Interview

Guillaume Bianco, auteur de Billy Brouillard

Sceneario.com : Bonjour Guillaume Bianco ! Pourriez-vous avant tout vous présenter et nous rappeler votre parcours artistique ?

Guillaume Bianco : "Parcours Artistique" ? En ce qui me concerne, et sans fausse modestie aucune, le terme me dérange un peu… Je pense sincèrement ne pas être un "artiste"… Picasso, Van Gogh en étaient… Moi pas… En revanche, je sais m’arranger avec les choses que je sais ou non dessiner, ce qui m’intéresse c’est de transmettre les émotions que j’éprouve… Rien de plus… Mon parcours "non artistique", donc, se résume à un bac d’arts plastiques, où l’ on n’apprend pas grand chose, je crois… En tout cas, pas à devenir artiste… Par la suite, j’ai fait des études de langues orientales et voulais enseigner le Français en Asie… Puis j’ai croisé la route de Didier Tarquin et de Christophe Arleston et je me suis retrouvé à faire l’imbécile au studio Gottferdom (la rédaction de Lanfeust Mag), jusqu’à ce qu’Arleston me demande de faire une page pour le magazine… (sous la menace de son gros poing !) Puis tout s’est enchaîné… Mourad Boudjellal a publié mes premières pages et je me suis retrouvé chez Soleil, un peu par hasard… En tout cas, sans jamais avoir réellement fait de démarche pour…

Sceneario.com : Comment vous est venue l’idée de cette bande dessinée, Billy Brouillard, et de son thème ? Y a-t-il derrière tout cela de mauvais souvenirs ou bien êtes-vous finalement de ceux qui trahissez l’enfant que vous étiez en rigolant aujourd’hui de vos peurs enfantines ?

Guillaume Bianco : Je voulais faire quelque chose qui me ressemble intimement, dans le fond et dans la forme… Je souffrais énormément sur Will ou Krash Monster, je n’arrivais pas à lâcher mon trait, à me débrider. Je ne parvenais pas à être pleinement moi-même… Billy Brouillard et toute sa petite faune sont nés sur le coin d’une feuille de brouillon, la nuit, entre deux planches de Will… C’était des dessins spontanés et naturels, "plus vrais", dirons-nous… Ca me faisait un bien fou… Ca me libérait… C’est Barbara Canepa qui un jour les a récupérés au fond de ma poubelle et qui m’a dit : "Pourquoi ne dessines-tu pas comme ça ? C’est plus toi !" Je ne savais pas qu’on "avait le droit"de dessiner avec un encrage tremblotant, je ne savais pas qu’on avait le droit de dépasser en coloriant… J’ai été surpris du retour positif de mes copains… Petit à petit, toujours incité par Barbara, je suis allé dans cette direction… Je me sentais de nouveau bien en dessinant, j’étais enfin moi-même…

Sceneario.com : Comment considérez-vous cette BD Billy Brouillard : classeriez-vous cet ouvrage comme ouvrage humoristique ou… thérapeutique ?!!

Guillaume Bianco : Pour moi il a été thérapeutique… Dans le sens où il m’a fait du bien… Puis nous l’avons proposé aux lecteurs : c’est aux gens qui me font le plaisir de me lire qu’il faudrait donc poser la question… Au vu des retours très positifs que je reçois chaque jour, je crois qu’il a fait du bien à quelques personnes, petites et grandes. Rien ne peut me faire plus plaisir…

Sceneario.com : Billy Brouillard aurait-il pu être une fille ?

Guillaume Bianco : Si il était né dans une rose plutôt que dans une mandragore, certainement… Mais ce n’est pas le cas… Billy Brouillard représente une partie de moi enfant…

Sceneario.com : Vous utilisez différents styles narratifs au long de votre livre. Avez-vous une préférence pour l’un ou pour l’autre ?

