Interview

Interview de Yigaël et Céka, les auteurs de la série EGOVOX

Sceneario.com : Bonjour Céka, bonjour Yigaël.

Avant de faire de la bande dessinée, Céka, tu travaillais dans la publicité : tu nous l’as déjà dit lors de notre récente interview pour la sortie du Procès. Et puis un jour, après avoir pris tes repères dans le monde de la BD, tu as décidé de te lancer.

Yigaël, toi, tu sors par contre d’une école de dessin. Parle-nous un peu de toi, avant tout, histoire que l’on te connaisse un peu mieux, et de ton cursus.

Yigaël : Je suis né à Arras, dans le Pas de Calais. Comme beaucoup de dessinateurs, j’ai commencé à faire mes premières BD vers l’âge de 7 ou 8 ans. Des histoires où je mettais en scène mes jouets, essentiellement, ou encore des adaptations de films que j’aimais bien (Star Wars, E.T., etc…). Ensuite, je me suis mis à dessiner mes propres histoires avec des personnages que j’inventais. Quand je les relis maintenant, je trouve ça assez mauvais ! (rires). Mais bon, ça m’amusait bien et, étant de nature timide, ça me permettait de m’intégrer plus ou moins dans mes différentes classes. Plus tard, mon Bac scientifique en poche, je me suis dirigé vers une école de BD : l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, en Belgique (à ne pas confondre avec St Luc !). Là-bas, j’y ai côtoyé pas mal de futurs dessinateurs comme François Duprat, Vanyda, Grégory Charlet, etc… J’ai d’abord pris une sacrée claque en m’apercevant que tous ces gens dessinaient 100 fois mieux que moi, et puis, dans un deuxième temps, ça m’a au contraire motivé pour me perfectionner encore et encore. Après ma sortie des Beaux-Arts, j’ai commencé à monter des dossiers pour envoyer aux éditeurs.


Sceneario.com : Dans le collectif Jacques Dutronc, on remarque que Céka était déjà le scénariste de tes planches. Alors, racontez-nous, comment vous êtes-vous connus, rencontrés ? 

Céka : Notre rencontre avec Yigaël est vraiment le fruit du hasard, comme beaucoup de rencontres d’ailleurs ! Notre premier contact s’est fait par Mathias (alias Jim Dandy), dessinateur et ami de Yigaël. En lisant mon projet Egovox, il m’a aussitôt orienté vers Yigaël qui, pensait-il, pourrait être intéressé par ce type d’histoire. Voilà comment ça a commencé… Parallèlement, Yigaël avait envoyé un dossier BD à Petit à Petit. Comme Cédric Illand, Directeur de Collection chez Petit à Petit à l’époque, savait que nous avions un projet commun, il nous a très gentiment proposé de faire ensemble une histoire dans le collectif Dutronc : « La publicité ». Ce qui m’amusait doublement, et pour « rôder » notre relation avec Yigaël, et pour aborder le thème de la pub, mon milieu d’origine…

        

Sceneario.com : Céka (tu nous avais prévenus !), l’éventail du type d’histoires que tu as à raconter est très large. Après différents titres déjà parus, Egovox arrive avec son univers de science-fiction. Avais-tu déjà travaillé sur ce type d’univers ou bien est-ce une première ?

Céka : C’est une grande première pour moi, même si j’avais déjà un peu abordé cet univers avec les nouvelles de Jules Verne en BD, chez Petit à Petit. Mais j’avoue que j’aime beaucoup la science-fiction, pas en tant que telle, mais pour son accointance avec le fantastique. Ce moment où la réalité bascule… Pas étonnant si la « Quatrième dimension » est une de mes séries préférées, même si je ne l’ai découverte que très tard. D’ailleurs, si quelqu’un a la série complète en DVD à pas cher, ça m’intéresse !!! (rires)


      

Sceneario.com : Yigaël, quelle est ta liberté de création par rapport aux décors, aux machines et aux personnages de la série qu’a imaginés Céka ? Vous êtes-vous penchés ensemble sur ces éléments avant que tu commences à dessiner les premières planches ou bien Céka est-il arrivé avec un pack « A traiter comme tel » !?

Yigaël : Non, non, il n’a pas joué les tyrans avec moi ! (rires). Il avait juste quelques consignes sur certaines caractéristiques des personnages. Par exemple, il voulait que Wooker ait une allure de dandy, sorte de « golden boy » du futur. De même, Milk-shake devait être en lévitation et avoir des gants blancs pour accentuer son aspect de serviteur. Mais dans l’ensemble, j’étais assez libre. Je lui montre quelques croquis et on en discute ensuite. J’ai aussi pu apporter quelques petits plus sur certains personnages, comme pour les robots de sécurité et leur mode « D Plug ».  

