Interview

Interview de Karim Friha pour sa série Le Réveil du Zelphire

Sceneario.com : Bonjour Karim. Avant d’entrer dans le vif du sujet, peux-tu nous raconter ton parcours en quelques mots ? Que représente aujourd’hui pour toi la bande dessinée, un métier, une passion… ?

Karim Friha : Comme beaucoup d’auteurs j’ai toujours dessiné. De la maternelle à la fac, les marges de mes cahiers étaient pleines de dessins… Après un Bac S, j’ai commencé un cursus de maths et économie mais je me suis enfui avant la fin du premier semestre. J’ai par la suite étudié l’histoire de l’art, envoyant de temps en temps des dossiers de dessins aux éditeurs. J’ai commencé à travailler dans la presse jeunesse, Milan, Tchô puis j’ai rencontré Sylvain Runberg avec qui j’ai fait Astrid, une première BD pour tous les deux, mais qui n’a pas connu de suite… Puis Runberg a demandé l’asile politique à la Suède où il vit désormais. J’ai pu intégrer le milieu du dessin animé, séries télé et longs-métrages où je travaille depuis.
La BD a toujours fait partie de ma vie. Les classiques franco-belges, d’Astérix à Gaston Lagaffe, des Schtroumpfs à Blake et Mortimer, envahissaient ma chambre d’enfant. Puis comme beaucoup, ado, je me suis pris les claques Akira, Dragon Ball et Gunnm. Au lycée j’ai découvert Tank girl et Calvin et Hobbes. Je continue aujourd’hui à être fan de super-héros… Rien de très original !

Sceneario.com : Comment est né le projet de ta série Le Réveil du Zelphire ?

Karim Friha : Je suis passionné d’Histoire, et du XIXeme siècle en particulier. Placer ma série à cette époque a été assez naturel. Je voulais mélanger les récits d’aventure à la Jules Verne avec les Super-héros. Quant à l’idée du corps et de l’esprit qui ne font qu’un, elle fait débat depuis un moment…

Sceneario.com : Le Réveil du Zelphire est une série où tu es à la fois scénariste et dessinateur, est-ce par choix ? Qu’est-ce qu’on ressent seul aux commandes ?

Karim Friha : J’ai eu beaucoup de chance : j’ai rencontré Joann Sfar dans une librairie près de chez moi, où il venait signer Klezmer. Je lui ai timidement demandé si je pouvais lui montrer mes dessins. J’admirais depuis longtemps son travail, au point que cela avait changé beaucoup de choses dans mon approche du dessin, de l’écriture et de la BD en générale. Je suis très heureux et très fier d’être publié chez Bayou aujourd’hui. Thierry Laroche, éditeur et l’équipe de Gallimard font un super boulot. En ce qui me concerne, je travaille dans des conditions idéales.
Quand on est seul aux commandes de son projet, de son livre, s’est toujours un peu angoissant, mais tellement excitant ! Je n’ai pas d’à priori, mais je suis assez indépendant. Le travail d’équipe, je le pratique dans le dessin-animé…

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Sceneario.com : Comment procèdes-tu pour réaliser un album ?

Karim Friha : Pour l’écriture je me promène, je flâne, et les idées apparaissent au coin d’une rue et se mettent en place peu à peu. Après une écriture précise du scénario, je fais tout le brouillon de l’album, une des phases les plus importantes de la réalisation de ma BD. Puis je mets au propre au crayon, et la couleur sur Photoshop.

Sceneario.com : As-tu déjà un nombre de tomes définis en tête pour cette série ?

Karim Friha : Non, chaque album est une histoire complète. Par contre, il vaut mieux les lire dans l’ordre. J’ai commencé à travailler sur le tome 3. C’est un univers assez large, et j’ai des idées pour beaucoup d’albums, y compris des séries parallèles, comme la jeunesse du Professeur. J’espère qu’elles verront le jour, ça ne dépend pas que de moi.

Sceneario.com : A la lecture des deux tomes parus, D’écorce et de sève et Prince de sang, on ressent de nombreuses influences qui se mêlent. Peux-tu nous en parler ? Quel était ton but en écrivant cette histoire ?

Karim Friha : Souvent on me dit qu’on reconnait les influences, tant en BD qu’en ciné, et j’en suis très heureux ! J’ai voulu mettre dans cette série tout ce qui me plaisait… Comme je l’ai dit avant, Je voulais un mélange entre Jules Verne, les Super-héros, Retour vers le futur, Indiana Jones, les mythologies, Goya, Victor Hugo, Tim Burton, les Zombies… Je pourrais continuer longtemps l’énumération et ça deviendrait ennuyeux.

