Interview

Kara, jusqu’au bout de ses rêves…

Sceneario.com : Bonjour ! Avant tout, pourrais-tu te présenter ?
Kara : Kara, c’est un pseudo, car mon nom de famille fait plusieurs kilomètres de long. Je suis ce qu’on appelle pompeusement auteur de BD, mais je préfère dire prestataire de service dans le domaine de l’édition, car je pense que ça a le mérite d’être un peu plus carré, plus administratif et ça évite de se prendre la tête, et du coup de l’avoir grosse… la tête. Je suis également rédacteur pigiste pour les magazines Bodoï et Animeland. Je chronique tous les mois dans Bodoï les sorties Manga. Il ne vaut mieux pas que je chronique mes collègues, car je n’ai pas le niveau pour, mais surtout car se sont des collègues, donc je fais les mangas car je les connais bien aussi.
J’anime aussi des ateliers de dessin, pour tous les âges. A la Conciergerie, par exemple, j’anime un atelier pour les enfants.

Sceneario.com : Tu proposes quoi dans un atelier ?
Kara : C’est une initiation pour débutants. Je propose par exemple, de créer un personnage de BD, c’est un travail collectif. J’apprends aux enfants à se poser les bonnes questions au bon moment : mon personnage sera un garçon, une fille, il vit dans le présent, le futur, quel sera son métier. Des questions qui peuvent paraître très basiques, mais qui sont très importantes. Quand on se pose devant une feuille blanche pour dessiner un personnage, il est important lorsque l’on débute d’avoir une méthodologie.

Sceneario.com : Comment c’est perçu par les enfants d’être un peu guidé pour dessiner ?
Kara : Le but est d’arriver à leur montrer que ce n’est pas un exercice, mais plutôt un jeu. J’essaie donc de leur apprendre de manière ludique. Un enfant n’aime pas (et il a raison) être pris pour un enfant, soit dit en passant être pris pour un con. Lorsqu’il s’en aperçoit d’ailleurs il le rend bien. J’essaie donc d’être naturel, et j’essaie de lui apporter quelque chose, tout comme lui m’en apporte aussi. J’ai déjà eu des enfants dans les ateliers qui ont fait des personnages que j’avais vraiment envie de repomper tellement ils étaient sympa ! 

Sceneario.com : Comment es-tu arrivé à la BD ?
Kara : Oula !!! Au départ, je voulais bosser dans le dessin. Mais le dessin c’est très vaste. Gamin je voulais être acteur, cinéaste… Au départ je voulais faire du dessin animé. Je suis plutôt influencé par les animations japonaises, même si mon dessin animé préféré c’est La Dernière Licorne, une animation Allemande. (Bon je triche un peu les réalisateurs sont allemands et l’équipe technique est japonaise). Je voulais faire au départ de l’animation dite mature, c’est à dire avec des scénarii pour adultes, complexes, avec une véritable narration, une véritable technologie. Mais il y a 10 ans, l’animation pour ados n’était pas très bien perçue. Aujourd’hui ça va bien mieux. J’ai donc à l’époque tenté de percer dans le milieu, mais ça a été très difficile, surtout que je n’avais pas forcément le niveau. Je me suis donc dirigé vers la BD, car j’aime beaucoup ça aussi, et j’ai essayé de créer des BDs qui me tenaient à cœur. Il y a quelque chose que je ne trouvais pas dans la BD européenne. Attention, hein, ce n’est que MON opinion ! Je ne trouvais pas la sensibilité que j’y attendais. Les albums étaient très beaux graphiquement, mais au niveau sensibilité personnelle, je n’étais pas touché. Mais il y a certaines bandes dessinées comme UW1 de Bajram qui m’ont vraiment touché. Pour moi le manga, dans l’anim et dans les livres m’apportait vraiment ce que je recherchais. Dans le Miroir des Alices, j’ai essayé de détourner un genre bien connu qu’est l’heroïc-fantasy en faisant un scénario sans "méchant". Chose assez amusante, car les chroniqueurs disaient avoir du mal à s’y retrouver car justement il manquait des méchants. Dans Gabrielle, j’ai fait un combat entre deux archanges, il était donc difficile de voir les limites du bien et du mal. Dans Le Miroir des Alice, il s’agit d’un conflit d’intérêt, donc c’était au lecteur de choisir son camp.
Les personnages ont tous quelque chose à raconter, voilà pourquoi je m’applique énormément dans le côté psychologique des choses. J’essaie de faire des personnages, les plus humains possibles… aimez-les, détestez-les… moi, ce que je veux, c’est arriver à vous faire ressentir quelque chose. Quand des personnes viennent me voir et me disent… « ce passage là m’a serré la gorge… » ça veut dire que j’ai atteint mon but. Evidemment ça ne marche pas avec tous les lecteurs, car c’est une question de sensibilité personnelle. Tout ça pour dire que j’essaie de mettre dans mes BDs ce qu’il me manquait.

