Interview

Interview Régis HAUTIERE

Sceneario.com
Bonjour Régis, pour les lecteurs de Sceneario.com qui ne te connaissent pas peux-tu décrire ton parcours ?

Régis Hautière (R.H.): Pour ce qui est du parcours universitaire, j’ai fait de la philo et un peu d’histoire, ainsi qu’un troisième cycle en ingénierie de la connaissance. Pour le reste, j’ai travaillé une dizaine d’années pour une association avant de commencer à vivre de la bande dessinée.

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Comment s’est effectuée ta rencontre avec Romain Hugault

R.H.
Pour la petite histoire, Romain a d’abord rencontré Fraco (avec qui je travaille sur Dog Fights) sur Internet. Sur un site de fondus d’aviation et de simulation. Comme tous les deux cherchaient à faire de la bande dessinée, ils ont tout naturellement sympathisé et commencé à s’envoyer des extraits de leurs projets respectifs. Fraco m’a montré les planches de Romain et je lui ai dit ce que je pensais (ça devait être des trucs très positifs, du genre : "C’est nul. Ce type n’a aucun avenir dans la BD. En plus, dessiner des avions, pfff… n’importe quoi. Ca ne marchera jamais…" – Romain, lâche ce couteau !). Les premières bases de notre amitié et de notre collaboration étaient donc jetées. Il n’y avait plus qu’à concrétiser notre relation par une rencontre "physique", ce que nous avons fait au salon de bande dessinée du Musée du Bourget où nous nous sommes retrouvés tous les trois pour la première fois. Romain faisait à l’époque des tests pour reprendre Tanguy et Laverdure. Comme ce projet n’a pas abouti, il a commencé à travailler sur un projet plus personnel et nous l’avons mis en contact avec Pierre Paquet. C’est ce dernier qui m’a demandé d’aider Romain à construire son histoire.

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Bien que ton nom n’apparaisse pas sur la couverture, Romain Hugault ne cesse de te faire participer au succès, mérité, de la bédé « le Dernier Envol ». Quel a été ton rôle dans cette œuvre ?

R.H.
C’est moi qui ai dessiné les avions… (Non Romain, pas le couteau !!!)
Plus sérieusement, j’ai participé au scénario. Je suis surtout intervenu sur l’histoire et les dialogues (tout particulièrement les voix off), très peu sur le découpage. Si j’ai refusé que mon nom apparaisse sur la couverture (alors que Romain le souhaitait) c’est tout simplement parce que je ne suis pas à l’origine du projet. C’est Romain seul qui l’a porté devant l’éditeur. Je ne devais intervenir, au départ, que pour conseiller Romain qui avait pour projet d’écrire quatre histoires indépendantes tirées de faits divers (ce qui lui permettait de dessiner tout un tas d’avions différents). Mais, très rapidement, c’est devenu trop tentant pour moi et je n’ai pas pu m’empêcher d’intervenir dans l’écriture de ces histoires. Mon principal apport a été de trouver un artifice qui permette de lier entre elles quatre histoires qui ne partageaient ni une unité de temps, ni une unité d’espace. Je trouvais en effet dommage que quatre histoires cohabitent dans le même livre sans raison particulière.
Je pense que j’ai aussi contribué à noircir le ton de l’album (je m’en excuse par avance auprès de ceux qui aiment les happy ends). Je pensais que, vu la mise en scène très aérée (aérienne ?…) de Romain et son envie très forte de mettre les avions au premier plan, il fallait aller vers le tragique si on voulait donner de la force à l’ensemble et éviter l’écueil de la simple démonstration graphique. J’ai voulu en quelque sorte à ramener l’humain au centre du récit, en contrebalançant par les textes le fait que les machines occupaient presque tout l’espace visuel. D’où, l’utilisation de voix off.
Mais je tiens à préciser que c’est Romain qui a géré seul, ou quasi, le découpage. De même que c’est lui qui a conçu la trame générale de chacune des quatre histoires.

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Tu es le scénariste de Kalicles chez Paquet également, qui est aussi un style historique. Est-ce ton domaine de prédilection ?

