Interview

Jason Shiga, auteur de Bookhunter aux éditions Cambourakis

 

Sceneario.com : Bonjour, Jason Shiga, pourriez-vous vous présenter aux lecteurs français ?

Jason Shiga : Je m’appelle Jason Shiga. Je dessine des bandes dessinées depuis plus de dix ans, maintenant. J’ai étudié les mathématiques à l’université et par conséquence, beaucoup de mes livres s’appuient sur l’utilisation d’éléments mathématiques. Mon ouvrage le plus récent est Bookhunter. Il vient d’être traduit en français..

Sceneario.com : Pourriez-vous nous toucher mot de votre carrière ?

Jason Shiga : Et bien, j’ai commencé à dessiner des bandes dessinées pendant mes années universitaires. Je suivais des cours à l’université de Berkeley, des cours de "Bande dessinée en tant que littérature". Adrian Tomine suivait ces mêmes cours, et je me souviens avoir pensé quelque chose du genre "Si lui peut y arriver… pourquoi pas moi ?!". Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai commencé à travailler pour des journaux locaux comme "Youth Outlook" et "The San Francisco Examiner". J’ai aussi oeuvré à l’oocasion pour des magazines comme "Nickelodeon Magazine". Et durant tout ce temps, j’ai régulièrement, chaque année, fait paraître des romans graphiques.

Sceneario.com : Vous avez aussi travaillé à la bibliothèque de Oakland où la plupart des scènes de votre dernier livre Bookhunter se passent. Pouvez-vous nous parler un peu plus de cette bibliothèque, si vous y travailliez lorsque vous avez réalisé Bookhunter et comment vous est venue l’idée de cette bande dessinée ?

Jason Shiga : Bien que basée sur du réel, sur du concret, Bookhunter est quand même clairement une fiction. Il arrive qu’on en passe, du temps à s’ennuyer, quand on travaille dans une bibliothèque ! Aussi j’ai souvent imaginé, rêvé, des moyens de rendre plus excitant ce lieu qu’est la bibliothèque d’Oakland. Et puis un jour, j’ai décidé de structuré ces idées dans un livre. J’ai dû me renseigner auprès de mes collègues les plus anciens au sujet des circuits de prêts dans les années 70. Faire ce type de recherches était si amusant que j’en avais presque perdu l’envie de commencer le livre…

Sceneario.com : Vous en parlez d’une manière toute spéciale dans Bookhunter, alors… et pour vous ? Quelles sont vos relations avec les livres ? Restent-ils des objets ou représentent-ils autre chose ?

Jason Shiga : Non, ils ne restent à mes yeux que des objets.

Sceneario.com : Des collègues à vous à la bibliothèque de Oakland ont-ils lu Bookhunter avant qu’il ne paraisse et ont contribué à vous y faire changer des choses ?

Jason Shiga : Un bibliothécaire de Denver m’a fait remarquer qu’une marque de matériel apparaissant dans Bookhunter n’avait pas été disponible avant 1976, soit 3 ans après mon histoire. Si vous jetez un oeil à la toute première édition de Bookhunter, vous verrez que cet anachronisme est présent. Mais il a été corrigé dans les ré-impressions et dans la version française.

Sceneario.com : Les feuilles de papier semblent être de vrais terrains de jeu pour vos crayons. Pensez-vous qu’un jour, le support papier sera trop limité pour les artistes qui auraient envie de raconter leurs histoires autrement ? Est-ce que la BD sur écran et toutes ces notions d’interactivité pourraient renforcer le pouvoir du dessin ?

Jason Shiga : Si je vous disais que des ingénieurs avaient inventé un nouvel écran avec une résolution de 1200 dpi, avec un super contraste, pesant 5 grammes et qui coûte 2 cents, vous me diriez que c’est le meilleur écran qui aurait jamais été inventé. Et bien cet écran existe en réalité depuis des milliers d’années et s’appelle… papier ! Ce que je vois, c’est que la limite du papier est qu’on ne peut pas effacer des milliers de fois sans qu’il finisse par se déchirer. Maintenant, les artistes qui choisissent l’informatique plutôt que le papier choisissent juste une limite d’utilisation pour une autre dans leur façon de travailler. Mais bon… Qui sait ce que le futur nous réserve…!

