Interview

Guillaume Griffon interview pour la sortie d’Apocalypse sur Carson City T2

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Sceneario.com : Bonjour, tu t’es fait connaître par « Billy Wild » qui a créé le buz lors de sa sortie en 2007.

G. Griffon : En effet, lors de sa sortie chez Akileos il n’y a pas eu beaucoup de communication. Ils ont un réseau interne assez développé et l’album a beaucoup plu à toutes les librairies indépendantes. Ca a pris trois quatre mois pour que le buz se mette en place par le bouche à oreil. Avec l’intégrale on doit être autour de seize mille exemplaires tout ça sans publicité.

Sceneario.com : C’est le succès de « Billy Wild » qui t’as donné envie de pousser l’expérience jusqu’à scénariser tes propres BD ?

G. Griffon : Pour moi c’est une véritable découverte et je suis super excité de réaliser le scénario, plus que de travailler avec un scénariste. Avec Céka sur « Billy Wild » ça s’est super bien passé. Sur le tome 2 il m’a laissé beaucoup de champ libre et j’ai pris pas mal de liberté par rapport à ce qu’il avait écrit. J’ai même rajouté plusieurs pages. Ce qui fait qu’à la fin je me sentais prêt à faire quelque chose tout seul, du moment que je connaissais l’univers dans lequel j’allais évoluer.
C’est pour ça que j’ai écrit « Apocalypse sur Carson City » avec des références à tout ce que je connaissais bien à savoir : les comics des années 50, les films des années 80 avec lesquels j’ai grandi, qui ne se prennent pas trop au sérieux, très pop corn, les séries B, des dialogues à l’humour un peu cinique, noir ; voilà. J’ai fait le choix d’un scénario assez simple mais efficace avec tout un tas de petits clins d’oeils.

Sceneario.com : Tu as fixé combien de tomes pour parfaire ton expérience scénaristique ?

G. Griffon : Il y aura 5 tomes.

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Sceneario.com : Les scènes sont particulièrement travaillées graphiquement, on se passerait presque du texte.

G. Griffon : A la base je suis illustrateur. Je suis venu à la BD parce que j’avais envie de raconter des histoires. J’ai gardé mon graphisme qui n’est pas forcément adapté à la BD car contenant beaucoup de détails et plus prévu pour des illustrations immenses. Souvent cela donne des planches surchargées, mais c’est aussi quelque part ce qui fait l’originalité de l’album.
Il est vrai que je pourrais presque faire une BD sans texte. Je suis très mime, c’est vraiment le texte par le mouvement avec beaucoup d’exagération dans le dessin qui m’intéresse.

Sceneario.com : Comment es-tu arrivé à ce style de graphisme très caricatural ?

G. Griffon : C’est vrai c’est bizarre et même moi je ne sais pas trop car au départ je suis peintre illustrateur. Le travail que je réalisais à l’époque était déjà très proche de mon travail d’aujourd’hui en noir et blanc : beaucoup de détails, très sombre etc. Un moment j’ai eu envie de passer à autre chose et en cherchant une technique je suis parti sur le stylo bille tout en achures, un petit peu dans le style de Berni Wrightson des années 50. Ensuite je suis passé à l’encrage numérique. Je réalise un premier crayonné plus ou moins poussé un peu comme pour les dédicaces. Et ensuite je rajoute les détails et l’encrage à l’ordinateur.

Sceneario.com : Mais tu fais une étude de personnages avant de passer à la caricature ?

G. Griffon : Non non les personnages sortent tels quels, directement déformés. Au niveau des tronches il y en a deux ou trois qui sont gratinées dans « Apocalypse ». Dans « Billy Wild » ils étaient tous affreux parce que c’était le temps des cow-boys. Dans « Apocalypse » les personnages sont plus déformés mais pas forcément moches. Ce sont surtout les corps qui subissent le plus de déformation au point d’en être difformes. Je voulais une histoire plus réaliste que dans « Billy Wild » mais avec des personnages un peu cartoon. Des mecs méchants mais qui soient un peu ridicules.

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Sceneario.com : Il semble que très peu des personnages vont survivre à l’aventure. Tu en as donc mis un maximum dès le début de l’histoire c’est bien ça ?

