Interview

Joanna Hellgren, nominée à Angoulême pour Mon frère nocturne

Sceneario.com : Bonjour Joanna Hellgren ! Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours artistique ?

Joanna Hellgren

Joanna Hellgren : Bonjour ! Je suis née à Stockholm en 1981, et je dessine et écris des histoires depuis l’enfance. Comme j’adore les livres, j’ai décidé très jeune que je voulais devenir illustratrice ! Au lycée, j’ai un peu étudié l’art, après quoi j’ai suivi une école préparatoire d’Art. Entre 2001 et 2004, j’ai été élève à Konstfack, l’École Supérieure d’Art et du Design de Stockholm, où j’ai étudié l’illustration et les arts graphiques. Durant l’hiver 2003–2004, j’ai fait un échange Erasmus à l’Académie Penninghen, à Paris, ce qui m’a donné envie de vivre en France ! Après ma licence d’illustration et d’art graphique, je suis restée vivre encore deux ans à Paris, puis je suis retournée en Suède en 2006, où je travaille comme illustratrice pour la presse et dans l’édition, je dessine mes bandes dessinées et j’écris des articles pour un journal de graphistes et d’illustrateurs.

Sceneario.com : Quelle place tient votre pays dans votre œuvre, et dans quelle mesure sa culture influence-t-elle votre travail ?

 

Joanna Hellgren : Ah, la fameuse melancolie nordique ! Dans Mon frère nocturne, côté esthétique, on peut voir l’influence suédoise dans la nature, toujours très présente. On n’est jamais loin d’une "forêt banlieusarde". Les meubles et l’architecture aussi sont directement inspirés de ma ville natale et des endroits ou j’ai vécu. En dessinant de mémoire, c’est ça qui sort. Dans Frances, l’approche était plus confuse. J’ai commencé l’histoire en écoutant beaucoup de musique américaine, comme Rufus Wainwright, Cat Power et Johnny Cash, et en passant trois mois à New York en lisant Truman Capote. Le résultat est une ville quasi réaliste, avec cette maison de riches sur le déclin, mais où les femmes peuvent sortir boire un coup toutes seules dans un bar, ce qui n’était pas possible en Suède autrefois (pour des raisons de contrôle social). En Suède, comme dans la plupart des pays occidentaux, la Famille a beaucoup changé. Les foyers accueillent de moins en moins sous leur toit les générations plus âgées, les familles évoluent avec les remariages et d’autres types d’événements comme ça. Dans Frances, j’ai voulu un mélange entre une famille ancienne, avec le vieux père, et une famille moderne, avec l’enfant adoptée et cette relation entre deux femmes (ce qui est possible uniquement parce que le père ne s’en rend pas compte). Mes personnages, comme beaucoup de Suédois, vivent sans la religion mais la remplacent par d’autres questions et d’autres règles de société. L’écrivain nordique qui m’a inspirée plus que tous est Tove Jansson, la créatrice finno-suédoise des Moomin. Dans les livres des Moomin, comme dans tous ses romans et ses nouvelles, elle emploie toujours le mot juste. Elle était aussi une écrivain courageuse qui écrivait par exemple au sujet de l’homosexualité à une époque où c’était illégal en Finlande… 

Sceneario.com : Comment avez-vous appris et accueilli la nouvelle comme quoi Mon frère nocturne était nominé pour Angoulême 2009 ?

 

Joanna Hellgren : Mon éditeur Frédéric Cambourakis m’a appelée pour me le dire. J’en suis très heureuse et honorée ! J’espère que ça aider le livre à trouver des nouveaux lecteurs !

Sceneario.com : Pourquoi avoir eu envie de raconter cette histoire ? Comment vous en est venue l’envie ? Simple inspiration d’artiste ou rapport plus personnel à ce genre de drame de l’enfance ?

 

Joanna Hellgren : Je ne peux pas vous dire exactement comme l’idée m’est venue, mais je me souviens très bien d’un article que j’ai lu à dix ans, ujn article racontant l’histoire d’une famille qui avait perdu un bébé, et qui, quand ils avaient eu un autre enfant, l’avaient annoncé en même temps qu’ils ont annoncé la mort du premier. « Le Seigneur qui prend, le Seigneur qui donne… » Et les petits garçons concernés avaient des noms qui rimaient. Ca m’a beaucoup marquée.

Sceneario.com : Plusieurs styles de dessins cohabitent dans Mon frère nocturne. N’en utiliser qu’un pour Frances (votre titre le plus récent, aux éditions Cambourakis aussi) n’a-t-il pas été trop frustrant ?

 

Joanna Hellgren : En fait, ça a été un peu frustrant, oui ! Je n’aime pas tellement faire la même chose deux fois, ce qui est quand même nécessaire dans une bande dessinée. J’aime beaucoup le crayon, mais je ne l’ai pas choisi par simplicité : c’est tout le contraire ! Ça devient sale, et ça s’efface si on y passe la main dessus ! Mais je trouve que la résultat est plus doux et plus poétique, comme des vieilles photos trouvées aux puces. Et j’aime beaucoup ce style de crayonnés où on laisse les traces autour des traits, comme le fait Amanda Vähämäki…

Sceneario.com : Vous dessinez en noir et blanc. La colorisation ne vous tente-t-elle pas ?

 

Joanna Hellgren : Pour mes bandes dessinées, je préfère le noir et blanc, mais pour mes illustrations, je travaille en couleur chaque fois que j’en ai l’occasion.

Sceneario.com : Pensez-vous continuer à créer toute seule ou bien une collaboration, que ce soit au niveau du scénario ou du dessin, est-elle envisageable ? Dans le même ordre d’idées, votre nomination à Angoulême peut-elle vous mener à orienter différemment votre façon de travailler ?

 

Joanna Hellgren : En ce qui concerne la BD, je veux dans un premier temps continuer toute seule et finir le deuxième épisode de Frances. Pour ce qui est de l’illustration, c’est toujours un travail de collaboration, et j’apprécie ça aussi ! (D’autant plus si j’aime bien l’histoire, bien sûr.) Dans la presse, si l’illustrateur n’est pas d’accord avec le ou la journaliste, il peut toujours donner son point de vue… Quant à la nomination, non, je ne pense pas qu’elle changera quoi que ce soit dans ma façon de travailler, si ce n’est qu’on me proposera peut-être des projets que je n’aurais sinon pas abordés.

Sceneario.com : Quand aurons-nous le plaisir de découvrir le second volet de Frances ? (Ce second épisode sera-t-il une suite et fin ?) Et quels sont vos projets pour l’avenir ?

 

Joanna Hellgren : Le deuxième épisode est prévu pour 2010, et ce sera une suite (du moins, je le vois comme ça aujourd’hui). Je prendrai beaucoup de liberté au niveau de la chronologie, ce qui me laissera la possibilité de revenir sur des choses que j’ai survolées avant. Mes projets d’avenir ? Je viens de louer un atelier dans la banlieue de Stockholm, et je hâte de m’y installer pour m’atteler à des projets de dessin, de BD ou de livres de jeunesse, naturellement !

Sceneario.com : Et bien, Joanna, merci d’avoir bien voulu répondre à ces quelques questions ! Et bonne continuation !

 

Joanna Hellgren : Je vous en prie ! Merci à vous !
 

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