Interview

Laurent Sieurac pour Arelate 1 et Vikings 1

Sceneario.com : Alors, Laurent, deux albums parus avec assez peu de temps d’intervalle, c’est pas mal d’actualité. Tu vas souffler un peu ou te lancer dans la foulée dans les suites ?

Le prétexte couv

Laurent Sieurac : Pas de repos pour les braves!
Je suis déjà bille en tête sur le tome 2 de Vikings avec d’ores et déjà les 10 premières planches de bouclées et les 10 suivantes en cours de crayonnage/lettrage. Ce nouvel opus est en effet prévu pour Angoulême et je devrais le finir courant de l’automne 2010.
Ensuite, j’enchainerai sur le tome 2 d’Arelate dont le scénario est en cours d’écriture et la sortie, idéalement, serait juin 2011, pour la saison estivale.

Bref, pas mal de travail en perspective, mais, finalement, c’est mon rythme normal de travail, puisque depuis mon arrivée chez Soleil et la sortie du premier tome des princes d’Arclan en 2005, j’aurais sorti 9 albums en l’espace de 5 ans.

Sceneario.com : On a pu avoir le plaisir de lire le premier tome d’Arelate, il y a quelques mois, et maintenant arrive le premier Vikings ! Deux projets avec des envies très différentes. J’aimerais bien qu’on revienne justement sur ces deux envies.
Peux-tu nous raconter la genèse du projet Arelate qui a l’air de te tenir particulièrement à cœur, dans lequel tu t’es énormément investi ?

Laurent Sieurac : C’est une très longue histoire en fait qui remonte maintenant à pas mal d’années. A l’origine, il y a une rencontre sur le festival Provence prestige à Arles avec Alain Genot, (Archéologue au MDAA (  Musée Départemental De l’Arles Antique!)) qui donnait un coup de main au libraire et avec Stéphanie Grotto, qui travaillait à la CCI. Ensuite, il y a un projet Européen intitulé ID2 qui avait pour ambition, pour 2008 et l’année Mondiale de la Romanité, de lancer des projets subventionnés par l’Europe. Pour nous, le projet se résumait à monter une structure éditoriale, lancer une BD papier & numérique en collaboration avec deux autres auteurs Arlésiens et Mlle Grotto pour toute la partie infographie. Bref, un vrai projet et une pérennisation de l’activité. Au final, il y a une véritable déception face à la souris, et tout cela est venu principalement d’un vrai manque d’ambition de nos interlocuteurs.

Après cela, chacun est parti de son côté et avec Alain, nous avons fait table rase du premier projet et nous sommes repartis sur de nouvelles bases. Le principe était relativement simple pour la création de la BD, nous avons d’emblée fait une liste de tout ce que nous ne voulions pas voir apparaitre dans cet album… Et il y en avait, à commencer par l’empereur, sa clique et les orgies qui vont avec. Pas que ce ne soit pas intéressant, mais, simplement, toute cette vie du monde Romain n’avait pas lieu à Rome en présence continuelle des grands de l’époque. Ensuite, nous nous sommes imposés de dire le moins de choses fausses, même si ça veut dire parfois de se casser la tête pour trouver autre chose au niveau de l’histoire. Enfin, Alain à provoqué une réunion avec ses confrères du Musée d’Arles ou ces derniers et lui-même ont put exhumer des anecdotes de fouilles, des petites choses autres que des amphores et des lampes à huiles. Quoique ses deux exemples ne sont pas forcement représentatifs, étant donnés qu’ils apparaitront dans les tomes suivants et feront partie intégrante d’une partie du scénario.
Cependant, il y a un objet qui a particulièrement attiré mon attention, un petit canif trouvé dans les thermes de l’esplanade (pas les thermes Constantins !) La localisation de cet objet m’a tout de suite marqué, que faisait-il ici ? Comment est-il arrivé là etc. Etant donné la qualité de l’objet, ses dimensions, difficile de croire que c’était un esclave chargé de l’entretien des thermes qui avait pu le perdre… Bref, du pain bénit pour moi !

Après s’en ai suivi un long travail d’écriture et de dessin, ou Alain a tout d’abord servi de consultant scientifique pour qu’au final, je lui propose de devenir co-scénariste, suite à son implication réelle dans le projet.
Voilà la génèse!