G. Griffon : Au début j’avais quand même la trame des cinq tomes. J’avais besoin d’un certains nombre de personnages qui seraient remplacés par d’autres au fur et à mesure de leur disparation. Finalement je m’attache pratiquement à tous les personnages et j’ai du mal à les tuer. Mais ce ne sont pas nécessairement des personnages importants par rapport à la trame de l’histoire qui est de suivre les gangsters.

Sceneario.com : On sent que tu t’amuses énormément dans la manière de raconter l’histoire, sans doute une des raisons pour lesquelles le lecteur s’amuse lui-même autant en découvrant ton travail.

G. Griffon : Oui en scénarisant je m’amuse et j’espère bien le communiquer au lecteur. Ce n’était pas vraiment gagné au départ. Moi ça m’amuse, mes amis aussi mais on a un peu les mêmes références. Mais lorsque j’ai parlé du projet à Akiléos, ils ont lu juste cinq pages et on a signé alors que je n’avais même pas l’histoire.

Sceneario.com : Après « Billy Wild » je me demandais un peu comment tu pourrais utiliser ton style de dessin pour un autre genre d’histoire. Avec Apocalypse tu fais carrément fort. Tu as d’autres idées de la même veine en stand by ?

G. Griffon : J’ai travaillé sur un western, maintenant je fais Apocalypse. Je ne sais pas trop ce que je ferai après même si j’ai déjà plusieurs idées. J’aime bien changer d’univers mais ça restera dans le même style.

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Sceneario.com : Faire de l’humour avec des zombies faut quand même y aller ! (rires)

G. Griffon : C’est vrai que dans les années 80 ce genre d’histoire était traité plutôt avec sérieux. Récemment dans l’actualité cinématographique on a vu sortir « Zombieland », « Shaun of the dead »qui sont des pastiches. J’avais eu l’idée un petit peu avant que ça sorte et je suis tombé dans la mode, tant mieux ou tant pis je ne sais pas.

Sceneario.com : Comment crées-tu tes personnages, tu les penses pour l’histoire ou tu construis l’histoire autour de personnages centraux ?

G. Griffon : Je les pense pour l’histoire. En fait j’ai pris tous les clichés et les poncifs du genre : je regarde beaucoup de films fantastiques et de séries B. Pour « Carson City » il me fallait une ville qui existe vraiment. Elle devait être américaine, proche du Névada du fait de la « zone 51 » et avec un lac. Il n’y avait pas des milliers de possibilités. En plus, c’est un petit détail mais, pour le lac il s’agit du « Crystal Lake » petite référence fortuite à « Vendredi 13 ». Bref je voulais quelque chose de réaliste.

Sceneario.com : Il y a des tonnes de clins d’oeils et de références qui peuvent échapper au lecteur. Mais cela ne constitue pas pour autant un obstacle à la compréhension de la BD, je dirais même au contraire…

G. Griffon : Oui oui il y en a plein à tel point que j’en oublie même certaines. Pour le lecteur averti qui les repère c’est sympa, disons que c’est le truc en plus.

Sceneario.com : On a l’impression que l’histoire part dans tous les sens mais tu as quand même défini une trame ?

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G. Griffon : Je sais comment tout ça se termine. Après si l’histoire se vend super bien je peux faire six tomes. Mais mon but n’est pas de faire des séries fleuves. Je pense qu’au bout de cinq tomes j’en aurai ma claque de « Carson City ». Si ça marche vraiment bien, comme c’est scénarisé approximativement et que parfois j’aime bien ralonger certains passages, il y en aura peut-être six mais pas plus. Et ce sera plutôt parce que j’aurai envie de développer un point qui me tient à coeur et qui justifiera de faire un tome supplémentaire.

Sceneario.com : Un tome de plus pour un développement ! (rires)

G. Griffon : (Rires) Ben oui pour moi déjà le mec qui ouvre un porte ça me prend une page (rires). Il y a le zoom sur la main, la porte qui s’ouvre avec pas mal de plans, voilà (rires).
D’ailleurs ça m’énerve d’être aussi long. J’aimerais bien être plus rapide pour certaines scènes.
C’est peut-être ça le défaut de scénariser moi-même. En raccourcissant certains passages moins importants, je prendrais peut-être plus de pèche en consacrant plus de pages sur des sujets plus primordiaux. Pour le moment c’est un aspect sur lequel je n’ai pas encore de recule.

Sceneario.com : L’histoire globale est constituée d’une multitudes de petites histoires qui finissent par se rejoindre ce qui permet au lecteur de reconstituer le puzzle au fil de l’eau. Il y a ainsi plusieurs étapes de lecture ce qui est assez amusant.

