Interview

Gilles Dal

Sceneario.com : Gilles Dal bonjour, pourriez vous nous raconter votre parcours et comment vous êtes arrivé a la bande dessinée ?

[couverture
300 millions d'amis]

Gilles Dal : Bonjour ! Je suis historien de formation (j’ai fait ma licence à l’ULB et mon doctorat à Paris I Sorbonne). Par une suite de hasards successifs, je me suis retrouvé à participer au « Jeu des dictionnaires » et à « La Semaine infernale », deux émissions humoristiques diffusées sur La Première (RTBF), pour lesquelles j’ai écrit de nombreux sketches. Et je ne sais plus bien comment ça s’est mis, mais on s’est dit avec Fred Jannin qu’il pourrait être amusant d’adapter certains de ces sketches en BD. C’est comme ça que nous avons conçu notre première BD,  Malaise vagal .

Sceneario.com : Comment vous êtes vous rencontrés avec votre complice Fred Jannin ?

Gilles Dal : Par une amie commune. Nous nous sommes parfaitement entendus à la seconde : ce fut comme un « coup de foudre amical », qui depuis lors ne s’est jamais démenti !

Sceneario.com : Vous multipliez les exercices d’écriture, journaux, radio,télévision, adaptation de vos sketchs radio en Bande dessinée, d’où vient cette boulimie d’écriture ?

Gilles Dal : Une chose en entraîne une autre, en fait : c’est un mélange subtil de hasard et d’envies. Mais la diversité des styles me plaît énormément, c’est une gymnastique très stimulante.

Sceneario.com : Vous êtes un historien du monde contemporain vous avez publié des ouvrages comme La sécurité sociale à ses débuts, réactions suscitées arguments échangés , qui n’est pas un ouvrage portant à sourire, pourquoi avez-vous choisi le créneau de l’humour pour vous exprimer en BD ?

Gilles Dal : Parce que c’est bien plus amusant à faire !

Sceneario.com : Malaise Vagal paru l’an passé chez Fluide Glacial était un album de strips aéré et vivant, dans 300 millions d’amis ces strips qui donnent de la saveur à l’album ne représentent plus qu’une petite partie des 48 pages et sont écrasés entre les fausses pages face book, pourquoi ce choix ?

[Planche face book]

Gilles Dal : Parce que Facebook est le thème de l’album, et que comme Facebook est une somme de pages virtuelles, il nous a semblé judicieux de reproduire de fausses pages virtuelles. C’était en outre, à nos yeux, une manière de sortir des canons traditionnels de la BD, de tenter de nouvelles pistes, d’expérimenter. Par ailleurs, concevoir les fausses pages de personnages célèbres, ou décédés, nous apparaissait comme un bon moyen de démystifier ces personnages… sans autre prétention que de faire rire, évidemment : il n’y a pas de message particulier !

Sceneario.com : Qu’est-ce que représente Face book pour vous ?

Gilles Dal : Un instrument amusant, dont je me demande chaque jour pourquoi on en parle tant. Même si j’ai bien conscience du paradoxe de mon interrogation, puisque je contribue moi-même -modestement- à ce qu’on en parle, en sortant cette BD ! Il n’empêche : Faceook n’est pas une révolution, c’est juste un instrument sympathique et convivial. Je ne partage pas les craintes de ceux qui hurlent au syndrome « Big Brother » : on n’y met que ce qu’on veut bien y mettre, et si on regrette d’avoir mis une info trop indiscrète, on peut toujours la supprimer. Je sais bien que certains expliqueront que les archives sont conservées pour toujours, mais ne soyons pas paranoïaques : nous sommes des centaines de millions à être inscrits sur Facebook ; nous ne sommes pas tous, un par un, des cibles fascinantes !

Sceneario.com : Les personnages que vous représentez dans l’album sont d’une tristesse intellectuelle affligeante, mais sont ils réellement représentatifs du réseau ?

Gilles Dal : C’est un parti-pris que j’assume complètement, car si Facebook présente indéniablement des avantages multiples, rendre compte de ses aspects positifs dans la BD n’aurait selon moi présenté aucun intérêt : le résultat aurait été fade, et mièvre ! Il y a de la mauvaise foi, bien évidemment, dans ce parti-pris, mais qui a dit que l’humour devait être « objectif », « rigoureux » ? Ça n’aurait pas de sens !

Sceneario.com : Votre album n’est pas une dénonciation de face book mais de l’usage qu’en font une frange des utilisateurs. Ce que l’on appelle le plus grand réseau social du monde n’est il pas globalement le reflet de notre société ?

Gilles Dal : Je ne pense pas : des gens y mettent des photos, des vidéos, échangent quelques phrases… cela ne va pas beaucoup plus loin. Si, dans plusieurs siècles, des extra-terresttres trouvaient comme seule trace du passage de l’homme sur terre une série de pages Facebook, ils n’auraient pas de notre Humanité une idée fidèle et précise.

[strip face book]

Sceneario.com : L’album est basé sur l’observation du comportement des internautes sur face book, depuis la parution, y avez-vous encore des amis ? (:°

Gilles Dal : Mais bien entendu ! Et la plupart ont beaucoup aimé. Ils ont bien compris qu’il s’agissait de caricature. De toute manière, puisque nous sommes nous aussi, Fred Jannin et moi-même, inscrits sur Facebook, nous nous incluons bien évidemment dans ceux dont nous nous moquons… Par ailleurs, aucun des personnages présentés dans l’album n’est un sale type : dans le pire des cas, ce qu’ils racontent ne présente aucun intérêt! Et le défi était de rendre compte de ce manque d’intérêt sans manquer d’intérêt nous-mêmes. Un équilibre difficile à obtenir, puisque rendre compte d’une certaine indigence peut facilement passer pour de l’indigence en soi. Mais ce qui me blesserait, ce serait que l’humour que nous avons développé dans cet album, qui se veut un humour d’observation caustique, soit pris au premier degré, et que la platitude des dialogues, des groupes et des statuts, qui se veut une platitude « d’observation », passe pour de la platitude « tout court ». En d’autres termes, ce qui me blesserait, ce serait que notre humour, qui rend compte d’une réalité souvent indigente, passe lui-même pour indigent. Car précisément, c’est à cette indigence que nous nous attaquons.

Sceneario.com : Merci beaucoup pour le temps que vous nou avez accordé.

Gilles Dal : Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer.

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