Guillaume Bianco : J’aime la poésie, les bestiaires, le roman, la BD, les coupures de presse facon 19ème… C’est un tout, un ensemble. J’aime un univers et pas un média en particulier… J’ai toujours trouvé stupide d’aimer un art pour un art… Je n’aime pas en particulier la BD pour ce qu’elle est, ni le cinéma, ni le théatre… Ce ne sont ni plus ni moins que des formes narratives… J’aime ce qu’elles peuvent proposer, ce qu’elles peuvent raconter… L’émotion qu’elles peuvent transmettre et non le support technique inhérent à la pratique de cet art en lui-même… (Merde on se croirait chez Bernard Pivot… Je ne sais pas si je suis clair !) En bref… Je n’aime pas une forme narrative en particulier : j’aime l’émotion qu’elle permet de communiquer…

Sceneario.com : Avez-vous réalisé Billy Brouillard en faisant par exemple toutes les pages de journaux d’abord, toutes les pages des carnets de Billy ensuite, etc… ou avez-vous dans l’ensemble respecté l’ordre des pages telles qu’elles sont agencées ?

Guillaume Bianco : Ca a été très chaotique… Je crois que j’ai fait tout ça de manière très spontanée et naturelle, sans idée bien précise au départ… Etant souvent en proie au doute, je me suis simplement laissé guider. Puis les personnages et la trame se sont imposés tout seuls au fil du temps… Au trois quarts du livre, j’ai essayé de rendre ce doux bordel cohérent, lisible et accessible, en enlevant ou en ajoutant des poèmes, des pages de journaux, etc….

Sceneario.com : On observe un très fin travail dans les pages en noir et blanc, notamment dans ces fonds, ces arrière-plans où tout est noirci avec plein de petits traits. En combien de temps réalisez-vous une planche comme cela ? Et combien de temps Billy Brouillard vous a-t-il demandé ?

Guillaume Bianco : Je ne saurai pas vous répondre ! Ca dépend de tellement de choses… Certaines images demandent du temps, d’autre moins… Ca dépend de mon état d’esprit, également… Je ne sais pas… J’ai commencé Billy Brouillard il y a 3 ans… Suite à l’enthousiasme qu’avait suscité une exposition de portraits à l’aquarelle sur l’univers de Billy Brouillard… C’était à la Gallery Lilly Pink à Aix en provence… (Qui n’existe hélas plus aujourd’hui) J’en profite d’ailleurs pour lui rendre ici hommage. Trois ans donc, mais je faisais ça a mon rythme, en "dilettante"… Entre temps, j’ai terminé un album de Will, fait un album de Hot Dog, et scénarisé Ernest et Rebecca qui est dessiné par Antonello Dalena pour Le Lombard. Donc, en temps effectif, c’est un peu flou… Je ne sais pas trop répondre à ce genre de question… Je suis désolé…

Sceneario.com : Y a-t-il d’autres styles dans lesquels vous êtes à l’aise mis à part celui de Will ou des Krashmonsters ?

Guillaume Bianco : Non… Je suis , graphiquement vraiment à l’aise sur Billy Brouillard… Cela me vient facilement. Will me demandait beaucoup plus d’efforts finalement !!!

Sceneario.com : Préférez-vous travailler seul ou en collaboration ?

Guillaume Bianco : Mieux vaut être seul que mal accompagné ! Ceci dit, je suis très bien accompagné par Antonello Dalena, et par Jeremie Almanza, le dessinateur d’Eco (prochain projet dans la collectin Métamorphose)… C’est bien aussi de bosser avec quelqu’un : cela rend moins égoïste de faire un enfant à deux… Il nous ressemble un peu, mais pas totalement… La fusion est enrichissante… J’aime bien écrire des histoires et les voir se dessiner toute seules… Je préfère jouer au scénariste plutôt qu’au dessinateur… C’est plus facile et moins contraignant… J’aimerais n’être que scénariste en fait, et me garder mon Billy Brouillard dans un coin pour me défouler graphiquement de temps en temps… Dessiner 24 heures sur 24, c’est trop éprouvant pour moi… On s’abîme les yeux, on se fait mal au dos, et on a les fesses qui deviennent molles… Un scénariste peut bosser dans un bistrot sans avoir peur de renverser sa bière sur sa planche… Un scénariste peut écrire un chef d’œuvre au dos d’un dessous de verre avec un stylo Bic qui coule, ça n’entâchera pas la qualité de son texte !

