Interview

Loïc Godart interviewé pour le festival d’Angoulême 2011

Sceneario.com : Bonjour Loïc, on s’était rencontrés pour la sortie de ton album premier album chez Soleil, « l’Anatomiste » en 2005. Aujourd’hui tu sors deux albums simultannément chez Soleil et Akileos. Il a dû se passer pas mal de choses durant ces cinq années ?

Loïc Godart : Effectivement. Il y a eu une bonne année de galère. Après j’ai signé « Le Joueur » pour la Collection Adaptations de Clothilde chez Soleil. Un peu plus tard chez Akileos il y a eu la signature de « Bang » qui est finalement sorti en premier.

Sceneario.com : Tu as donc travaillé ces deux albums en parallèle ? 

Loïc Godart : J’ai préparé et dessiné les deux en même temps. Après je me suis vraiment consacré à terminer « Bang » qui devait sortir en mai 2010.

Ensuite j’ai réalisé toutes les couleurs du « Joueur ».

Sceneario.com : Tu as traité les études des personnages et des ambiances des deux albums en même temps ?

Loïc Godart : Non j’ai commencé par « Le Joueur » qui avait été signé trois quatre mois avant. Pour « Bang » ça s’est plus dilué dans le temps.

Cela peut paraître péjoratif à dire, mais « Bang » est un peu l’album du dimache.
C’est l’album pour souffler, se détendre un peu.

Sceneario.com : L’univers de « Bang » est relativement violent pourtant.

Loïc Godart : Oui. Mais en fait c’est parti comme un gag avec mon scénariste JC. Il voulait un truc de bagarres. On a commencé à écrire l’histoire en y croyant que moyennement, le fil conducteur étant assez mince. Puis on a signé chez Akileos qui nous a laissé carte blanche.

Sceneario.com : A un moment donné il a bien fallu écrire une histoire ! (rires)

Loïc Godart : On a étudié ce qui se faisait en BD d’action. Il en est ressorti que globalement, dans ce genre d’histoire, le scénario n’est pas génial et les scènes d’actions interviennent pour retenir l’attention.

Nous on a fait juste l’inverse. On a décidé de ne faire que des scènes de bagarre. Il y a sept châpitres qui correspondent à sept duels. Et de les valoriser par le scénario. C’est tout simple en fait.

Sceneario.com : Il y a un gros effort sur l’aspect psychologique et émotionnel. Les personnages ont décidé de mourir ensemble, en même temps il y a des règlements de compte, de la souffrance …

Loïc Godart : Il y a plein de choses. Déjà on n’a pas à faire à des intellectuels. Les personnages ne s’expriment que par l’action. Il y a pas mal de choses qui n’ont pas été dites et puis ils arrivent à la fin de leur existence.

En fait, aussi bien JC que moi-même ne venons pas de l’univers du film d’action. On est plus attirés par la littérature, on ne lit pas tellement de BD. Nous voulions nous défouler tout en racontant nos histoires dans un style plutôt pulp, surtout pas mélo.

Sceneario.com : Tu as un dessin très personnel, très typé. Il s’est adapté naturellement à l’univers de « Bang » ?

Loïc Godart : Sans aucun problème. En général, au bout de trois à quatre pages je sais si ça va le faire ou pas. Je prépare ma documentation, je réalise quelques croquis puis je range tout. Après je lis le scénario et je dessine au fil de l’eau. Je ne ressors la documentation que très rarement.

Sceneario.com : Pour « Le Joueur » n’était-ce pas plus contraignant, du fait de reprendre l’oeuvre de Dostoïevski ?

Loïc Godart : En fait on a repris l’histoire mais on n’a pas réalisé un travail de reconstitution. Cela ne m’intéressait pas du tout. Une histoire comme « Le Joueur » est assez universelle. C’est une histoire sur le jeu et non pas du jeu à une certaine époque. Elle pourrait très bien se dérouler à notre époque.

Sceneario.com : C’est toi qui a choisi l’oeuvre de Dostoïevski ?

Loïc Godart : A la base Clothilde m’avait proposé de travailler sur « Le portrait de Dorian Gray ». J’ai donc attaqué le sujet. Hors c’est un bouquin qu’elle adore et elle avait à l’esprit une interprétation très divergente de la mienne.

On s’est rendu compte qu’on n’arriverait pas à s’entendre. Elle m’a donc proposé de trouver un autre bouquin et j’ai choisi « Le Joueur » de Dostoïevski.

