Interview

Georges Abolin

Sceneario.com : Peux-tu nous parler un peu de toi ? Moi je t’ai découvert avec Où le regard ne porte pas, mais il y a eu des choses avant et des choses après…
Georges Abolin : Oui d’abord Où le regard ne porte pas est une collaboration avec Olivier Pont, qui est un ami depuis la classe de CM2, et avec qui je dessine des BD depuis cette époque. Je me rapelle, à l’époque, c’était monsieur Rocher à qui on montrait nos BD, qui les affichait sur la porte d’entrée, et lorsqu’un élève de la classe avait terminé un travail, ou avait une bonne note, monsieur Rocher disait « Tu peux aller lire les BDs de Georges et Olivier ».

Sceneario.com : Tu les as encore ces BDs là ?
Georges Abolin : C’est monsieur Rocher qui doit les avoir, mais je ne pense pas qu’on puisse en sortir un album. (Rires)
En fait, mon histoire BD est très liée a Olivier. On c’est très vite intéressé au dessin animé. Moi j’avais une caméra super 8, j’ai commencé à filmer un peu. J’ai ensuite vu que je pouvais faire du image par image, ça m’a immédiatement plu. On a participé ensemble à un concours qui s’appelait anima 2, et on est passé à la télé dans Récré A 2, avec un dessin animé qu’on avait appelé Hercule et la biche au pied d’érin. Puis on a eu vraiment envie de faire du dessin animé. On participait à un fanzine où nos BDs sortaient. Mais on voulait devenir les Walt Disney de l’époque. On est allé dans une école de dessin à Paris, puis on a filé à Londres où on était co-locataires. Olivier était vraiment à fond dans le trip.
Il y a eu un concours BD Fnac, je ne sais pas si il existe encore, et on a participé tous les deux. On était très prétentieux et on était sûr de gagner. Du coup comme dans le règlement c’était un gagnant par Fnac à aller à Paris en finale, on a déposé nous travaux dans deux Fnac différentes pour ne pas se concurrencer dès le début. Olivier a gagné les 20 000 balles de prix, et moi je n’ai même pas été sélectionné. Lors de la remise du prix c’est Guy Delcourt, il me semble, qui a remis le prix à Olivier, et qui lui a proposé de regarder ses travaux, et alors on a travaillé sur le scénario Kucek. Ce n’est pas Delcourt qui a pris, mais Vents d’Ouest. Ca n’a pas énormément marché, mais Olivier a continué son chemin dans ce milieu. Pendant ce temps, j’étais resté à Londres, toujours à faire l’animateur dessin animé. J’ai postulé pour un studio Disney en Australie, où j’en ai bien profité pendant deux ans. Je suis revenu sur Paris, à l’appel d’Olivier, on a travaillé sur Les Petits Rêveurs.
On devait travailler sur Arthur et les Pirates tome 2 qui a capoté, car l’animateur arrivait à la TV et ne voulait pas trop que son image soit trop associée à cette BD. J’ai travaillé sur l’animation de l’émission « Les enfants de la TV », c’est moi qui ai fait le Bébé avec les grosses lunettes bleues.
Ayant besoin d’argent je comptais retourner en Australie, car la BD ça ne marchait vraiment pas, mais je suis resté sur Paris à cause d’une histoire d’amour. Je suis allé chez Disney à Montreuil. J’ai travaillé sur Le Bossu de Notre Dame, Hercule, Tarzan. Puis on a travaillé avec Olivier sur Total Maîtrise. Comme Vents d’Ouest nous l’a pris, je me suis payé une année sabbatique, et je suis parti en Martinique un an , me disant que j’allais travailler sur le tome 2. Je n’ai fait que 6 pages… Je suis donc revenu en France, pour refaire de l’animation, et travailler en parallèle Total Maitrise 2.
Olivier, lui, est venu me voir parce qu’il avait envie de travailler sur quelque chose d’un peu plus ambitieux. Il avait envie de dessiner des trucs de bord de mer, et d’y ajouter une pointe de fantastique, et on est arrivé à Où le regard ne porte pas.