Sceneario.com : Vous avez déjà reçu un Eisner Award en 2003, et cinq ans après, voici que vous êtes à nouveau nominé pour ces Awards (dans la catégorie Meilleur Album) Félicitations ! Mais dites-moi… Auriez-vous découvert un secret pour satisfaire à coup sûr vos lecteurs ?!!

Jason Shiga : J’espère ! J’essaye de ne pas trop anticiper les pensées des lecteurs. Quand je crée une bande dessinée, j’imagine que je viens juste de recevoir une brique sur le crâne et que j’en ai perdu toute mémoire à propos de qui je suis et ce que j’ai déjà fait ! Alors, dans cet état d’amnésie artistique, je trouve ma propre voie et je me questionne : quelle BD aimerais-je moi-même lire ?!

Sceneario.com : Et est-ce que les différentes récompenses que vous avez obtenues pour vos travaux graphiques vous ont fait changer votre manière de travailler, de dessiner ?

Jason Shiga : J’essaye juste à chaque fois de faire de mon mieux, de donner le meilleur de moi-même. On voit que j’ai du mal à capturer la réalité à la perfection… Le résultat est tout simplement… mon style !

Sceneario.com : Bookhunter a été traduit en français. Avez-vous vous-même eu des contacts avec les éditions Cambourakis ou bien tout a-t-il été fait entre éditeurs ?

Jason Shiga : Le processus de création de la "version Cambourakis" a été placé sous le signe d’une étroite collaboration. Heureusement pour moi, l’éditeur Cambourakis partage ma vision de la création du meilleur livre qui puisse être. Cela peut engendrer des retards par exemple dus à des corrections. Comme autre exemple de cette volonté de qualité et de perfection, j’ai été extrêmement ravi de pouvoir avoir, et ceci au dernier moment, tous les textes réécrits avec ma propre écriture ! Car je pense en effet que l’écriture de l’auteur est un plus qui montre la personnalité d’un auteur dans ses oeuvres.

Sceneario.com : Qui sont vos auteurs américain, asiatique et européen préférés, et… pourquoi ?

Jason Shiga : Mon auteur américain préféré est Chris Ware. Mon auteur asiatique préféré est Kazuo Umezu. Je n’ai commencé que récemment à lire des BD européennes. Je n’ai donc pas encore vraiment d’auteur préféré, mais j’ai bien apprécié Exit Wounds de Rutu Modan et Les six coups de Philapelphia d’Ulrich Scheel. Si je me mettais à partir dans des grandes généralisations, j’oserais dire que je trouve que les titres japonais sont forts en émotion mais peu personnels. Les BD européennes sont très classiques et très belles, mais pas assez mélodramatiques à mon goût. Mais bien sûr, cette généralisation est forcément erronée. Quand je suis allé au Japon, j’ai découvert des tonnes de BD très personnelles, spécialement dans le genre "horreur". Et récemment j’ai découvert ces titres de Scheel et Modan qui m’ont vraiment fait prendre une claque émotionnelle ! Il est vrai aussi, dans un autre ordre d’idées, que la plupart des titres sont traduits pour toucher des lecteurs sur les autres continents que sur leur continent d’origine, et les traductions peuvent distordre pas mal les choses, voire échouer dans leur rôle de transcrire des choses…

Sceneario.com : Quels sont vos rêves d’auteur ?

Jason Shiga : Dans les cinq ans qui viennent, j’aimerais quitter mon travail à la bibliothèque et devenir auteur graphiste à temps plein. A long terme, j’aimerais avoir créé une oeuvre dont je puis être fier. J’ai remarqué qu’il y avait deux sortes d’artistes dans le monde. Il y a ceux qui reprennent encore et toujours les mêmes idées mais en les perfectionnant un peu plus à chaque fois. Et puis il y a ceux qui débarquent très jeunes avec une idée super géniale mais qui ensuite déclinent petit à petit jusqu’à tomber dans l’oubli… Il est clair que je ne dois pas faire partie de cette seconde catégorie alors je bricole, je persévère, et je fais de mon mieux !

Sceneario.com : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Jason Shiga : Je travaille sur une comédie romantique qui se déroule à Oakland et à Williamsberg. Puis suivra une bande dessinée qui sera conçue pour être imprimée sur les faces d’un tetrahexaflexagon…

Sceneario.com : Jason Shiga, un artiste donc vraiment très original et à découvrir absolument ! Merci d’avoir répondu à nos questions et bonne chance à Bookhunter !

 

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