Sceneario.com : Au final on a un premier tome qui met davantage l’accent sur la ville, sur la population, sur les gens du quotidien, avec un héros qui n’en est pas vraiment un et un scénario quelque peu aux antipodes de ce qui se fait dans le genre. Comment s’est construite cette intrigue ?

Laurent Sieurac : En effet, nous souhaitions prendre un peu le large par rapport à tout ce qui a pu se faire dans le style BD antique en s’imposant quelques règles strictes, à savoir, éviter tant que se peu l’empereur, les orgies et toutes les images d’Épinal et autres poncifs du genre. Pas forcement par prétention d’ailleurs, mais simplement parce que nous aurions été incapable de refaire un Murena, par exemple, et que nous souhaitions vraiment trouver notre propre direction, quitte à aller droit dans le mur d’ailleurs. La collaboration avec un Archéologue était d’ailleurs pour moi un élément essentiel et logique pour cela et il se trouvait qu’avec Alain, qui est lui aussi un vrai passionné de BD, nos envies étaient vraiment communes.  
Une fois certaines directions barrées, il nous a fallu trouver un angle d’attaque différent et surtout intéressant. Rebondir sur des découvertes archéologique faites dans le sous sol Arlésien s’est imposé d’emblée et les choses exhumées lors de cette fameuse réunion nous ont permis d’avoir une foules d’éléments, qui n’apparaitront pas forcement comme des éléments principaux de l’histoire, mais qui en sont les déclencheurs.
Ce canif par exemple, qui apparait sur quelques cases seulement, m’a permis, en répondant à quelques questions du genre: "comment est-il arrivée là et pourquoi ?", de vraiment poser les bases de l’intrigue principale. C’est de lui que découle la création du personnage de Vitalis et par extension d’Ortensis.

Prendre Vitalis qui est plutôt présenté négativement était aussi une volonté de ne pas partir sur quelqu’un de trop lisse. C’est un jeune adulte, mais on sent qu’il a quand même pas mal vécu et qu’il a finalement pas mal de responsabilités. C’était aussi pour moi l’occasion de créer sa compagne Carmillia et le fait qu’elle soit enceinte était l’un des éléments important, à mes yeux du développement de Vitalis. C’est également l’un des ressorts scénaristiques que nous ferons jouer dans les tomes suivants.

Bref, à partir de choses relativement banales, nous reconstruisons, par petites touches, la vie à cette époque, en essayant à chaque fois de revenir sur les poncifs du genre et en proposant quelque chose qui cadre le plus possible avec la réalité archéologique et historique. Nous tâchons également de travailler avec des Archéo-stylistes ou bien des reconstituteurs qui font de l’Archéologie expérimentale. C’est un vrai plaisir que de travailler aves ces gens qui nous apportent énormément!

Sceneario.com : Il s’agit donc d’un premier tome, y a-t il eu suffisamment de retour pour que tu puisses envisager de continuer l’aventure ?

Laurent Sieurac : Nous avons, je dois le reconnaitre, d’excellents retours sur cet opus à commencer par le référencement "Ouvrage Education Nationale" obtenu quelques semaines après la sortie.
 Les retours critiques sont unanimement positifs et les ventes ont dépassé les 2/3 du tirage de 3000, qui pour un tirage N&B est plutôt une très bonne chose, d’autant qu’entre notre parti-pris et la très faible diffusion d’Idées+ ce n’était pas gagné d’avance!

 Bref, le tome 2 est d’ores et déjà en route et la trame du 3 se profile à l’horizon.

 Reste que même si l’album à le Logo Idées+, j’en suis l’éditeur à part entière et donc, je dois assumer financièrement parlant, la production et l’édition de l’ouvrage, ce qui n’est pas forcement évident. Mais bon, c’était d’ailleurs l’une des volontés initiales du projet.

Sceneario.com : A part les BD régionalistes, il y a finalement assez peu de projets portés comme celui là, par un auteur amoureux de sa région (je ne parle pas des énième projet autour des villes comme Paris ou New York). Penses tu que ce genre d’approche manque un peu ? Qu’il y a partout matière à nourrir des histoires sans entrer dans du gros sensationnalisme ?