R.H.
Je n’ai pas vraiment de domaine de prédilection. Je m’intéresse à beaucoup de choses et je pense que, à terme, ça se ressentira dans mon travail.
Ceci dit, j’aime (aussi) beaucoup l’Histoire. C’est un réservoir à idées inépuisable. Mais, en règle générale, c’est le décor qui m’intéresse. Je préfère raconter l’histoire des "petites gens" plutôt que celle des "grands hommes".
Puisqu’on parle de Kaliclès, j’en profite pour faire une petite mise au point. J’ai lu dans plusieurs chroniques sur Internet (et notamment sur sceneario.com – hé hé !) que c’était vraiment une coïncidence tirée par les cheveux que le héros ait une juive parmi ses fréquentations. Mais, à l’époque où se situe le récit, les juifs représentaient un tiers de la population d’Alexandrie ! Ils y étaient présents depuis la fondation de la ville par Alexandre le Grand et constituait la communauté la plus importante en nombre après les Grecs. Comment, dès lors, concevoir que le héros ait pu passer les vingt premières années de son existence dans cette ville sans côtoyer au moins l’un d’entre eux ?

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Comment décrirais-tu Dog Fights, deuxième album à prendre place dans la collection Cockpit ?

R.H.
C’est un polar avec des avions. Avec, en filigrane, une critique implicite de cette télé qu’on dit "réalité". Ce n’est pas à proprement parler une bande dessinée aéronautique, comme peuvent l’être Buck Danny ou Tanguy et Laverdure. Même si les avions occupent une place importante, ils auraient facilement pu être remplacés par des voitures ou des bicyclettes. C’est Fraco qui voulait des avions.

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Peux-tu dévoiler quelle sera l’orientation de cette nouvelle collection ?

R.H.
Elle a été prévue pour accueillir des récits qui font la part belle aux relations entre l’homme et la mécanique. On y verra donc des avions, bien sûr, mais aussi des histoires de voitures ou de tanks.

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Au départ, « Le dernier envol » était dans la collection « Solo » et était prévu en tant que one-shot. Maintenant qu’il va être réédité dans cette nouvelle collection, une suite est-elle envisageable ?

R.H.
Non. Il est hors de question que le Dernier envol devienne l’Avant-dernier envol. Ca n’aurait pas de sens. Nous ne nous interdisons pas, par contre, de faire des clins d’œil à cet album dans notre nouveau projet dont l’histoire se déroulera entre 1933 et 1942 (c’est-à-dire, à peu de choses près, qu’elle se terminera au moment où commence celle du Dernier envol). Les quatre personnages phares du Dernier envol pourraient donc bien y faire quelques apparitions…

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De loin, avec des histoires qui n’ont pas de suite logiques entre elles, cela semble possible ?

R.H.
Non, non. N’insistez pas.

Sceneario.com
Mis à part le logo Solo qui disparaît ? Comment se différencie la nouvelle réédition du « Dernier Envol » ?

R.H.
Quelques coquilles ont été corrigées (grâce aux remarques et à l’œil sagace de certains lecteurs…).

Sceneario.com
As-tu d’autres projets avec Romain ?

R.H.
Oui. Et cette fois Romain m’a demandé de prendre en main la totalité du scénario (il y aura donc plus de dialogues, plus de séquences au sol et un lapin). Nous sommes partis sur une histoire en deux tomes qui fera la part belle aux as de l’aéropostale et aux courses d’avions dans les années 30, avec une incursion dans la guerre de 14-18 et un final au milieu de celle de 39-45.

Sceneario.com
Romain et Fraco semblent avoir une certaine connivence, l’idée d’une BD à trois vous a-t-elle effleurée ?

R.H.
Pas vraiment. Ca peut paraître tentant mais ils ont un style de dessin et une approche de la narration très différents. Je pense que les concessions à faire de part et d’autres seraient trop importantes pour que ça se fasse sans heurts. Ceci dit, rien n’empêche d’essayer…

Sceneario.com
Connaissais-tu Sceneario.com avant de lire les critiques de Kaliclès et du Dernier Envol ?

R.H.
Oui mais je le connais de mieux en mieux.

Sceneario.com
Merci pour tout et bonne continuation pour la suite…

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