Interview

Isabel Kreitz, auteure de L’espion de Staline (Casterman)

Isabel Kreitz, Angoulême 2010

Sceneario.com : Bonjour Isabel Kreitz ! Après des études graphiques à Hambourg et à New York, vous faites de la BD depuis plus de quinze ans. Pouvez-vous nous dire quand et comment la petite fille que vous fûtes a décidé de choisir la voie du dessin ?

Isabel Kreitz : Quand j’étais petite, lorsque des films que je regardais me plaisaient, j’essayais d’en reproduire des éléments en dessin. Je crois bien que c’est là qu’il faut chercher où est née ma passion pour le dessin !

Sceneario.com : Quelles images, quels illustrateurs, quelles bandes dessinées vous ont marquée au point de choisir cette voie ?

Isabel Kreitz : Plus que des images, des bandes dessinées ou des films d’animation, ce sont plutôt des films d’horreur, en noir et blanc, et des films muets que je regardais, qui m’inspiraient. Vous savez, ces films des années 40…

Sceneario.com : L’espion de Staline est la première de vos BD traduite en français. Pouvez-vous nous lister vos principales réalisations, leur sujet, et nous dire si L’espion de Staline, parue en 2008 en Allemagne, était à vos yeux le titre « par excellence » pour faire découvrir vos talents aux lecteurs francophones ?

Isabel Kreitz : En réalité, j’oserais dire que je suis très contente que vous ne connaissiez pas les autres !!! C’était des choses moins importantes, des travaux dans lesquels je m’identifie moins. C’est en réalisant L’espion de Staline que j’ai réussi à trouver le mode d’expression auquel j’espérais arriver, alors les réalisations précédentes sont reléguées pour moi à des brouillons, à des préparations de ce qu’est aujourd’hui L’espion de Staline.

Sceneario.com : Comment vous est venue l’idée de réaliser cette BD et avez-vous des « atomes crochus » particuliers avec le Japon ou la Russie ?

Isabel Kreitz : Tout est parti d’une rencontre un peu fortuite alors que j’étais au Japon, à Osaka, en 2000. C’est en effet là qu’un dessinateur de manga allemand m’a parlé de Richard Sorge et c’est suite à cela que je me suis intéressée plus précisément au sujet. Ca a mijoté dans ma tête pendant plusieurs années, alors même qu’en parallèle le roman graphique se développait en Allemagne. Cette forme d’expression, avec des possibilités de s’étendre sur 150 à 200 pages me plaisait. Je tenais mon sujet et je savais que j’avais envie de le traiter sur plus de pages que ce qu’offraient les albums plus classiques…

Sceneario.com : Vous ne nous faites pas un cours d’histoire classique en ce sens que avez choisi une narration très proche des personnages, voire due à eux. Quelles ont été les difficultés rencontrées pour mener ce projet à bien ?

Isabel Kreitz : En fait, je n’ai pas rencontré de problème particulier. Ce projet naissait juste au moment où le roman graphique germait en Allemagne, où il commençait à intéresser les lecteurs et les éditeurs, alors quand je suis arrivée avec, ça tombait bien ! Je regrette d’ailleurs de ne pas avoir pu profité plus tôt de cette liberté dans la longueur de mes livres, car je suis sûre que j’aurai traité différemment mes histoires précédentes si j’avais pu avoir cette liberté que j’ai eue avec L’espion de Staline.

Sceneario.com : Richard Sorge évoluait (à dessein) dans les milieux du nazisme et du communisme de l’ère Staline, deux types de régimes politiques aujourd’hui dénoncés. Qui est Richard Sorge aujourd’hui pour les Allemands ? Et comment a été accueillie votre bande dessinée dans votre pays ?

Isabel Kreitz : Après un long temps de silence, et au-delà du bien et du mal, les Allemands ont montré un regain d’intérêt pour leur Histoire, d’autant plus que vous savez qu’il y a eu deux Allemagnes, et donc que notre histoire est très riche, très complexe. Après avoir fait ce nouveau pas vers l’Histoire, les gens se sont mis à s’intéresser aux personnages secondaires, ou qui paraissaient l’être. Pas aux Churchill ou aux Hitler, mais à des personnages ayant œuvré un peu plus dans l’ombre, avec ce côté plus anecdotique mais néanmoins important. En regardant l’Histoire à travers ce genre de personnages, on redécouvre l’Histoire autrement, et ce genre d’approche est devenu un peu un phénomène de mode.

Sceneario.com : Il est vrai que je n’ai pas cherché sans relâche, mais je n’ai pas trouvé la définition du mot allemand « Soche » dans mon dictionnaire… Alors comme L’espion de Staline a pour titre original Die Soche mit Sorge, j’aurais aimé avoir une petite traduction, savoir s’il y avait une subtilité ou non dans ce titre…

Isabel Kreitz : C’est une coquille qui apparaît sur la page des mentions légales du livre L’espion de Staline ! Le titre original est bien Die Sache mit Sorge, qu’on pourrait traduire tout simplement comme « L’affaire Sorge »…

Sceneario.com : C’est votre première participation au festival d’Angoulême, je crois, en ce mois de janvier 2010. Qu’attendez-vous de cette expérience ?

Isabel Kreitz : En fait, je me suis déjà rendue à Angoulême en 1991 quand j’étais étudiante. J’avais d’ailleurs participé à un atelier avec Will Eisner. Mais c’est la première fois cette année que je participe comme auteur et je suis impressionnée par le festival, par les files d’attente pour les dédicaces ! C’est vraiment quelque chose !!!

Sceneario.com : Pouvez-vous nous dire un petit mot sur la « santé » de la bande dessinée allemande ?

Isabel Kreitz : Je suis assez optimiste. D’autant plus que le développement et l’essor en Allemagne de ce nouveau mode de narration qu’est le roman graphique sont quelque chose que les gens semblent attendre. Il faut savoir qu’il y a aussi en Allemagne d’excellents dessinateurs et des gens qui savent bien raconter les histoires (et qui sont parfois les mêmes !) Peut-être n’y aura-t-il jamais un énorme marché en Allemagne, mais qui sait, puisque ça se développe. Des niches se créent, en tout cas, c’est bon signe !

Sceneario.com : Parlez-nous de vos lectures BD, s’il vous plaît… Quels sont les styles que vous préférez et quels sont les auteurs dont le travail vous inspire ?

Isabel Kreitz : Je vais être très générale, mais ce qui m’a toujours intéressée, depuis le début, c’est les romans graphiques, et je vous re-citerai Will Eisner que j’admire particulièrement. Ce que je recherche dans mes lectures, ce sont avant tout des histoires. Des bonnes histoires. Plus qu’un très beau graphisme ou qu’un bel objet-livre avec couverture cartonnée et papier glacé !

Sceneario.com : Quels sont vos projets en cours et/ou à venir ? Et comment le succès de L’espion de Staline pourrait-il influer sur, orienter vos futurs travaux ?

Isabel Kreitz : Dans un premier temps, je crois que je vais me contenter de planer 10cm au-dessus de ma table de travail ! On verra bien par la suite !!!

Sceneario.com : Merci beaucoup pour avoir pris le temps de répondre à ces questions. Bonne chance à vous et à votre bande dessinée, une bande dessinée très intéressante par ce qu’on y apprend et très belle grâce à votre maîtrise du dessin !

Isabel Kreitz : Merci à vous.

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