Interview

Interview de CV7 et YUIO pour Frères de la Côte T1

Sceneario.com : Bonjour ! Après avoir participé à de nombreuses en qualité de coloriste, qu’est-ce que ça fait, Yuio, de voir sortir ta première BD en tant que dessinateur ?

Yuio : Je doute encore plus qu’avant. La couleur sur le dessin d’un autre auteur a quelque chose de facile alors que lorsqu’on se permet de faire le combo dessin+couleur, on remarque encore plus ses limites et, évidemment, ça agace avant comme après la publication. Après, je respire en me disant que cette première BD est peut-être le démarrage vers d’autres histoires.

Sceneario.com : Sur ton blog (http://chairafauteuil.over-blog.com), Yuio, tu as parlé avec pas mal d’amertume de la fin de ta « période Trikäär » (publié dans Spirou). Comment se fait-ce ? Un auteur peut-il ne plus aimer un de ses personnages ou bien le pourquoi du comment est-il à chercher carrément ailleurs ?

Yuio : L’amertume est une accumulation de choses par rapport à cette époque-là. Plus liées d’ailleurs au flou global dans lequel me plongeait l’arrêt des pages d’animation qu’aux collaborateurs de l’époque, en fait. Trikäär était un exercice d’échauffement. On voulait un héros qui n’en est pas un. Des gags un peu violents mais publiables. On aurait dû tenter de se renouveler soit dans la forme des gags ou sur le fond même des histoires. On a un peu manqué de temps et d’enthousiasme, voilà tout. Dav n’y peut rien et moi non plus… On a créé un bestiaire assez amusant visuellement mais apparemment personne ne voyait un futur pour cet univers sur le long terme. On a tourné la page et on est tous passé à autre chose par nécessité ou obligation.

Sceneario.com : Yuio, CV7… Ca fait 2 pseudos sur 3 signatures. Racontez-nous un peu : pourquoi ces pseudos ? Un rapport avec le clavier de l’ordi (pour le premier) et l’automobile (pour l’autre) ?!?

Yuio : Le truc du azertYUIO commence à faire le tour du web et il y a même plus de surprise. Le pseudo est venu parce que les Simon sont légion dans le bottin comme dans le monde de la BD. Quand je me contentais de faire des couleurs, on me prenait des boulots et on m’en attribuait d’autres. Afin de ne pas être ennuyé, j’ai opté pour un nom d’allure japonaise. C’est imprononçable et ça marque plus les esprits !

CV7 : Hahaha, rien à voir avec les bagnoles, en fait. Simplement mon vrai nom est phonétiquement proche de mon pseudo, mais plus long à écrire. C’est mon côté feign… pragmatique. D’autre part comme je ne fais pas que de la BD, l’utilisation de pseudos me permet de m’y retrouver facilement dans mes travaux. Et puis soyons honnête, y a un côté superstar à utiliser un pseudo, ça me donne l’impression d’être presque aussi célèbre que Johny Hallyday. Presque.

    
    

Sceneario.com : Comment votre collaboration a-t-elle vu le jour ? Qui a contacté qui, au départ ?

CV7 : Je connais Sylvain Ricard (NDR: l’autre co-scénariste de la série Frères de la côte) depuis des lustres et ça faisait un moment que je le tannais pour qu’on écrive ensemble. Suite a un odieux chantage, dont je ne peux révéler les tenants et les aboutissants, il a fini par céder avec enthousiasme. Quant à Etienne, tout le mérite de son recrutement revient à Sylvain qui a écumé les bars sombres, les hôtels interlopes et les salles désertes des pas perdus pour enfin dénicher un galérien qui accepterait de se joindre à nous. En tout cas c’est comme ça que Sylvain m’a présenté les choses. Je crains que la réalité soit pire encore.

Sceneario.com : CV7 et Sylvain Ricard… Comment avez-vous travaillé au scénario ? Ensemble sur toute la ligne ou en vous partageant les épisodes ?

CV7 : C’est bien simple, j’ai tout fait. Sylvain a juste mis son nom pour que ça booste les ventes et toucher des droits. Non, en vrai Sylvain avait une trame bien développée de l’histoire. On l’a retravaillée ensemble pour fignoler avant d’attaquer chaque scène, que nous nous sommes réparties à peu près équitablement. Une fois l’écriture finie, on a relu pour homogénéiser l’ensemble, que le lecteur ne sente pas qu’il y avait deux scénaristes. De toute façon tous les bons mots sont de moi, qu’on se le dise ! 😉

Sceneario.com : CV7, quelles sont les difficultés rencontrées au niveau de ta vision du scénario par rapport à tes habitudes de travail dans l’animation ?