Laurent Sieurac : Il y a pas mal de BD régionalistes qui sont en général commandées par les institutions locales. C’est généralement l’histoire de la ville ou de la région, peu ou pas romancée, qui se contente finalement de n’être qu’un simple résumé en image.  Dans notre cas, même si le background est la ville d’Arles, ce n’est absolument pas l’histoire de la ville, mais bien une vraie BD avec une vraie narration et des personnages fictifs. Notre objectif est de vraiment parler de la vie à cette époque et nous en profitons pour le faire à Arles et certainement dans ses environs (Glanum etc). Mais en gardant la ville comme décors, en jouant avec les connaissances que nous en avons. Il aurait été dommage de se couper d’une telle richesse, et si les lecteurs découvrent notre ville via l’album, ce n’est que mieux.
Au final, nous nous sommes servis de ce que la ville a pu nous donner, en terme de richesse archéologique, pour la faire revivre. C’est vraiment très intéressant de redonner vie aux personnes dont les stèles sont exposées au musée. Nous leur redonnons un visage et nous essayons, au mieux de nos connaissances, de le remettre en situation.
Même si cette histoire aurait très bien pu se passer ailleurs, elle est quand même ancrée dans l’histoire d’Arles via ses acteurs, ses monuments et tous les petits objets qu’ont mis à jour les archéologues.

Sceneario.com : Pourquoi ne pas être passé par Soleil, par exemple, qui est ton éditeur attitré ?

Laurent Sieurac : Nous l’avons proposé à quelques gros éditeurs et Soleil a eu le dossier en main également, mais nous n’avons essuyé que des refus, par lettre type, donc difficile de savoir ce qui les a gêné dans le scénario ou le dessin. Dans le cas de soleil, je savais que ca ne correspondrait pas forcement au catalogue et Jean Wacquet me l’a en effet confirmé.

 Je pense que toutes les choses que nous avons souhaité ne pas mettre dedans, sont exactement les choses que souhaitent voir les éditeurs et une grosse partie du publics au vu du succès des Aigles de Rome de Marini, même si je dois bien reconnaitre que je suis à des années lumières du niveau de Marini dessinateur ! Du coup, nous auto-éditer, plutôt que de passer par un autre éditeur, s’est imposé naturellement. D’autant que c’était vraiment quelque chose que je souhaitais faire depuis longtemps.
 Cette solution a, de plus, comme énorme avantage, que nous produisons exactement ce que nous souhaitons voire publié, tant en terme de fond qu’en terme de forme. Cependant, les tomes suivants vont traiter notamment de la gladiature, chose que le public devrait mieux appréhender. Même si là aussi, notre démarche sera toujours guidée par notre envie de montrer ce qu’elle est vraiment, et pas quelque chose de totalement fantaisiste comme on peut le voir dans Murena, par exemple, ou dans Gladiator!

Sceneario.com : L’album, en lui même est vraiment très bien conçu, avec des story-board, avec des études de perso, une partie documentaire. C’est très complet. Regrettes-tu que les albums actuels ne soient pas aussi complet parfois ? En tant que lecteur, j’aime beaucoup voir ce côté "coulisse", ça rompt un peu la distance qu’il peut y avoir avec les auteurs.

Laurent Sieurac : En effet, j’adore montrer ma cuisine interne et s’éditer nous a vraiment permis de  faire ce que nous souhaitions. L’apport d’un carnet graphique est quelque chose que j’avais déjà eu sur les Prophéties Elween et les retours avaient été vraiment bons. Le carnet pédagogique faisait partie intégrante de notre cahier des charges, car nous souhaitions que les lecteurs puissent prolonger le plaisir qu’ils ont pu avoir à la lecture de la BD et ainsi approfondir certaines choses que nous ne souhaitions pas développer dans l’album (car cela se serait fait au détriment de l’histoire!) D’ailleurs, nous envisageons d’augmenter ce cahier pédagogique à 16 pages pour la version couleur que nous espérons sortir en même temps que le tome 2.

Cet édition du tome 1 en N&B deviendrait de fait un tirage de Tête au sens strict du terme!

Sceneario.com : Suite à ce premier tome, comment s’est passé la promo justement ? Es-tu intervenu pour des conférences, des expositions avec Alain ?

Laurent Sieurac : Nous avons eu l’occasion de pas mal dédicacer, sur Arles notamment lors du festival ARELATE  qui a lieu fin Août, et fait également quelques conférences avec Alain, et apparemment, le livre sert de support dans pas mal d’écoles, ce qui est plutôt très flatteur pour nous. Il y a des interventions de prévues en collègue et ou lycée également, tout ça prend du temps et nécessite une certaine organisation de la part des structures qui nous accueillent.