Céka : Quand j’ai proposé le projet à Yigaël, il y avait déjà un univers bien défini au niveau du concept, des personnages, des ambiances, etc… J’avais, par exemple, une vue assez précise d’Egosfer, la ville principale. Mais Yigaël a bien sûr apporté sa part de magie à tout ça, sa part d’imagination et de créativité. Et j’avoue qu’il a été bien au-delà de mes mots ! Et tant mieux… J’aime bien les dessinateurs qui dessinent avec leur tête !

Sceneario.com : Céka, penses-tu qu’un autre trait que celui de Yigaël aurait pu convenir à ton histoire ou bien son dessin est-il exactement ce à quoi tu pensais pour les caractères de tes personnages ?

Céka : Quand j’ai conçu l’histoire, j’avais pensé à différents styles, graphiquement. Ce que j’ai bien aimé dans celui d’Yigaël, c’est la part d’humour et de comédie qu’il me permettait d’ajouter. Je ne voulais pas un univers de science-fiction trop sérieux et lointain. Un peu à la manière d’un auteur comme Philip K. Dick, je voulais un univers fantastique, mais très réaliste, très palpable, très quotidien. Peut-être qu’un jour, mon héros aura des brûlures d’estomac ou une envie subite d’aller pisser, par exemple ! (rires)

Yigaël : De mon côté, je ne me voyais pas non plus dessiner une BD complètement sérieuse et froide. Ca ne m’aurait pas correspondu. Quand j’ai lu le synopsis de Céka, je me suis tout de suite visualisé les personnages et l’univers. C’était bon signe ! Dans Egovox, même si la trame est très sérieuse et la situation assez grave, il y a toujours des petites notes d’humour, notamment dans la relation entre Wooker et son robot domestique.

        

Sceneario.com : Egovox est une série prévue en 3 tomes. Comment Akiléos, votre éditeur, l’a-t-il accueillie ? A-t-il misé sur vous en tant qu’auteurs (et sur vos talents), ou bien plus sur le produit lui-même, sur l’histoire, les persos, les envies des lecteurs ? (Egovox s’inscrit au catalogue d’Akiléos dans la collection « Oracle ». Est-ce une collection de SF ?)

Céka : Oui, nous avons présenté Egovox à notre éditeur comme une trilogie. J’aimais bien le côté thèse, antithèse, synthèse. Un reste de l’école sans doute ! (rires) Je pense qu’Akiléos a apprécié cette « finitude »… Je crois aussi qu’ils ont flashé sur l’idée originelle, celle du « journal de la destinée » ! Que se passera-t-il une fois que la trilogie sera terminée ? Pour l’instant, aucune suite n’est prévue, même si l’univers le permet… Quant à Egovox, nous avons eu la très bonne surprise de découvrir qu’elle inaugurait effectivement la collection de SF « Oracle » d’Akiléos. Qu’Ego-One soit avec elle !

Yigaël : La rencontre avec Akiléos s’est faite un peu par hasard. Nous avions posté les 5 premières pages sur un site de BD (NDLR : bdparadisio) qui proposait, une fois par mois, de montrer quelques projets de jeunes auteurs. Akiléos, qui n’avait pas encore un an à l’époque, a vu ces pages et nous a contactés via ce site. Céka les a alors rencontrés et en a profité pour leur parler d’un autre projet qu’il avait avec Clod, Le Procès, sorti en février dernier, également chez Akiléos.


      

Sceneario.com : Le tome 1 d’Egovox : « Le destin n’est plus ce qu’il était », a été réalisé en 2 ans, si je ne me trompe pas. Sur le site de la série ( NDLR: voir le lien après l’interview ), le tome suivant est annoncé pour 2007. La vitesse de croisière est-elle atteinte, Yigaël, à atteindre, ou bien va-t-il falloir que tu laisses d’autres projets que tu as à côté pour mener à bien ce second tome ? 

Yigaël : Non, non, ça devrait aller ! Avec l’expérience du tome 1, j’ai pris beaucoup plus d’aisance dans le dessin, et comme l’univers graphique est déjà créé, cela me prendra beaucoup moins de temps. En plus, j’ai été déchargé de la mise en couleur pour le tome 2, ce qui va sérieusement alléger mon temps de travail car les couleurs du tome 1 m’ont quand même pris une année entière sur les deux ans de réalisation de l’album ! Un coloriste travaille beaucoup plus vite que moi, heureusement ! 
 

Sceneario.com: Comment as-tu pris cette décision de Akileos de te décharger de la colorisation ? Les contraintes d’un calendrier justifient-elles, d’après toi, qu’on ne te confie plus une partie de ton travail, ce qui va peut-être te donner l’impression que le résultat ne sera pas celui que tu aurais pensé obtenir ? Dans ces cas-là, avez-vous votre mot à dire en qualité de dessinateur ou de scénariste ?