Sceneario.com : Tu es très inspiré Manga, mais tes planches sont tout de même beaucoup plus détaillées, travaillées que des planches de Manga.
Kara : Alors le truc, c’est qu’il y a des planches de Manga et des illustrations de Manga. Il y a des très bons illustrateurs de Mangas, japonais ou coréens, qui font des choses très détaillées. Le manga, c’est 16 planches par semaine, il ne faut donc pas s’attendre à des choses très détaillées. C’est avant tout de la narration pas du dessin. J’ai par ailleurs une formation en histoire de l’art, c’est un domaine qui m’a appris à m’ouvrir à de larges horizons. J’essaie d’intégrer cette espèce d’auberge espagnole graphique que je connais et que j’apprécie. J’aime bien le travail de la hachure, j’aime bien le travail de la trame. J’aime beaucoup les chevelures compliquées. C’est mon style, certains trouvent ça trop lourd, d’autres adorent, ça reste une histoire de goût.

Sceneario.com : Pour Gabrielle, il n’y a qu’un seul tome, y aura-t-il une suite ?
Kara : Dans mes albums je fais toujours une fin ouverte. Il y a une fin claire nette et précise, mais il y a toujours aussi une fin ouverte au cas où… Pour Gabrielle, il y avait possibilité  de suite. Petit scoop, la suite de Gabrielle se serait passée quelques heures ou quelques jours après la fin du premier album et se serait terminée quelque 8 milliards d’années plus tard, au moment du big cruch (fin du monde) !
Moi j’avais imaginé cet album comme un one-shot. A l’époque, j’avais comme objectif de sortir au moins une BD dans ma vie. Ce que j’ai donc réussi. Mais lorsque l’album est sorti, Mourad Boudjallal de Soleil, m’a dit « il faut que tu viennes chez moi ». Je ne pouvais donc pas faire autrement… et je l’en remercie encore car il m’a donné carte blanche pour faire le Miroir des Alice 1 et 2.
La suite de Gabrielle, n’est pas envisagée pour le moment. Je viens de m’attaquer à une nouvelle série en 3 volumes, et je compte mettre au moins un an maximum pour chaque album. Si je fais une suite à Gabrielle, ça voudra dire que ça sera 8 ans après le premier album, ça fait un peu beaucoup dans même. Il y aurait peut être un noyau de lecteurs fans qui diraient « ok je prends », mais je ne suis pas sûr que l’évolution graphique serait telle qu’on croirait avoir affaire au même dessinateur. Cette suite s’ appellerait "Raphaëlle" d’ailleurs… Encore un scoop !

Sceneario.com : Scénariste et dessinateur, qu’est-ce que tu préfères être ?
Kara : Des jours, j’aimerais bien étriper le scénariste, des jours j’aimerais bien étriper le dessinateur. Mais m’engueuler devant mon miroir pourrait paraître un peu con… Non, j’aime bien les deux. Actuellement je suis scénariste pour un auteur japonais qui habite dans la banlieue de Tokyo. C’est une initiative un peu spéciale, car il va faire un album format Franco-Belge de 46 pages en couleurs. C’est un projet qui se déroule avec Soleil et qui devrait sortir l’année prochaine. Je suis donc scénariste, mais où je fais aussi le story board. Du coup, on sent un peu la mise en scène de Kara… Il n’y a qu’une seule scène que j’ai laissée totalement faire au dessinateur, car c’est une scène d’action, avec 8 pages de grand spectacle, et sur une pagination à la Franco-Belge, ça a vraiment de la gueule…

Sceneario.com : Tu es aussi chroniqueur chez Bodoï pour la rubrique Manga. Tu dois certainement lire beaucoup de Manga alors ?
Kara : En moyenne, 30 à 50 par mois, j’adore ce job, car comme je dis souvent, quitte à avoir une grande gueule autant que ça paye. Je me suis calmé, mais je l’ai toujours…!
Etre payé pour donner son avis je trouve ça fabuleux. Mais ce qui est vraiment génial dans ce métier, c’est que ça m’a permis de lire des mangas que je n’aurais jamais lus autrement. J’ai découvert plein de choses. J’ai lu vraiment beaucoup de choses grâce aux services de presse, et j’ai découvert des choses fabuleuses que je n’aurais pas lues ni achetées de mon propre chef.

Sceneario.com : Toi qui connais beaucoup de Manga, as-tu lu la BD Sommelier ? Nous n’avons contrairement à de nombreux chroniqueurs absolument pas apprécié…
Kara : Alors là désolé, c’est un des rares que je n’ai pas lus. Et pourtant, je pense qu’il aurait trouvé sa place dans Bodoï. Par contre Yakikaté !! Ja-Pan, est un manga absolument délirant, c’est un des manga qui donne faim. J’ai assisté au lancement de ce manga dans une grande boulangerie Parisienne, encore merci Delcourt, même si les croissants ne m’ont pas influencé dans mon avis, car j’ai vraiment trouvé très bien ce manga.

Sceneario.com : Merci Kara, d’avoir passé un moment avec nous…
Kara : C’est moi qui vous remercie, à bientôt et bonne continuation !

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