Interview

Interview de Byun Ki-Hyun et de Choi Kyu-Sok

Sceneario : Bonjour, et merci de bien vouloir nous recevoir pour cette interview. Avant tout, pourriez-vous s’il vous plaît vous présenter en quelques mots ?

Byun Ki-Hyun : Bonjour, j’ai 27 ans. Je suis coréen et j’habite Séoul. J’ai suivi des études de bande dessinée à l’université de Sangmyeong, en Corée. Ces études ont duré 4 ans. Au cours de cette période, j’ai produit différents travaux et plusieurs ont été primés, dont un au Japon. Ce n’est qu’après ce cursus universitaire que j’ai participé au projet "Nouilles Tchajang".

Choi Kyu-Sok : Bonjour, j’ai 28 ans et j’habite pour ma part dans une province du sud de la Corée. Comme Byun Ki-Hyun, c’est à l’université Sangmyeong que j’ai fait mes études de bande dessinée. C’est l’année où cette section s’est ouverte que l’on s’est inscrits : nous en étions donc les tout premiers élèves ! Dès l’âge de 21 ans, j’ai moi aussi travaillé et réalisé différentes histoires, différents récits. Plusieurs ont été publiés, soit dans des journaux, soit dans des magazines. Après mes études, j’ai donc aussi collaboré au projet "Nouilles Tchajang". C’est le premier album que nous publions.

Sceneario : Lorsqu’on parle de bande dessinée asiatique ici, en Europe, c’est avant tout aux mangas que l’on pense. Depuis peu, on entend de plus en plus parler des manhwa coréens. Comment ressentez-vous cet accueil du manhwa en France ?

Byun Ki-Hyun : En Corée, la bande dessinée est moins mise en valeur que les autres formes d’expression artistique, par exemple la littérature ou la peinture. Les grands journaux, la télévision ou les radio n’en parlent que très rarement. Même quand un auteur reçoit un prix, il n’y a personne pour en parler ou pour filmer ! En revanche, en arrivant ici en France, on se rend bien compte que la BD est très appréciée, que les media en relayent l’actualité, qu’il existe une presse spécialisée, et qu’elle n’est pas mise en retrait par rapport aux autres domaines artistiques. Nous avons eu l’occasion d’être reçus au salon de Bruxelles et c’est la première fois que nous sommes présents à Angoulême, mais nous avons quand même l’impression que nous sommes accueillis presque de manière exagérée tant cet accueil ne ressemble en rien à ce qu’il aurait pu être en Corée !

Sceneario : Connaissez-vous bien la BD européenne ? Y a-t-il des auteurs que vous appréciez tout particulièrement, et aimeriez-vous travailler avec des auteurs européens ?

Choi Kyu-Sok et Byun Ki-Hyun: Oui, nous connaissons bien sûr le travail de certains auteurs européens. J’aime beaucoup ce que font Enki Bilal, Moebius ou encore Yslaire, par exemple. Pendant notre séjour ici, nous avons eu l’occasion de discuter avec des scénaristes. Nous sommes certains que le rapprochement des deux cultures, européenne et asiatique, ne peut qu’aller dans le sens de créations très originales. Dans cette mesure, bien sûr que nous serions ravis de collaborer avec des interlocuteurs européens !

Sceneario : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre manière de travailler ? Votre actualité, c’est "Nouilles Tchajang". Or, il se trouve que tous deux, vous signez et le dessin et les couleurs. Racontez-nous un peu comment vous vous êtes partagé les tâches : lorsqu’on regarde les planches de votre album, on ne peut pas savoir forcément qui a fait quoi !

Choi Kyu-Sok : Lorsque nous avons terminé nos études de bande dessinée, il s’est trouvé qu’un grand éditeur coréen a voulu créer une nouvelle collection de manhwas littéraires. Nos professeurs nous ont invités à nous intéresser à ce projet, afin de voir s’il n’y avait pas quelque chose qui correspondrait à nos envies, à notre travail. L’éditeur nous a vite proposé plusieurs romans qu’il envisageait de faire adapter. Parmi différents romans, c’est ainsi Nouilles Tchajang, un roman de Ahn Do-Hyun, que nous avons choisi.

Nous avons discuté du découpage et avons élaboré ensemble la totalité des croquis. Puis nous avons choisi de nous partager la réalisation des chapitres. Par contre, il est ressorti que le style du dessin de Byun Ki-Hyun convenait mieux aux personnages, à l’histoire. Ainsi, pour ma part, j’ai adapté mon dessin de manière à ce qu’il s’inscrive dans la continuité de celui de Byun Ki-Hyun. Pour l’encrage et la couleur, Byun Ki-Hyun s’est occupé plus particulièrement des cases à personnages. Je me suis, moi, occupé des décors et des paysages.