Yigaël : C’est moi qui ai fait la demande de prendre un coloriste. Même si j’aime bien prendre les choses en main, la mise en couleur du tome 1 a été pour moi une étape longue et douloureuse. Je pense qu’Akiléos n’a pas été surpris que je demande à en être déchargé pour les tome 2 et 3. Concernant les différences de résultats, un coloriste qui a une bonne formation et de l’expérience sait s’adapter alors je pense que les différences ne se verront pas beaucoup. Ceci dit, comme pour le travail avec le scénariste, il y a également une réelle collaboration entre le dessinateur et le coloriste. J’aurai donc mon mot à dire si jamais certaines choses ne me convenaient pas.

Sceneario.com : Yigaël, avec ce premier album « total », te voici un auteur avec un grand A ! Félicitations ! Qu’est-ce que ça a changé dans ta vie ? Comment gères-tu désormais ton temps entre ce qui t’est nécessaire pour créer, pour dessiner, et un calendrier de dédicaces que tu n’avais pas avant (et qui te laissait encore plus de temps, donc !)

Yigaël : Merci ! Pour l’instant, je ne me rends pas encore trop compte car l’album vient juste de sortir. Je ne sais pas encore l’impact qu’il aura dans ma vie privée et professionnelle. Néanmoins, j’ai conscience d’avoir réalisé un rêve et même si mon avenir n’a pas sa place dans le monde de la BD, je me sens beaucoup plus serein qu’à une époque. En ce qui concerne mon temps de travail, c’est vrai que j’ai un peu de mal à le gérer depuis que je suis en dédicaces. Il va falloir que je revoie mon planning !

Sceneario.com: Comment ça "Mon avenir n’a pas sa place dans le monde de la BD" ?!?

Yigaël : Oui, c’est un métier assez incertain, et pour l’instant je débute encore. Nous verrons bien!

Sceneario.com : Quels sont vos autres projets, Egovox mis à part ? Des discussions relatives à votre travail commun ouvrent-ils des pistes sur de futures collaborations entre vous ?

Yigaël : Ah oui, pourquoi pas ! Cela dit, après les trois tomes d’ Egovox, j’aimerais proposer mes propres scénarii. Si tu vas sur mon blog ( http://yigael.canalblog.com ), ou sur le site bulledair.com, tu verras que je fais aussi beaucoup de petits dessins et de petites histoires que je scénarise moi-même. Quand j’aurai un peu plus de temps libre, j’aimerais proposer des histoires longues aux éditeurs. Il y en a d’ailleurs une que j’ai en tête depuis une dizaine d’années et que j’aimerais bien concrétiser un jour car elle me tient vraiment à cœur.

Sceneario.com: J’imagine qu’on n’en saura pas beaucoup plus là-dessus dès aujourd’hui ?!

Yigaël : (rires) Non, pas encore, pour l’instant ! Je retravaille le scénario régulièrement. De toutes façons, si cela se concrétise, je pense que ça ne sera pas avant 3 ou 4 ans. 

Céka : Avec Yigaël, pour l’instant, nous nous concentrons sur Egovox. Trois tomes, c’est déjà une longue et belle histoire. Ensuite, je comprendrai bien sûr très bien qu’Yigaël ait envie de tenter sa chance en solo. Nous verrons bien le moment venu… Il y a tant de choses qui peuvent arriver d’ici là ! En tout cas, je suis très heureux de travailler avec Yigaël. C’est un auteur toujours ouvert à la discussion et d’une grande conscience professionnelle, ce qui est un vrai talent… Quant à mes autres projets, il y a Billy Wild avec Strhad prévu pour la fin d’année chez Akiléos qui devrait être une vraie révélation graphique (NDLR : www.billy-wild.com ). J’ai aussi d’autres projets en gestation, mais rien de signé pour l’instant…

Yigaël : C’est vrai, j’ai pu voir quelques pages de Billy Wild : ça promet ! Moi aussi, je suis très heureux de travailler avec Céka. Il y a une vraie collaboration entre nous. Personne ne dicte sa loi à l’autre, comme ça peut se voir parfois. Si de temps en temps, nous ne sommes pas du même avis sur un point précis, on en discute et on finit toujours par tomber d’accord. Les problèmes d’ego n’ont pas leur place pour Egovox !

        

Sceneario.com : Merci à vous deux d’avoir bien voulu répondre à ces questions. J’espère que le journal de votre destinée vous a prédit beaucoup de succès pour Egovox et pour le reste !

Pour en savoir plus sur Egovox, vous pouvez vous téléporter sur : http://www.egovox-bd.com

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