Sceneario.com : Comment fait-on pour passer de Où le regard ne porte pas à Totale maitrise , et vis versa ?
Georges Abolin : Totale maitrise est une envie personnelle de me dégourdir la main en dessinant des gros nez et en faisant de l’humour potache. C’est un univers très drague, de rateaux… On est assez déconneur et du coup ça nous a plu de faire ça. Pour « le regard » on avait envie de faire quelque chose de vraiment plus sérieux. On a eu de la chance car on était soutenu par Laurent Galmaud le directeur de collection de l’époque chez Vents d’Ouest, car Vents d’Ouest ne croyait pas à ce projet fou de 100 pages d’un coup. C’était pas évident de miser dessus. Il y avait Le Téméraire, une boite d’édition disparue depuis, et Laurent qui y croyaient. Le Téméraire a fait faillite, on a présenté le projet à Dargaud, et Guy Vidal a immédiatement aimé le projet. Mais il nous a dit… on ne publie pas le premier si tu n’as pas terminé le deuxième. Voilà pourquoi les deux albums sont parus très près l’un de l’autre.

Sceneario.com : Ces parutions très rapprochées ont été plutôt agréable pour les lecteurs. C’est d’ailleurs une série qui a plutôt bien marché, non ?
Georges Abolin : On avait l’habitude de ne pas trop décoller… avec 4000 ou 5000 exemplaires. Et avec « Le Regard » on ne savait pas trop où on allait. Avec deux albums de 100 pages quand il n’y a pas écrit Loisel ou Moëbius dessus on est sûr de rien. Editorialement, Dargaud avait proposé de faire en 4 fois 50 pages, alors que pour nous, il s’agissait d’une histoire en deux tomes car avec deux époques très distinctes. Notre argument était de dire, c’est un album cadeau, car très joli et gros. Dargaud a suivi… mais ce n’était pas gagné. Je me souviens que pour la sortie en janvier 2004, on était sur le stand de l’éditeur, dans un coin où on peut boire un coup, comme ici par exemple, et il y avait le gars qui s’occupe de tout ce qui est chiffre chez Dargaud (pardon, je ne me souviens plus de son nom) et il est venu vers nous en disant « Wahoo, c’est la plus grosse vente sur le stand là, je pense qu’on va en retirer 30 000 d’un coup là. » Et moi j’ai regardé Olivier, en lui disant que ce gars devait être complètement bourré… Et en fait c’était vrai, le premier tirage a été de 12 000, le deuxième de 30 000, qu’on a d’ailleurs largement dépassé depuis.

Sceneario.com : Est ce que ça veut dire que vous allez vous relancer dans ce type d’histoire ?
Georges Abolin : En tout cas pour Olivier, c’est non, car en ce moment il c’est dirigé vers la prise directe, il fait du cinéma, et a réalisé un court métrage qui s’appelle « La petite flamme ». Avec une vraie maison de production. En septembre il vient de terminer un autre court métrage, où je suis figurant, qui est « Manon sur le bitume » avec Luna Production. Il est donc à fond dans le ciné.

Sceneario.com : On verra alors peut être Où le regard ne porte pas au cinéma ?
Georges Abolin : Peut-être. On dit ça sur le ton de la boutade, mais en plus je trouve que c’est une histoire qui marcherait au cinéma. Le fait qu’Olivier ait voulu faire un 100 pages, c’est aussi parce qu’il souhaitait s’étaler dans la narration.

Sceneario.com : Totale Maitrise, tome 3 vient de sortir. Tu as d’autres projets ?
Georges Abolin : Oui. Totale Maîtrise c’est une bande de copains snowborders à  Hawaï. C’est un reflet de mon passage en Australie (avec ma femme et mon petit garçon, j’en ai un deuxième depuis), et je voulais donc parler de cet univers. On vient de signer pour le tome 4, puisque les ventes ont l’air de bien partir. J’ai d’autres projets plutôt jeunesse, et pour le moment, je reste dans le gros nez, mais je pense que le cheminement sera le même, au bout de 10 ans à faire des conneries, tu as plus envie de faire une histoire un peu plus épaisse, avec un graphisme un peu plus réaliste. Mais Olivier reste fidèle à ses engagements, et on continue à se taper les cuisses en trouvant des gags.

Sceneario.com : Merci à toi, et bonne continuation.
Georges Abolin : C’est moi, merci beaucoup.

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