Interview

Libon interrogé par son héros Hector Kanon !

Libon : Hou ça fait tout drôle de parler à son héros… Bon je vais faire comme si de rien n’était et essayer de répondre tranquillement… Alors mon vrai nom c’est Ivan, je m’appelle Libon à cause de ma petite nièce qui arrivait pas à dire « Ivan » et c’est resté, ça fait un bout de temps que j’ai des amis qui m’appellent Libon. Quand j’ai commencé la BD, j’ai gardé ce nom là, c’était plus simple que mon vrai nom (polonais) et bon voilà. Libon.

J’ai 35 ans, une femme et une fille qui m’apportent le plus grand bonheur, un chat crétin. A vrai dire pas grand-chose de vraiment mondain dans tout ça… On risque pas de se rencontrer souvent à un vernissage, mon pauvre Hector !

Je fais de la BD depuis pas très longtemps, je suis graphiste de formation. J’ai fait une belle école pour apprendre à travailler. Aussitôt mon diplôme en poche, je me suis précipité faire des dessins pour des jeux vidéo (pas vraiment ce pour quoi j’avais été formé mais voilà) et aussitôt après, poussé et encouragé par tout un tas de chouettes gens que je ne remercierais jamais assez, je me suis rué sur la BD parce que j’avais envie d’écrire et de dessiner mes histoires.

 
Libon :
 Ho, au départ c’est de la pure méchanceté gratuite. Un type qui se la raconte, tu attends qu’il fasse un faux pas. Tu n’as pas honte de rigoler quand il passe pour un con : il a un peu cherché à se faire remarquer, là, non ? Alors imagine un type sans limite dans ce registre, et imagine le bonheur de le voir se mettre dans les pires situations. Plus il en rajoute et plus ça foire. C’est parti de là.

Tu m’as trotté dans la tête pendant un petit bout de temps avant d’atterrir sur le papier. J’avais envie de créer un parfait connard (excuse-moi pour l’expression…), méchant et mesquin, et de lui en mettre plein la tête. Pas tellement plus de détails que ça, à la base. Juste une sorte de punching-ball.

Bon. Il a fallu trouver sur qui taper, et t’es arrivé comme ça, assez naturellement. Finalement tu t’es retrouvé pas vraiment méchant ou pourri, juste un type normal avec un caractère à lui. Quand j’ai commencé à écrire des histoires, je me suis aperçu que j’aimais mieux ce qui arrivait quand je te secouais que quand je te tapais, je sais pas si tu vois ce que je veux dire. J’ai été moins méchant que prévu, parce que tu m’as un peu étonné. T’es pas franchement antipathique, il y a quelque chose de très humain dans toi (ah ça te la coupe hein ?). Un truc que je voulais pas forcement au départ mais finalement ça s’est retrouvé dans les histoires. Si je me dis que tu peux avoir des cotés sympa, je vais pas m’en empêcher. C’est mieux comme ça. Je veux pas que tu sois trop un stéréotype, je veux juste te laisser faire ta grande gueule et voir ce que ça donne.

Libon : C’est pas facile de répondre… Dans les histoires que j’écris, les héros sont plutôt naïfs, c’est souvent des personnages qui ont pas vraiment d’influence sur leur monde, pas volontairement en tout cas, et ils en ont pas vraiment conscience. Ils sont pas à leur place et c’est ce qui les distingue malgré eux. Dans « Jacques, le petit lézard géant » le héros est juste là comme ça, il demande rien, c’est le monde autour qui fait qu’il devient important, c’est pas lui qui fait des trucs incroyables. Dans « Tralaland » le héros essaie de garder la tête sur les épaules, mais c’est le monde autour qui marche pas normalement. Il se retrouve dans la situation du naïf, il peut pas prévoir ce qui va arriver.

Dans ce sens, on peut dire que je t’ai un peu travaillé avant de te créer. On peut retrouver tes travers dans pas mal de personnages secondaires d’ histoires que j’ai ecrites, et tu ressembles à ce que j’ai envie de raconter. T’es dans un monde qui te correspond pas. Tu le trouves pas assez excitant, mais au final il est un peu trop compliqué pour toi. Tu navigues entre deux eaux, c’est pour ça que ça marche pas vraiment. Et ça t’effleure pas l’esprit, c’est le principal.

Libon : Par plein de monde, pas forcement des proches… Je note des trucs dès que je tombe sur un personnage qui m’inspire. Ca peut être au restaurant, au café, dans le métro, dans une file d’attente, n’importe où. Maintenant, dès que je tombe sur un type malpoli, bruyant ou hautain, je jubile : j’ai l’impression qu’il bosse un peu gratuitement pour moi…

Je suis tombé il y pas longtemps sur un type qui avait commandé une andouillette dans un resto, et qui râlait à la cantonade parce que, je cite, « l’andouillette c’est un peu caoutchouteux ». Il devait penser passer pour un fin gourmet, il passait juste pour un con. Tout le monde s’en foutait de ce qu’il pense de l’andouillette, il se sentait obligé de partager son experience de gourmet, et c’était à propos d’une andouillette. Il s’en rendait pas compte, il se mettait en scène, il était content. C’était génial d’observer la scène d’à côté !!!

Pour être honnête, il arrive que je m’inspire de moi aussi. Dans l’épisode sur le vieux café où on peut écrire et surfer tranquille, c’est un peu moi qui morfle du début à la fin, ya un peu de moi dans tous les personnages.

Libon : Un morpho-psychologue te dirait que tu as un visage qui va vers l’avant, signe de volonté, ce genre de trucs. Bon en fait c’est tout bête, c’est pour laisser plein de place pour la bouche. Tu as souvent cette façon de parler avec la cigarette à la bouche, en serrant les dents. Ca fait un peu Clint Eastwood. C’est mieux avec une grande bouche, alors voilà, t’as une grande grande bouche. Et puis ça fait une tronche un peu agressive, ça te va bien. Un petit nez tout rond avec une petite bouche, ça n’aurait pas été pratique…

 
Libon :
 C’est tout bête : J’ai tendance à dessiner des personnages plutôt grotesques, et j’avais parfois besoin de « belles filles », des personnages qui sortent un peu du lot. Je me suis pas vraiment posé la question. Une belle fille dessinée comme toi, il aurait fallu lui mettre une pancarte « jolie fille » derrière elle. J’ai changé la façon de dessiner pour elles. Mais je suis assez content, elles semblent ne pas être dans la même dimension que toi, c’est rigolo de te voir à coté, on sent que c’est mal barré pour toi juste en regardant le dessin. Pis j’aime bien, en fait. C’est pas le registre dans lequel je suis le plus à l’aise mais j’aime bien essayer.

 
Libon :
 Comme ça de premier abord, on est exactement opposés. J’aime pas trop attirer l’attention, parler fort, acheter des fringues, ce genre de trucs. Comme t’es un peu mon négatif, je m’y retrouve un peu malgré moi… Mais dans le fond, non, on a vraiment rien en commun !
 

 
Libon :
 Pourquoi pas… Faut trouver une aventure ou tu pourrais t’exprimer à l’aise. Les petites tranches de vie, ça te va bien : tu as du mal à rester concentré sur la même chose bien longtemps. En ce qui concerne les nanas, on peut pas dire que tu sois un dragueur acharné non plus, hein. Si l’occasion se présente, t’es bien content, mais t’insiste jamais bien longtemps. T’as plein d ’autres trucs en tête plus importants.

 
Libon :
De rien mon grand… On se voit bientôt, faut que je te parle de deux-trois trucs pour le boulot !

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