G. Griffon : C’est tout à fait ça, par contre je ne sais pas si j’ai réussi mon coup. Ce que je voudrais c’est que par le biais de ces petites histoires on s’attache à certains personnages et que l’on puisse voir ces histoires comme des mini-BD dans la BD. Comme dans le tome 2 lorsque j’introduis le groupe de jeunes dans le cimetière. J’ai envie que chaque personnage prenne son importance et qu’il ne soit pas oublié.

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Sceneario.com : Disons qu’ils prennent forcément leur importance quand on voit ce qui leur arrive (rires).

G. Griffon : Et puis tous ces personnages et ces petites histoires sont forcément liés par la trame des zombies.

Sceneario.com : Ca en fait des idées à trouver pour se renouveler sur chaque album. Ne serait-ce que pour toutes les pointes d’humour qui ponctuent l’histoire à une candence infernale !

G. Griffon : Je pense, disons j’espère que les autres tomes seront dans la même veine. A partir du tome 3 on va commencer à se recentrer sur des groupes de personnages.
C’est vrai qu’ils sont tous un peu mal partis, mais il va en rester tout de même (rires). En plus il y a des personnages du tome 1 qui ne sont pas dans le 2 et qui vont revenir. J’ai pris le temps d’introduire progressivement les différents acteurs. On n’est pas obligé de les retrouver dans tous les albums.

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Sceneario.com : Il y aura de nouveaux personnages ?

G. Griffon : Disons que le processus va se ralentir. Quand j’ajoute un personnage je suis obligé de faire une quinzaine de pages sur lui. C’est tout de suite moins de scénario pour les autres histoires que l’on a commencé. Si je devais continuer comme ça on partirait pour une vingtaine de tomes (rires).

Sceneario.com : Tu pourrais faire vivre ces personnages en parallèle dans d’autres BD par exemples.

G. Griffon : Tout à fait, c’est même déjà prévu. Il peut y avoir des séries dérivées de « Carson City » avec certains des personnages qui survivront. Je n’en dis pas plus car je n’en sais pas plus (rires).

Sceneario.com : J’avais vu il y a quelque temps que la BD n’occupait pas 100% de ton temps d’un point de vue professionnel ?

G. Griffon : Je me suis vraiment lancé dans la BD il y neuf mois au tout début de « Carson City ». Avant pour tout ce qui était « Billy Wild » je travaillais en même temps dans le textile. Je m’occupais de tout ce qui était communication dans l’entreprise, publicité et j’ai même travaillé sur des collections pour homme. Ca n’avait pas grand chose à voir avec la BD et au bout d’un moment ça a bloqué. Avec le buz de « Billy Wild » j’ai décidé de tenter le coup côté bande dessinée. Ce qui permet de sortir un album tous les 8/9 mois !

Sceneario.com : Tu disais que la couleur ne serait pas adaptée à ton travail. Pourtant la couverture de Carson City rend plutôt bien je trouve ?

G. Griffon : Je ne suis pas sûr que ça marcherait. Là c’est de l’illustration pleine page. Avec beaucoup de cases ça perdrait en lisibilité. Pour ajouter de la couleur il faudrait que je change mon dessin, que je mette beaucoup moins de détails sans parler d’être comme Mignola. Entre ce que je fais et Mignola il y aurait peut-être un juste milieu à trouver. Par contre la couleur n’apporterait rien à mon style actuel.

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Sceneario.com : Tu as commencé à réfléchir à d’autres univers ?

G. Griffon : Oui, toujours avec mon style je serais bien parti sur des univers dans le style no man’s land, un peu à la « Mad Max ». Je ne suis pas du tout inspiré par la science fiction. Par contre l’heroic fantasy me tente assez, dans le style Frazetta, « Conan le Barbare », des univers très noirs, genre dark fantasy. J’essaie, tout en gardant mon univers, de sortir des sentiers battus. Ce qui est difficile car tout a déjà été fait.

Sceneario.com : De belles choses en perspectives ! En attendant ton prochain tome est prévu pour ?

G. Griffon : Disons que je l’aurai terminé pour mai si tout se passe bien.

Sceneario.com : Merci beaucoup pour cette entrevue. Et rendez-vous est pris pour dans 9 mois.

G. Griffon : Merci à toi.

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