CV7 : Le travail en animation est extrêmement encadré et tu es obligé de te plier à plein de contraintes : Scénaristiques : tenir compte des avis des gens qui interviennent pendant l’écriture (directeur d’écriture, producteur, réalisateur, diffuseur) ; Budgétaires : ne pas mettre trop de décors différents (et favoriser les « réuts »), limiter le nombre de personnages parlants, etc… ; Techniques : certaines scènes sont trop complexes à réaliser. Une charge de chevaux par exemple, c’est juste l’enfer à animer ; Morales : les personnages ne peuvent pas faire ou dire n’importe quoi, la télé étant un espace public libre d’accès, regardée notamment par des ‘tits nenfants sans discernement…

En BD à peu près aucune de ces contraintes n’existe. On te fout une paix tellement royale que c’en est déstabilisant au début. Tu peux imaginer autant de décors et de personnages que tu veux, tant que ça sert l’histoire et que ton dessinateur ne t’implore pas d’arrêter. Quant à la morale de tes personnages, on s’en tape : la BD étant payante, le lecteur a le choix de l’acheter ou non. Ça devient donc sa responsabilité.

Sceneario.com : La piraterie jeunesse/humoristique n’était-elle pas un terrain déjà très investi en BD pour créer quand même cette nouvelle série ?

CV7 : Au début je voulais raconter les déboires d’une petite lavandière au fin fond du Cantal sur fond de rudesse hivernale. Très peu de dialogues, beaucoup de paysages impressionnistes. Finalement Sylvain m’a convaincu que l’idée n’avait peut-être pas tout le potentiel nécessaire. En fait on voulait faire dans un registre plutôt jeunesse avec de l’aventure, un peu plus d’humour qu’un bouquin de Stefan Zweig, un environnement intemporel… d’où les pirates. Et puis faut avouer que ça réveille plein de souvenirs d’enfance aussi. Donc on a appareillé avec les pirates, en espérant quand même faire différemment des séries existantes.

Sceneario.com : Comment ont été choisis les prénoms des deux héros ?

CV7 : C’est la faute de Sylvain. Je lui avait dit « il faut quelque chose de plus simple à retenir, de plus marketing comme Roux et Combaluzier, Laurel et Hardy, Ben et Nuts », mais il n’a rien voulu entendre, il voulait de l’authenticité, de l’exotique, alors voilà…

Sceneario.com : En combien de tomes la série Frères de la côte est-elle prévue ?

CV7 : On veut faire plus que « Donjon ». D’ailleurs la série va être sous-titrée « Le tour du monde en 101 jours », avec un tome par jour, un peu comme Jack Bauer. Plus concrètement, en imaginant Frères de la Côte, on s’est dit que le format le plus approprié serait de faire une aventure bouclée par album, quitte à avoir des éléments secondaires un peu plus « feuilletonnants ». Comme ça le lecteur est content car il peut retrouver ses héros là où il les a laissés, même s’il a raté un album.

Sceneario.com : Quels sont les projets des uns et des autres, sans compter un tome 2 des Frères de la côte dont vous pourriez peut-être également nous dire déjà 2 mots ?!

CV7 : Le T2 des Frères de la Côte est à l’étude, on a une colonne vertébrale. On sait où ça va se passer et ce qui va s’y tramer. Toujours des embrouilles pour nos pirates à la petite semaine et plein de nouveaux décors et de nouveaux personnages pour éviter que Yuio s’encroûte dans la routine. Pour ce qui est des nouveaux projets, Sylvain en a des tombereaux mais je ne peux rien en dire n’ayant pas encore réussi à lui piquer la combinaison de son coffre. De mon côté, je réfléchis à d’autres histoires à mettre en planches, mais comme je fais d’autres métiers à côté j’avance sans précipitation.

Yuio : Pour ma part, j’ai surtout repris des boulots d’illustrations et de communication en attendant de savoir si la suite de Frères de la Côte existera ou pas. J’ai donc quelques semaines encore de jeu avant, je l’espère, d’avoir un signe positif ou négatif. En coulisses, je continue à préparer la suite de « Pages d’un canard » que je publie à compte d’auteur.

Sceneario.com : Merci à vous, et bonne chance pour la suite, alors !

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