Nous ne désespérons pas de pouvoir faire également un petit quelque chose avec le Musée d’Arles, ce qui semble, somme toute, plus que logique.

Le prétexte couv

Sceneario.com : Avec Vikings, nous sommes dans une autre région, une autre époque, mais encore une fois l’envie de raconter l’histoire, les origines d’une région. Tu es, semble-t il, bien plus intéressé, dans tes projets, par les "temps anciens", que ce soit dans le cadre des projets Heroic Fantasy.
Malgré tout, pour Vikings tu mets en scène, enfin, des personnages contemporains.
J’imagine que, comme pour Arelate, il t’a fallu faire un gros travail de documentation, n’est ce pas ?

Laurent Sieurac : Autre lieu, autre époque et en effet tout pleins de recherches, notamment sur la ville de Rouen en Mars 1944, juste avant que la cathédrale, entre autre, ne soit bombardée.
C’est, à la finale, vraiment intéressant que de se plonger dans les livres pour trouver de la doc et ça n’est, souvent, pas forcement évident.
Cependant, si j’ai mis l’accent sur la ville de Rouen, j’avoue avoir été bien moins rigoureux sur les uniformes militaires. Je suis conscient d’avoir été "léger" sur les insignes militaires. Même si c’est un BD réaliste, je crois que mon antimilitarisme primaire, a pris le pas sur mon objectivité et ma rigueur!

… Chacun ses défauts ! :p

En tout cas, c’est une manière ludique, pour moi, d’apprendre et j’en profite vraiment!

Sceneario.com : Personnellement, je ne connaissais pas l’histoire de Rollon avant d’ouvrir cet album, c’est un personnage qui est un peu à la croisé des mondes, entre celui des vikings et celui des nobles du moyen-âge français. C’est un chef qui va changer énormément de choses. Néanmoins, Patrick Weber et toi le décrivez bien plus comme un homme qui a la même stature que les autres, vous ne forcez pas le côté "grand chef puissant".
Etait-ce important pour vous de le ramener à des dimensions plus humaines ?

Laurent Sieurac : Nous n’avons pas forcé le trait car, en fait, il n’était pas si imposant que cela. Il sort d’une défaite au siège de Chartres et n’est pas plus tant en réelle position de force. Après, l’image du "grand chef puissant", de ses terribles guerriers venus du Nord, se sont des choses que je comprends, notamment parce qu’à l’époque, et même maintenant d’ailleurs, voir débarquer ses terribles guerriers de leur navires devait vraiment faire peur.
Sinon, en effet, Rollon est le déclencheur de pas mal de choses avec le traité de Saint Leu qu’il va conclure avec le Roi Charles III et finalement, il montre qu’il aspire à ce que chacun souhaite… être au calme chez lui. "L’ennemi de mon ennemi est mon ami!" décrit bien la situation de ce vikings installé en Normandie depuis des décennies. Toujours considérés comme des envahisseurs par les Francs et bien sûr, plus complètement vikings par l’envahisseur Vikings… Bref, une situation très précaire pour son peuple, et au bout du compte, le traité peut vraiment être quelque chose qui permet à tous les partis d’être satisfaits !

En avant première, la planche 17 du tome 2 de Vikings

Sceneario.com : Il n’empêche que Rollon (Hrolfr) ne sera pas non plus un sujet très fidèle à la couronne, allant jusqu’à passer outre son pacte en participant à des pillages plus tard.

Laurent Sieurac : En effet, mais dans le traité, le Roi Charles octroie la terre de Bretagne à Rollon pour être pillée quand même, donc, au bout du compte, il est très fidèle à la couronne.
Mais il est évident qu’il a le sang chaud et qu’il ne rechigne pas à la besogne… Ses descendants auront également ce tempérament, notamment Guillaume le conquérant!  

Sceneario.com : Sinon, on a longtemps raconté des histoires sur cette soif d’explorer le passé, et notamment les éventuelles sources de pouvoir, des nazis. Est-ce qu’on ne peut pas, ici, faire aussi un parallèle entre, finalement, ces peuples de conquérants qui pillèrent sans se poser de questions ?

Laurent Sieurac : En grattant et en tirant par les cheveux, peut-être, mais la démarche initiale n’est pas forcement la même, ni l’ampleur de la chose. 
Finalement, les Vikings n’était que quelques centaines voire un poignée de milliers alors que les Nazis, bien plus.
 Les vikings (sans chercher d’excuses ou quoi que ce soit) pillaient vraiment pour se nourrir, prendre quelques femmes et en général retournaient chez eux après cela. Leur but, n’était pas forcement de dominer, mais bien de piller pour s’octroyer les richesses des autres.

