Interview

Istin et Jigourel, druides du 9ème art

Sceneario.com : Jean-Luc, Le succès des Druides ne se dément pas puisque le quatrième opus est classé dès sa sortie 15ème au TOP 15 BD Livres Hebdo / Ipsos, comment expliquez vous cela ?

Jean-Luc ISTIN : Peut être par l’adéquation du titre, du scénario et du dessin. Lorsque ces 3 choses sont au rendez vous, vous pouvez être quasiment sur que vous tenez un succès. L’aspect graphique est indéniablement séduisant et qualitatif et jacques assure également la fluidité du récit. Il n’en faut pas moins. 

Ensuite, le scénario que nous écrivons est basé sur un mystère et, qui plonge dans un mystère désire l’élucider.
Vous y ajoutez un peu de chance et vous secouez le tout. 

Sceneario.com : On voit se multiplier dans la littérature les Thriller ésotériques, pensez vous qu’il s’agisse d’un simple phénomène de mode, ou d’un malaise plus profond vis-à-vis de la religion ?

Jean-Luc ISTIN : Il faut se poser 2 questions :

1/ pourquoi autant de romanciers se mettent au thriller ésotérique ?

2/ Pourquoi autant de lecteurs pour ce genre ?

– Concernant l’abondance de roman de ce genre, on ne peut écarter l’effet da vinci code. Pas mal de romanciers écrivaient des romans historiques type antique pour rejoindre Christian Jack, d’autres essayaient de faire du Stephen King et puis hop ! Un succès planétaire et maintenant, beaucoup d’entre eux font du « Dan Brown ». Malgré tout, le genre l’a précédé avec des Umberto Eco ou des Eliette Abécassis. Au moins, par ces deux là, et d’autres comme Arturo Perez Reverté et Henri Loevenbruck, la qualité du genre était au rendez vous.
Dan brown a vulgarisé le genre. Il en a fait un roman à l’eau de rose à lire à la plage. C’est mal écrit et malgré tout, tout le monde le cite comme la référence du genre. Résultat, beaucoup de romanciers ont foncé dans la brèche, inspirés le plus souvent par leur éditeur.

– Concernant l’engouement des lecteurs pour le genre thriller ésotérique. Je pense tout simplement qu’il s’agit de l’effet « on va vous révéler ce que d’autres, l’église notamment, vous ont caché ». ça procure un certain intérêt, forcément. Mais les lecteurs ne se jettent pas sur tous les thrillers ésotériques. Là aussi, il y a des bides.

En fait, ce n’est pas le thriller ésotérique qui fait vendre, c’est le thriller tout court.

Si on parle de thriller politique, est ce qu’on se demande si son succès vient d’un malaise profond vis-à-vis de la politique ? Non, un thriller connaît un succès uniquement si le suspens est bon et vous tient en haleine jusqu’à la fin. Grisham, King, Chrichton, Vargas écrivent des thrillers tous très différents et qui remportent d’énormes succès.

Pour revenir au thriller ésotérique, Lorsque le genre aura accumulé un tas d’autres bides, ça se calmera, beaucoup de romanciers passeront à un autre phénomène de mode. Mais il restera des très bons romans qui continueront à nous enchanter.

Vous avez parlé de littérature, mais en bd, il y a aussi un développement de ce genre. Chez Glénat tout d’abord avec Loge Noire et Le troisième testament, Didier Convard et Xavier Dorison ont été les précurseurs, et puis maintenant chez Soleil avec la collection « Secrets du Vatican ». Encore une fois, si le thriller est bon, qu’il soit ésotérique ou pas, peu importe. Mais n’allez pas croire tout ce qu’on vous raconte…

Sceneario.com : Dans les Druides ou Merlin, nous retrouvons un coté initiatique, notamment par la présence du maître et de l’apprenti, êtes vous a la recherche de votre propre sagesse ? 

Jean-Luc ISTIN : Oui, et à vrai dire, il y a encore beaucoup, beaucoup de travail. Mes personnages l’atteignent bien plus aisément. Quelle chance ils ont ! Ce côté initiatique me permet aussi d’étoffer les personnages et de livrer au lecteur de véritables réflexions sur ce que nous sommes, les épreuves à dépasser etc… Sans cet aspect initiatique, Merlin et Les Druides seraient insipides, de simples aventures, trépidante certes mais sans fond. Dans Lancelot que je prépare avec Alexe au dessin et Elodie Jacquemoire à la couleur, il est encore question d’initiation.

Sceneario.com : Jean Luc, comment vous accordez vous entre Thierry Jigourel, peut-être un peu gardien de la tradition, et votre nécessaire adaptation de cette tradition au rythme de l’histoire ?

Jean-Luc ISTIN :
Avec Thierry, nous nous rencontrons pour tracer les grandes lignes du scénario. Ensuite, j’écris un premier jet tout en vérifiant auprès de Thierry, la véracité des faits et du contexte qui revient sur ce que j’ai écrit, revoit certains dialogues, les améliore ou propose carrément autre chose. Je relis le tout une troisième fois, retouche à nouveau avant de le remettre à Jacques. Thierry est effectivement le gardien de la tradition. Tiens, c’est une bonne idée, on va écrire ça sur la page titre : "Thierry Jigourel, scénariste et gardien de la tradition." !!!