Sceneario : C’est donc par rapport à ce que vous proposait votre éditeur que vous avez fait le choix de cette histoire. Mais, ce roman de Ahn Do-Hyun, "Nouilles Tchajang", a-t-il été un succès en Corée pour qu’il ait été pressenti comme bon à être adapté en BD ?

Choi Kyu-Sok et Byun Ki-Hyun : Un best-seller est un ouvrage qui se vend énormément mais dont le succès ne dure pas forcément. "Nouilles Tchajang" est en Corée un best-seller dont le succès, en plus d’avoir été au rendez-vous, dure !

Sceneario : Envisagez-vous de continuer dans cette voie de l’adaptation ou allez-vous développer vos propres univers ?

Choi Kyu-Sok : "Nouilles Tchajang" est en réalité un cas particulier. Il est né de cette opportunité qui s’est offerte à nous, et notre collaboration était naturelle dans la mesure où pendant nos études, c’est pendant deux ans que nous avons partagé une chambre d’étudiants !

Maintenant… Nous avons chacun notre propre manière de travailler, nous vivons lui à Séoul et moi en province : une autre collaboration n’est pas à l’ordre du jour !

En ce qui concerne la possibilité de travailler à nouveau à l’adaptation d’œuvres d’auteurs, ce n’est pas exclus, mais chacun travaille en ce moment sur des scénarii plus personnels.

Sceneario : En dessinant "Nouilles Tchajang", vous ne pensiez peut-être pas que vous alliez être publiés en Europe. Y a-t-il des choses, des codes, que le lecteur doit savoir de votre pays pour apprécier au mieux votre bande dessinée ? Le roman de Ahn Do-Hyun dépeint-il avec exactitude une réalité coréenne ou bien est-ce une fiction ?

Choi Kyu-Sok : "Nouilles Tchajang" traite de révoltes d’adolescents. Ca, c’est universel ! Ensuite, on trouve des choses qui sont sans doute plus spécifiques à la société et à la culture coréennes, comme la situation familiale du héros : son père l’adule et à côté de cela méprise totalement son épouse. Sa femme est en effet toujours très docile, très obéissante, elle ne mange pas à la même table qu’eux… Le père ira aussi au collège pour s’excuser platement du comportement de son fils devant son professeur d’art plastique. Ces choses-là, sans être typiquement coréennes, sont très fréquentes dans notre pays.

Sceneario : Quelles sont les libertés que vous avez pu prendre dans votre travail d’adaptation ?

Choi Kyu-Sok : Le roman d’Ahn Do-Hyun compte environ 120 pages. C’est beaucoup pour être résumé en un one-shot de bande dessinée. Il y a donc certaines parties que nous avons jugées moins intéressantes à faire figurer dans le manhwa et que nous avons donc supprimées. Pour certaines scènes aussi, nous avons dû traduire par le dessin les événements dans leur globalité sans pouvoir les détailler comme Ahn Do-Hyun le fait dans son roman. Nous n’avons pas eu besoin de demander sans arrêt à l’auteur ce qu’il pensait de notre travail. Nous avons pris toute liberté et ce n’est qu’une fois après avoir terminé que nous avons montré le résultat à Ahn Do-Hyun… qui en a été très satisfait !

Sceneario : Sur quels projets travaillez-vous aujourd’hui l’un et l’autre ?

Byun Ki-Hyun : Depuis la sortie de "Nouilles Tchajang", j’ai déjà publié un recueil de nouvelles et je travaille maintenant sur un projet de récit plus long, prévu en deux volumes. Sans être comparé à "Nouilles Tchajang", on peut dire de ce manhwa qu’il sera du style récit d’auteur. Il sortira en Corée à la fin de cette année.

Sceneario : En France aussi ?

Byun Ki-Hyun : Non, mais les pourparlers sont en cours actuellement !

Choi Kyu-Sok : Depuis la sortie de « Nouilles Tchajang », j’ai publié pour ma part deux recueils de nouvelles qui étaient parues dans des journaux et dans des magazines. Je travaille aussi actuellement sur un long récit (probablement en deux volumes également). Je collabore avec un scénariste coréen et nous en sommes actuellement à la finalisation du scénario. Bientôt, je commencerai la partie dessin !

Sceneario : Byun Ki-Hyun et Choi Kyu-Sok, nous vous souhaitons donc bon travail et du succès ! Et nous vous remercions pour le temps que vous avez bien voulu accorder à Sceneario.com.

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