La démarche des nazis, étaient différente, notamment car il y avait une soif de domination, limite de vengeance par certains côtés. L’ampleur est tout autre, c’est vraiment quelques choses de planifié, réfléchi à très grande échelle…

Sceneario.com : L’archéologie semble ici, pour eux (les nazis), être un moyen d’acquérir de la puissance, le savoir. Alors que pour le jeune Pierre, il s’agit davantage d’un moyen pour mieux comprendre son époque, pour mieux appréhender l’histoire avec un grand H (un peu la même démarche que pour Arelate par exemple) ! Te sens-tu proche de ce jeune homme qui apparaît très vite comme l’élément sur lequel on peut s’identifier !

Laurent Sieurac : Pour Pierre Le Bihan, c’est certes une quête du savoir dans ses recherches, mais c’est surtout apprendre pour éviter de refaire les mêmes erreurs, c’est ce qui le pousse à prendre des risques. Alors que pour Stroman, c’est une quête de pouvoir, aveuglée par un certain idéologisme.

Nous sommes en effet proche en cela, vouloir connaitre ce qui s’est passé, pas simplement pour le savoir, mais le faire partager et montrer aux gens ce qu’est vraiment leur passé. Pierre est quelqu’un de vraiment attachant, car il a un côté très naïf, très simple qu’ont souvent les scientifiques. Ils se passionnent pour la recherches sans finalement se rendre compte que potentiellement leurs découvertes peuvent être détournées. Stroman, lui, est beaucoup plus cynique, il mène ses recherches en fonction de ce qu’il souhaite découvrir dans un but très précis, quitte à les orienter…c’est un peu l’antithèse du chercheur en somme.

En avant première, la planche 10 du tome 2 de Vikings

Sceneario.com : Pourquoi d’ailleurs avoir choisi un jeune homme, assisté par une belle résistante ? N’est-ce pas un petit peu trop stéréotype ?

Laurent Sieurac : Alors là, c’est l’entière responsabilité de Patrick Weber. Comme il faut lui-même l’adaptation de son roman, tout est déjà écrit donc difficile de changer notamment des personnages principaux.
Après, à bien réfléchir, les révolutions, les guerres ne sont pas déclenchées par de vieux croutons dans des bureaux, mais dans la rue ou sur les champs de bataille, en général, se sont bien les jeunes qui trinquent!
Ce n’est pas si illogique que ça, que se soit des jeunes gens qui tentent ce genre de chose, au contraire!

Sceneario.com : Comme je le signalais plus haut, tu t’es jusque là bien plus spécialisé dans des ambiances HF. Ici, tu t’aventures dans le réalisme contemporain. Aurais-tu envie de développer ensuite d’autres projets dans cette direction ?

Laurent Sieurac : En contemporain, pas forcement, mais j’ai de réelles envies d’anticipations ou de science Fiction. L’antiquité m’intéresse aussi et je sais que je reviendrais avec le plus grand bonheur à de l’Heroic fantasy, car c’est vraiment l’univers que j’affectionne particulièrement. Bref, tout plein de choses en tête et malheureusement pas assez de temps pour tout mettre sur papier!

Sceneario.com : D’ailleurs quelles sont les artistes qui t’ont le plus "influencé" ?

Laurent Sieurac : Alors pour faire simple, la vraie première influence, et qui reste vraiment visible, est John Byrne. La découverte de son graphisme à une douzaine d’années alors que je ne connaissait plutôt que les classiques de la Franco-belge (Tintin, Astérix, Luky luke etc..) a été une vraie claque avec la réflection: "On peut aussi faire ça en BD?".

Ensuite et bien plus tard, Moebius, Arno ainsi que Loisel. Ce dernier, m’a vraiment permis de mettre le doigt sur la narration à proprement parlé, là aussi, comme beaucoup de ma génération, une autre claque!
Voilà, après, il y a forcement d’autres choses, mais je dirais que se sont vraiment les deux qui ont fait que je suis là!

Sceneario.com : Je sais que tu es un grand amateur de comics US, n’as-tu jamais eu envie de démarcher le marché américain ? Après tout, ton dessin s’est nourri de cette double culture et avec les partenariats entre Soleil et Marvel qui ouvre les portes à des projets communs, il peut y avoir des pistes non ?

