Marc Piskic interviewé pour Ontophage

Sceneario.com : Bonjour. Comment es-tu venu à la bande dessinée ?

Marc Piskic : Comme beaucoup en lisant de la BD franco-belge et des petits formats noir et blanc qui publiaient des titres américains et italiens. Mais c’est vraiment avec Tillieux et Jijé que j’ai eu envie de faire de la BD. Ecolier, je passais des journées entière à recopier mes albums de Gil Jourdan. Mais c’est sur le tard, je me suis inscrit dans une école d’art et j’ai atterri comme pas mal de monde dans le multimédia à l’aube des années 2000. Le déclic s’est produit sur Angoulême lorsque j’ai croisé Emmanuel Proust. J’ai alors travaillé sur la série « Agatha Christie » en alternance avec mon travail à plein temps. Puis c’est devenu trop difficile à gérer et je me suis lancé à cent pour cent dans la BD. J’avais déjà le projet « d’Ontophage » dans mes cartons mais je ne me sentais pas prêt. Pour le premier « Christie » j’ai travaillé avec Rivière. J’ai adapté le second tout seul. Je me suis ensuite senti un peu plus solide pour travailler sur mon projet.

Sceneario.com : Dix ans dans les cartons, tu as eu le temps de bien travailler l’ histoire !

Marc Piskic : Oui, la trame et les synopsis des 4 albums ont été posés avant l’entame des dessins. Je n’aime pas les séries dont on ne connaît pas la fin ou si peu. L’histoire est partie d’un projet de fin d’études : une BD interactive. Sur le CD-ROM il y avait plusieurs cheminements possibles et selon les choix de l’utilisateur des fins différentes. On avait accès à des documents comme des revues de presse, des cartes de Paris, des affiches, des bandes sons et autres bonus.

Sceneario.com : Aujourd’hui c’est un domaine qui commence à être assez porteur.

Marc Piskic : A l’époque j’avais commencé à le proposer mais ce n’était pas vu comme de la BD, seulement du CD-Rom interactif. Aujourd’hui ce serait peut-être différent.

Sceneario.com : Qu’est-ce que tu apprécies le plus dans la bande dessinée.

Marc Piskic : C’est pour moi un moyen de raconter des histoires. Comme je ne suis pas romancier, le dessin est un moyen d’y parvenir au même titre que la musique. J’aime particulièrement travailler les atmosphères visuelles ou sonores.

Sceneario.com : Il est clair que toutes les scènes en particuliers nocturnes sont fabuleusement travaillées !

Marc Piskic : C’est mon dada. J’aime beaucoup l’expressionnisme allemand, les films noirs américains des années 40/50…

Sceneario.com : C’est quelque chose que tu as beaucoup travaillé pour obtenir les ambiances ?

Marc Piskic : Disons que j’ai toujours ça en tête avant même l’entame du dessin voire du scénario.

Sceneario.com : Dans le scénario qui est plutôt orienté polar tu ajoutes une touche de fantastique. C’est pour brouiller les pistes ? Ajouter plus de mystère ?

Auteur : Un peu des deux. Sur cette période, j’aime aussi bien polar et fantastique que des classiques comme Huysmans ou les frères Goncourt. Il y a des épisodes qui seront plus orientés polar et d’autres lorgneront plus vers le fantastique. J’essaie de mêler tout ce que j’apprécie.

Sceneario.com : Exercice périlleux que de brouiller les pistes avec du fantastique, le lecteur de polar n’aime pas être leurré gratuitement.

Auteur : Non, tout est prévu. Dans le premier album il y a pas mal de détails que le lecteur ne peux décoder car il n’a pas suffisamment de cartes en mains. Mais en lisant les suivants il y reviendra sûrement et se rendra compte que beaucoup de choses étaient là dès le départ.

Sceneario.com : Dans le domaine du polar pas facile d’innover. Comment construire une histoire qui soit originale ?

Auteur : Je ne suis pas certain d’avoir fait dans l’originalité. J’ai d’abord écrit l’histoire lorsque j’étais étudiant. Certains enseignants s’intéressant à mon travail m’ont conseillé de lire des bouquins s’ approchant de mon histoire. Et je me suis rendu compte que ça avait déjà été abordé sous d’autres aspects. Après, tout dépend de la manière dont on traite le sujet. Ici nous sommes dans l’univers BD. J’avais prévu une trame en 4 épisodes dont chacun pourrait être lu indépendamment. Ça peux paraître curieux mais j’ai essayé de me calquer sur la structure de la Symphonie n°3 de Górecki, à savoir quelque chose de symétrique mais opposée. Les 2 premiers tomes posent et épaississent le mystère, le troisième et le quatrième en dénouant tous les fils au même rythme.

Sceneario.com : L’album a une petite touche « british ». Avec des ambiances brumeuses, sombres et mystérieuses …

Auteur : J’aime le vieux Londres mais mon amour urbain, c’est le Paris de Haussmann à Guimard. Là, je voulais dessiner ce vieux Paris : les Halles et autres édifices disparus aujourd’hui. Et puis c’était le cadre idéal pour jouer avec la couleur et donc les ambiances. J’affectionne beaucoup tout ce qui touche au monochrome, notamment la presse des années 20/30 imprimé en héliogravure et les films muets colorisés.

Sceneario.com : D’autres idées de série en gestation ?

Auteur : Sur Ontophage j’aurais aimé ne faire que du noir et blanc mais ce n’était évidemment pas possible. Un jour j’aimerais réaliser un one shot en noir et blanc plus long qu’une BD classique. Pourquoi pas à la fin de la série si l’occasion se présente, histoire de faire une coupure …

Sceneario.com : Donc pas mal d’inspiration pour la suite !

Auteur : Oui, j’ai pas mal d’idées mais je manque de temps. Là je réalise en plus la couleur. C’est une chose que je ne pense pas continuer par la suite car cela me prend trop de temps. La documentation, l’écriture, le crayonné, l’encrage, la couleur, ça me fait trop si je veux sortir des bouquins à un rythme raisonnable.

Sceneario.com : Le prochain tome est prévu aux alentours de mars c’est bien ça ?

Auteur : Finalement ce sera pour début juin, l’idée est de sortir un album tous les dix-huit mois à peu près. Là je débute la couleur. Il sera donc à tendance monochrome pour certaines scènes d’intérieurs afin d’appuyer le sujet. On part sur une autre affaire que dans le premier tome.