Sceneario.com : Etait-ce couru d’avance que Billy Brouillard puisse paraître aux éditions Soleil ? (Car on ne peut pas dire qu’ils avaient jusque là un catalogue où Billy Brouillard trouverait naturellement sa place !) Alors, comment ça s’est passé ? Aviez-vous proposé votre projet à d’autres éditeurs ? Des éditeurs "plus petits" ? Parlez-nous de la genèse de la collection Métamorphose…

Guillaume Bianco : Non… Je ne l’ai jamais proposé ailleurs… Mais je voulais le faire au départ, étant bien conscient qu’alors, Soleil n’avait pas l’espace nécessaire pour ce genre d’univers… C’est Jean Wacquet qui m’a convaincu de rester chez Soleil en me disant simplement : "Tu as carte blanche… Fais ce que tu veux et prends le temps que tu veux…" Personne d’autre ne m’aurait accordé ce luxe… Billy Brouillard serait de toute façon né, mais le livre n’aurait pas cet aspect… Parallèlement, Barbara Canepa et Clotilde Vu ont décidé de créer Métamorphose… Ce désir est parti d’un constat… Des histoires qui font peur et rêver à la fois, des contes noirs et poétiques aux accents d’aventures romantiques et effrayantes, on en trouve de très bonne qualité au cinéma, en littérature, dans les jeux vidéos… Mais pas en bandes dessinées… Barbara et Clotilde ont donc décidé de s’y mettre ! Et ça n’est pas facile semble -t-il… Mais je pense sincèrement qu’au bout d’un an, la collection commencera à prendre forme et deviendra quelque chose de grand. J’aime l’idée que cette collection soit dirigée par deux femmes d’une grande sensibilité, et de talent qui plus est… Elles m’ont donc proposé d’y inclure Billy brouillard… J’ai sauté à pieds joints dans l’aventure ! Je pense que c’est bien de démontrer qu’une maison comme Soleil est capable d’ouverture et de diversité… Je les remercie de m’avoir laissé m’exprimer…

Sceneario.com : Quels sont vos autres projets BD ? Ceux en cours, et ceux auxquels vous rêvez ?

Guillaume Bianco : Je finis actuellement d’écrire le tome 2 d’Ernest et Rebecca aux éditions du Lombard… Le premier tome a bien marché et a même été présélectionné à Angoulème dans la catégorie jeunesse… Nous travaillons également avec Jérémie Almanza au premier Opus de Eco qui sortira au mois d’avril dans la collection Métamorphose… Ce sera un petit livre illustré, un hommage aux contes de Grimm, quelque chose d’assez particulier, tendre et parfois très cruel, sur la transformation d’une petite fille en adolescente… On vous en reparlera très bientôt ! Je dois faire le tome 2 de Hot Dog, aussi, sinon les lecteurs du tome 1 vont me lyncher ! (il était prévu pour la fin de l’année… Argh!!!) J’ai écrit un petit conte façon Edward Gorey pour la fantastique Ciou… (une artiste très connue dans le milieu du nouveau "Pop art surréaliste") Ce livre sera vendu avec une figurine de l’héroine… Ca s’appellera "Chat Siamois" et ça racontera les déboires de Hyacinte, une petite fille ayant des serpents en guise de cheveux ! Tout un programme… Cet ouvrage inaugurera un tout nouveau label international, "Venusdea", toujours sous la direction de Barbara Canepa… Pour finir, j’aimerais m’atteler à la réalisation d’un ouvrage plus modeste concernant Billy Brouillard… Une suite au premier… Un livre de contes inventés par Billy pour effrayer sa petite sœur durant la veillée de Noël… Je crois que ça s’appellera "Le petit garçon qui ne croyait plus au Père Noël", mais tout peut encore changer…

Sceneario.com : Ah… Et… Dernière chose… Vous dédiez votre album Billy Brouillard à votre sœur et avez fait apparaître les petites sœurs dans vos "bestiaires" de monstres, vampires et autres nuisibles ( !!!) Un petit mot là-dessus ?

Guillaume Bianco : Oui cet album est dédié ma sœur… Elle va bien , je vous rassure ! J’avais besoin de lui dire des petites choses, de lui expliquer que toutes ces petites misères que je lui ai faites durant notre enfance ne sont que de maladroits et pudiques "Je t’aime"…

Sceneario.com : Waouh ! Elle appréciera, c’est sûr ! Merci en tout cas pour le temps que vous avez pris à répondre à ces quelques questions ! Et bonne continuation dans vos différents projets, alors. A bientôt !

Guillaume Bianco : Merci à vous ….

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