Laurent Sieurac : En effet, ça serait vraiment quelque chose de fantastique que de pouvoir, un jour, travailler sur des franchises telles que Ghost Rider, Hulk ou Batman, et en même temps, je trouve, avec mon regard de petit auteur Français, que je n’aurais pas forcement grand chose à apporter à de telle franchise. Alors oui, faire un épisode ou deux sur Spiderman, je ne dirais pas non, mais après je pense que je préfèrerais vraiment me lancer dans du creator owner, quitte à boire la tasse, mais présenter quelque chose de vraiment différent (ou du moins j’aimerais le croire!).

Bref, réaliser forcement un rêve de gosse vu que j’ai quand même grandi avec eux, mais pas forcement en faire pendant des années!

Sceneario.com : D’ailleurs, pour rester dans le même sujet, quel regard portes tu, à la fois sur ces artistes français qui s’exportent bien en ce moment, et sur, en parallèle, ces french comics qu’on voit fleurir de plus en plus, par-ci par-là ?

Laurent Sieurac : Vraiment admiratif, car ils ont su faire leur place dans ce milieu, ce qui est tout sauf facile. Quand je vois le nombre d’année qu’a attendu Paul Renaud, par exemple, avant d’y être publié et qu’enfin on le découvre en cover artist pour Marvel, ça fait bien plaisir et surtout ca force le respect.
 J’aime a croire que l’on apporte une touche d’originalité par rapport aux auteurs américain, même si force est de constater qu’il y a énormément "d’étrangers" qui bossent  pour Marvel ou DC, espagnols et Italiens ou sud Américains en tête!!!

En tout cas, ils ont le mérite de s’être donné les moyens d’arriver là en travaillant d’arrache-pied et ils récoltent les fruits. J’en suis sincèrement heureux pour eux!!!

Sceneario.com : Avec près d’une douzaine d’albums à ton actif, maintenant, quel regard portes-tu sur ton parcours jusque là, sur tes débuts avec Les Prophéties d’Elween ? (verra-t on d’ailleurs une version achevée, un jour ?)

Laurent Sieurac : Je vois que la route est encore longue, mais que finalement, après 10 ans dans le métier, je suis toujours là.
Le métier à vraiment changé en 10 ans avec une explosion des titres publiés par les éditeurs et je ne sais pas si, en revoyant mon tout premier album, je pourrais démarrer actuellement. Reste que j’ai eu cette opportunité et que je n’ai jamais baissé les bras et même si j’ai conscience que tous mes albums ne sont pas des indispensables, j’ai essayé d’évoluer et d’apprendre à chacun d’eux. Ce que je vois cependant en regardant vers l’avenir, c’est tout les progrès que j’ai encore à faire, toutes les pistes que j’aimerais explorer et surtout toutes les erreurs que j’aimerais éviter de refaire!
Cependant, j’ai conscience de l’immense chance d’avoir un public qui me suit et qui semble apprécier ce que je fais, suffisamment dans tout les cas pour que mon éditeur souhaite poursuivre notre collaboration!

Pour revenir à ma toute première série, les Prophéties Elween, j’avais réalisé, alors que je venais de claquer la porte des éditions Clair de Lune, le quatrième et dernier tome de la série. Il ne me reste qu’à le lettrer!
Du coup, l’expérience avec Arelate, m’a permis de mettre un pied dans l’auto-édition et une intégrale N&B des Prophéties Elween devrait voir le jour dans un avenir plus ou moins proche. Je vais attendre d’asseoir un peu Arelate et d’avoir les reins suffisamment solides pour l’éditer d’autant que comme pour Arelate, je souhaiterais donner un vrai bel écrin à la série en y ajoutant la aussi un carnet graphique, des illustrations inédites et peut-être le synopsis de la préquel… Bref, là aussi faire un bel objet!

Sceneario.com : En ce moment, quels sont tes gros coups de coeur ?

Laurent Sieurac : Blog 109 en Franco-belge et Scalped & Walking Dead, Criminal en Comics US. En mainstream US, encore et toujours le Savage Dragon de Larsen.

Sceneario.com : En tout cas, merci à toi, Laurent pour ce temps pris à nous répondre aussi complètement. A bientôt !

Laurent Sieurac : Merci à toi !

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