Sceneario.com : Et vous êtes tombés d’accord tout de suite avec Stéphane Miquel ?

Loïc Godart : J’ai commencé à travailler tout seul. Mais cela me prenait vraiment du temps. J’avais déjà bossé sur le Oscar Wild, là il fallait tout reprendre de zéro. J’avais donc besoin d’un scénariste pour ne plus m’occuper que du dessin.

J’avais déjà travaillé avec Stéphane sur « L’anatomiste ». C’est parti comme ça, ensuite ça a roulé tout seul.

Sceneario.com : Tu as fait beaucoup de recherches pour les personnages ?

Loïc Godart : Après avoir relu le bouquin j’avais déjà les personnages bien en tête. J’ai fait un peu plus de recherches pour Alexeï, mais il n’y a pas eu de souffrance.

Sceneario.com : Au niveau graphique tout s’est fait naturellement aussi ?

Loïc Godart : Sur l’album ça a évolué. Pour les premières planches on est encore un peu dans « L’anatomiste ». Petit à petit ça s’assouplit et le dessin cadre mieux avec le décors. Je fais très peu de crayonnés, je préfère passer très vite au dessin final. Quitte à devoir le refaire s’il ne convient pas.

Sceneario.com : Qu’est-ce qui t’intéresse plus particulièrement dans l’histoire ? L’univers du jeu ou la psychologie du personnage tourmenté d’Alexeï.

Loïc Godart : J’aime bien ce genre de personnage qui cherche tellement à bien faire les choses qu’il se perd en route complètement. Pas parce qu’il est mauvais. Il est peut-être animé par de mauvaises choses mais il a envie de bien faire. Il est amoureux et il pense qu’il lui faut absolument de l’argent. Il décide d’aller au casino pour en gagner, et finalement il s’y perd complètement. C’est beau et tragique en même temps. On ne peut pas lui jeter la pierre.

Sceneario.com : Ca se termine forcément mal ? Cela ne pourrait pas bien se terminer ?

Loïc Godart : Ca pourrait, mais dans cette histoire ils sont plus perdus les uns que les autres.

Sceneario.com : Tu as passé beaucoup de temps sur cet album, presque trois ans ?

Loïc Godart : En effet. Il a fallu lire le bouquin, le réécrire puis le dessiner ; ce qui représente un travail non négligeable.

Sceneario.com : « Bang » et « Le Joueur », des univers très sombres pendant trois ans, cela ne prend pas une dimension obsessionnelle dans la durée ?

Loïc Godart : « Le joueur » à un moment était devenu assez obsessionnel en effet. Tout doucement dans la durée ça a versé dans la follie douce.

Sceneario.com : Mais quand tu l’as terminé tu étais satisfait de ton travail ?!

Loïc Godart : La fin d’un album en général c’est un peu spécial. Et là quand j’ai rouvert « Le Joueur » il y des pages entières que je n’ai pas reconnues. Il s’était passé tellement le de temps depuis le commencement qu’à un moment ça donne le vertige.

Sceneario.com : Quel sera ton prochain album ?

Loïc Godart : Le prochain c’est « Bang 2 », une autre histoire avec trois personnages principaux.

Sceneario.com : « Bang » ne sonnait-il pas comme un one shot relatant la fin d’un groupe d’individus ?

Loïc Godart : A la fin du premier « Bang », je n’arrivais pas à lâcher les personnages. Et pourtant on leur a fait du mal. Mais je les dessinais encore et encore parce que je n’avais pas envie de les voir disparaître.

Puis j’ai écrit des bouts d’histoire. Il y avait largement matière à un second album. On va rester dans l’univers pulp ce sera moins axé bagarre avec un développement plus important de la psychologie des personnages.

Sceneario.com : Il sortira pour quand.

Loïc Godart : Pour fin 2011 début 2012. On va prendre le temps.

Sceneario.com : D’autres projets ?

Loïc Godart : C’est en cours tranquillement.

Sceneario.com : Est-ce que tu nous sortiras un jour une histoire où le héro est récompensé de ses efforts ? (rires)

Loïc Godart : Avec JC on est en train de développer d’autres scénarios, avec de vrais happy end, des trucs qui donnent la banane et qu’à la fin tu dises « c’est quand même beau la vie ».

« Bang » c’est un pulp donc à la fin les mecs finissent toujours tout cassés. C’est mon univers.

Sceneario.com : Merci Loïc de nous avoir consacré un peu de ton temps. Rendez- vous est pris la sortie de ton prochain album.

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