les mains, je me suis rendue compte qu’il ne correspondait pas du tout à l’idée que je m’en étais faite. J’ai eu le coup de foudre.

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Sceneario.com : Pourquoi avoir choisi de mettre en avant le personnage de Milady de Winter?

Agnès Maupré : Parce que, justement, dans l’injustice que j’avais perçue dans l’imagerie tirée du roman, le personnage de Milady est le plus mal loti. C’est un personnage de méchante dans le roman mais c’est aussi un personnage qui a des excuses. Et puis les mousquetaires aussi sont des personnages de méchants dans le bouquin.

Sceneario.com : Comment as tu travaillé le scenario, comment, à partir du roman extraire l’histoire de Milady pour la replacer au centre de l’histoire?

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Agnès Maupré : Les jalons de l’histoire étaient incontournables, l’affaire des ferrets, la pendaison de Milady par son mari. A partir de cette trame, l’idée était de broder, d’inventer des scènes, d’imaginer des relations qui n’étaient pas décrites dans le roman, comme les rapports entre Milady et Lord de Winter. J’ai commencé à griffonner des scènes dans des carnets de croquis ensuite j’ai tout repris pour en faire un scénario qui tienne debout.

Sceneario.com : Milady de Winter est une histoire de vengeance, une histoire de femmes, la mise au premier plan de ces personnages féminins donne beaucoup plus de relief au caractère et à la sensibilité de chacune, je n’ai pas relu les 3 mousquetaires depuis longtemps, mais j’imagine que tu as étoffé ces personnages.

Agnès Maupré : Oui, bien sur. Ce sont tous des personnages qui m’ont fait rêver, ils sont malgré tout assez flous dans le roman. Pour le personnage de Constance, par exemple, on ne comprend pas très bien ses motivations pour se jeter dans la mêlée et s’occuper des affaires de la reine.

Sceneario.com : Les relations que les acteurs entretiennent dans l’album sont compliquées, pas tant par l’intrigue que tout le monde connait que par le jeu des amours, des attirances ou des aversions, et pas seulement entre hommes et femmes, cette écriture fait tout le sel de l’album. Est-ce que tu avais dès le départ envisagé et figé ces relations où bien tes personnages te surprennent-ils au fur et à mesure de l’écriture?

Agnès Maupré : Ils peuvent tout à fait me surprendre… Par exemple, le personnage de la Reine: au début j’en avais fait quelqu’un d’immonde, une espèce de grosse sangsue qui pompait tout et puis finalement, en écrivant le scénario, j’ai eu pitié d’elle et je me suis dit qu’elle aussi devait bien s’ennuyer et être bien malheureuse.

Sceneario.com : Dans cette histoire qui pourrait être très sombre, tu incorpores un soupçon d’humour, une pincée d’érotisme, est-ce que pour toi et pour le lecteur ce sont des instants de respiration indispensables?

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Agnès Maupré : Je ne m’étais pas rendue compte en écrivant que cela pouvait être drôle, donc là c’est pas vraiment fait exprès. L’érotisme par contre est quelque chose de tout à fait naturel, ce n’est pas vraiment calculé, cela me parait toujours plus facile de dessiner les personnages tout nus qu’habillés.

Sceneario.com : Milady de Winter est ton troisième ouvrage de bande dessinée, après les contes du chat perché et le petit traité de morphologie. Est-ce que tu aimes te lancer des défis que tu choisis des sujets peu courants ou peu orthodoxes?

Agnès Maupré : (Grand éclat de rire) ce n’est pas exprès pour me tirer une balle dans le pied. Je me prends de passion pour des sujets et je n’ai pas encore bien compris quelle était ma ligne directrice dans la vie et dans la bande dessinée.

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Sceneario.com : Tu t’es beaucoup documentée pour nous restituer cette ambiance XVIIème?

Agnès Maupré : Pas mal. J’ai lu les mémoires de Monsieur d’Artagnan de Gatien Courtilz de Sandras et puis la pièce de Dumas sur la jeunesse des trois mousquetaires et puis bien évidement Internet, qui est une vraie mine d’or pour les costumes, les meubles J’ai même trouvé un site sur l’histoire de la canne à travers les âges.

Sceneario.com : Tu collabores au film d’animation de Joann Sfar, le chat du rabbin, est-ce que le travail en équipe t’impose des contraintes particulières et est-ce que cela t’apporte un enrichissement dans ton travail?

Agnès Maupré : J’ai collaboré, mais cela fait déjà un an et demi maintenant. Je ne connaissais pas du tout le travail en équipe et ça a été vraiment une expérience enrichissante, j’ai travaillé avec des gens supers, aussi bien du monde de l’animation que de celui de la BD parce que Joann avait envie de mélanger un peu tout ça.

Sceneario.com : Tu aurais envie de continuer dans l’animation?

Agnès Maupré : Je n’ai pas l’impression d’être suffisamment formée pour ça, ce sont quand même des gens qui ont fait des études spécifiques, cela ne s’improvise pas complètement, mais après tout, si j’ai l’occasion, pourquoi pas…

Sceneario.com : Tu avances sur le tome 2 de Milady, avec ses idées de vengeance, sa vie agitée et peut-être une pointe de folie qui se dessine, est il facile pour toi de vivre avec une telle compagne?

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Agnès Maupré : Oui, plutôt, finalement. Milady est plus ou moins ma part sombre. Elle représente la manière dont j’aimerais pouvoir réagir s’il m’arrivait de telles misères…

Sceneario.com : Serais tu plutôt Milady, Constance ou la Reine?

Agnès Maupré : Moi, j’ai peur d’être Ketty, c’est une de mes angoisses…

Sceneario.com : Merci beaucoup Agnès d’avoir répondu avec autant de gentillesse à nos questions et merci à Nicolas qui nous recevait dans sa librairie Label Bulles au Havre.

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