Sceneario.com : La bande dessinée est une histoire de rencontres : de personnes, d’une terre… quelles sont celles qui vous ont le plus marqué ?

Jean-Luc ISTIN : Mon dieu ! J’ai rencontré tellement d’auteurs que je ne peux répondre sans froisser le pauvre que j’aurais oublié de citer sur le moment. Beaucoup voir tous m’ont marqué et ce, pour différentes raisons. Ces rencontres m’ont permis de progresser tans dans mon travail que dans ma compréhension de l’autre. Mais le chemin est long et semé d’embûches…

Sceneario.com : Jean Luc, les lecteurs vous connaissent encore essentiellement pour ces albums qui évoluent dans l’univers celtique, qu’est ce qui vous a donné envie de scénariser Tom Sawyer ou de créer la collection Serial Killer ?

Jean-Luc ISTIN : Tom Sawyer m’est venu après une nuit d’insomnie. Je voulais faire une bd pour mes enfants, quelque chose qu’ils puissent lire. Et le lendemain, c’était décidé. J’ai appelé Julien Akita qui a répondu favorablement très vite. Et depuis, c’est un véritable plaisir. J’adore adapte Mark Twain et puis, c’est tout simplement l’enfant que j’étais qui se réjouit. Julien et Matthieu Akita font qui plus est un superbe travail et m’étonne par la façon dont ils font vivre Tom Huck et ses amis. Concernant la collection SERIAL KILLER. L’idée vient de Thierry Atzori qui me la soufflé. Là, c’est l’adolescent que j’étais qui m’a poussé à créer cette collection. Je suis fan du « Silence des agneaux » voilà tout…

Sceneario.com : Thierry Jigourel, vous êtes un spécialiste de la Bretagne dans tous les domaines, comment travaillez vous avec Jean-Luc Istin ? 

Thierry JIGOUREL : Très bien ! Grâce à lui, j’apprends le métier, même si c’est en faisant des erreurs parfois. J’essaie d’améliorer, de comprendre, de retenir les leçons. Nous dressons le synopsis ensemble, tome par tome. Ensuite nous nous partageons l’écriture du scénario, Jean-Luc y apporte toutes ses connaissances « bédéesques » et moi, plutôt ce qui a trait à l’histoire, à la civilisation, à l’adéquation de notre histoire avec la vérité historique, même si, ne l’oublions pas, nous écrivons un « roman » historique. Il nous arrive donc parfois de « sacrifier » la «vérité » historique à l’efficacité spectaculaire ou autre. C’est toujours de toute manière un échange fécond et constructif !

Sceneario.com : Est-ce qu’il y a avec les Druides, au-delà du plaisir d’écrire un Thriller ésotérique, une volonté de créer chez le lecteur, une curiosité, une envie d’en savoir plus et pourquoi pas d’aller vers des ouvrages de référence sur l’univers celte et le druidisme ? 

Thierry JIGOUREL :
Oui, bien sûr, c’est un désir permanent. J’espère, par chacun de mes ouvrages, dossiers de la presse magazine, recueils de récits commentés ou de nouvelles, livres généraux sur la Bretagne ou plus spécialisés sur les Druides, par exemple, série de bd, donner au lecteur l’envie d’en savoir davantage sur cet univers fabuleux et fabuleusement riche qu’est le monde celtique. C’est toujours un des buts de mon travail.

Sceneario.com : Votre collaboration avec Jean Luc vous a-t-elle donné envie d’écrire vos propres scénarii ? 

Thierry JIGOUREL :
Oui, en effet ! D’ailleurs je suis toujours disponible à toute proposition de Jean-Luc. Par ailleurs, j’ai commencé à scénariser pour un éditeur spécialisé dans le livre de terroir, des bandes dessinées à tendance plus historique. C’est une nouvelle « corde à mon arc » qui me plaît bien et que j’aurais du plaisir et de l’intérêt à développer.

Sceneario.com : Dahud a disparu avec Is, Keben fait une brève apparition, mais on imagine difficilement l’histoire sans un autre personnage féminin de premier plan, quelle figure historique ou mythique pourrait émerger face à Gwen’chlan ?

Thierry JIGOUREL : Ah, il y en a des tas, comme toutes ces reines ou messagères de l’Autre Monde. La femme est d’autant plus fascinante que dans le monde celtique, elle est souveraine, contrairement à ses cousines germaines, grecques ou latines ! De l’Irlande à la Bretagne, la femme peut être guerrière, initiatrice, reine, chef de clan et même druidesse. Quant aux grandes amoureuses, d’Iseult à Deirdre en passant par Grainne, elles sont nombreuses aussi, et ce sont elles qui décident et qui maîtrisent le destin de leurs hommes… devrait-on dire de leurs … proies ? Il y a donc des tas de potentialités, mais chuuuut, nous n’en dévoilerons pas plus à ce stade de notre écriture ! Il faut ménager un peu de suspense !

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