Sceneario.com : L’atmosphère générale de la série est plutôt assez sombre. Tu n’hésites pas faire mourir beaucoup de personnages très secondaire ou moins, et tu cultives une ambiance aux accents macabres. Mais pourtant malgré le côté sombre, le propos n’est jamais accablant. Est-ce que tu peux nous expliciter ce regard ?

Karim Friha : Les contes que nous connaissons tous sont très sombres, voire très violent : Le Petit Chaperon Rouge, Hansel et Gretel, c’est pas rigolo à l’origine ! Je voulais écrire un conte d’aventure, dans l’esprit des Goonies, des Contes de la Crypte, mais dans les décors de Jules Verne. C’est parfois drôle, parfois effrayant. Malgré les épreuves que les personnages vivent, ils tiennent le coup, s’entraident et s’en sortent grâce à l’amitié et à la tendresse qui les lient.

Sceneario.com : L’enfance et l’acceptation de la différence sont les grands thèmes du Réveil du Zelphire. Pourquoi avoir choisi le genre du conte fantastique pour les aborder ?

Karim Friha : Que ce soit en Science-fiction ou en Fantasy, peu importe le décor, on essaye de parler du monde qui nous entoure et de la société dans laquelle on vit. L’enfance est une période déterminante psychologiquement. C’est banal de le dire, mais les événements vécus dans l’enfance ont des répercussions et une résonance loin dans la vie d’adulte. C’est pour ça que Le réveil du Zelphire a lieu à cette période. Les défenses psychologiques sont faibles ou inexistantes. Je voulais traiter de la résilience et de la psycho somatisation sur un mode fabuleux, fantaisiste.

Sceneario.com : Est-ce que tu peux nous parler de la dimension de super-héros incarné par Sylvain ?

Karim Friha : Sylvan est la figure classique du jeune mal à l’aise, qui essaye de cacher sa différence, qui a honte de ce qu’il est. Il essaye de mener sa vie de jeune homme, entre ses études et ses amours forcément intenses et surtout instables ! Mais les épreuves vont le former et il va apprendre à s’affirmer, pour se sauver et sauver les autres.

Sceneario.com : D’où te vient le nom de « zelphire » ?

Karim Friha : De quelque part sous un de mes cheveux… Je voulais un nom qui évoque la mythologie, les légendes. Je cherchais plus une sonorité qu’un sens. Zephyr, Elfes …

Sceneario.com : Peux-tu nous parler de tes influences graphiques ?

Karim Friha : Une nouvelle liste ! J’en ai déjà cité beaucoup. En fait, quand j’étais enfant, jeune et insouciant, j’inventais des personnages dans des univers déjà existants et je faisais des petites BD mettant en scène le cousin d’Astérix, ou un pseudo Songoku etc… A chaque fois je reprenais le style de la série que je plagiais sans vergogne. De 8 à 13ans, j’ai eu une carrière de faussaire. Ca se ressent peut-être aujourd’hui dans mon style qui en emprunte à beaucoup.

Sceneario.com : Quelle est ta technique de dessin ?

Karim Friha : Une page blanche, un crayon, un scanner, un mac et Photoshop. Mais j’ai hâte d’avoir l’occasion de revenir à la plume, au pinceau, à l’encre de chine et au lavis.

Sceneario.com : En fin de tes deux albums tu as glissé quelques illustrations de tableaux célèbres revisités avec tes personnages. Est-ce que tu peux nous dire quelques mots sur cette initiative ?

Karim Friha : Il y a des peintres qui m’ont marqué, et c’est une façon d’en parler, de leur rendre mon petit hommage. Et puis j’aime bien l’idée d’intégrer mes personnages à des tableaux célèbres. Je fais très peu de travaux de recherches, et c’est généralement ce qui rempli les pages en trop à la fin des bouquins. J’ai donc eu cette idée de reprises de tableaux.

Sceneario.com : Et pour terminer, peux-tu nous dire si tu as d’autres projets en tête ?

Karim Friha : Beaucoup de projets, mais pas le temps de les réaliser. J’ai beaucoup d’opportunités concernant mes autres projets, mais entre Le réveil du Zelphire et mon travail dans le dessin-animé, c’est un peu juste. J’aimerais développer autant que possible l’univers des Zelphires, montrer la jeunesse du Professeur Wernes, raconter des histoires de Zelphires à une autre époque dans un orient imaginaire… Et pour info, on en est qu’au début, mais une option a été signée par un producteur français et son partenaire canadien pour réaliser un long-métrage d’animation du Réveil du Zelphire. C’est délicat d’en dire plus pour l’instant, mais je suis très enthousiaste !

Sceneario.com : Karim, merci d’avoir passé un peu de temps avec nous. A très bientôt !

Karim Friha : Merci à vous !

Blog de Karim Friha : http://karimfriha.blogspot.com//

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