Interview

Fabcaro, auteur de La clôture

Sceneario.com : Bonjour Fabcaro, et merci de nous accorder quelques instants alors que tu as la clôture de Pompon à terminer… On va tâcher de faire vite ! Alors, pour commencer… Pourrais-tu te présenter dans les grandes lignes et nous rappeler ton parcours artistique ?

Fabcaro : Pour faire court : j’ai décidé de vivre de l’écriture et du dessin à la fin des années 90, j’ai alors commencé à placer des illustrations et des strips dans différents mensuels avant d’attaquer mes premières collaborations avec Psikopat ou Tchô. Peu après sortait mon premier album, Le steak haché de Damoclès, aux éditions La cafetière.

Sceneario.com : La cafetière, 6 pieds sous terre… Tu donnes l’impression d’être abonné aux « petits éditeurs ». Est-ce un choix ou est-ce parce que ce que tu as envie de raconter n’intéresse pas les plus gros ?

Fabcaro : Je fais aussi des choses pour les plus gros, notamment un truc pour l’Echo des Savanes (Glénat) qui va donner lieu à un album chez Drugstore en septembre. Mais mon coeur penche plutôt du côté des «petits» pour tout un tas de raisons. J’aime le noir et blanc, j’aime la texture, l’odeur, le toucher de ces bouquins. Et je suis passé par une période où la BD m’intéressait moins, en tant que lecteur. J’y suis revenu grâce à ce type d’éditions… Et puis je suis du genre fidèle : je sais qui m’a fait confiance quand j’ai débarqué avec trois planches pas terribles et aucun bagage derrière.

Sceneario.com : Ton actualité, en ce mois d’avril, c’est la sortie de ta BD La clôture, aux éditions 6 pieds sous terre. Humour, absurde, observations et analyses décalées… Comment t’est venue l’idée du scénario de cette bande dessinée qui met en scène des personnages tous très différents et très rigolos ? La panne d’inspiration de l’auteur BD sur laquelle tu « joues » est-elle vraiment ce qui t’est tombé dessus ou bien au contraire avais-tu un trop-plein d’idées à placer dans une seule réalisation ; éventuellement avant de passer à une toute autre chose ?

Fabcaro : J’ai attaqué La clôture à une époque où je me sentais débordé par mon quotidien… Notamment cette fameuse clôture à réparer… Mais elle n’est qu’un symbole, elle représente toutes les contraintes du quotidien qui viennent parasiter l’inspiration. A cette époque, le seul moyen d’avancer a été de me lancer dans quelque chose de totalement lâché d’un point de vue scénaristique, un truc improvisé et un peu expérimental. Ce n’est donc pas vraiment un trop plein, au contraire même, je n’avais aucune matière avant d’attaquer. C’est plutôt une balade au fil de la plume, en me laissant aller à dessiner ce qui me passait par la tête au moment où j’étais devant ma page, avec la seule contrainte d’anticiper le moins possible sur la suite du récit, garder l’excitation la plus vive possible, et surtout m’amuser. Le ton qui se dégage de l’album au final se traduit assez bien l’état d’esprit dans lequel j’étais pendant son élaboration : déstructuré et tragi-comique. Ce n’est peut-être pas innocent si les trois personnages centraux qui ont émergé sont tous en quête de quelque chose (un boulot, le grand amour ou un scénario).

Sceneario.com : Comment as-tu présenté ce projet aux éditeurs ? Le loufoque se vend-il bien ?

Fabcaro : J’ai présenté les quinze premières pages du projet à Jean-Philippe de Six pieds sous terre, qui a trouvé ça très bien et m’a demandé si j’avais scénarisé la suite et si je savais où j’allais. J’ai répondu « Non, je ne sais absolument pas où je vais, c’est totalement improvisé… » Il m’a dit Ok. Voilà entre autres pourquoi j’aime les «petits» éditeurs : qu’un auteur plutôt confidentiel leur propose un projet a priori assez casse-gueule ne les effraie pas plus que ça. Je n’ai pas essayé les plus gros éditeurs mais je doute qu’avec un argumentaire tel que «non je ne sais pas du tout où je vais» j’aurais suscité un enthousiasme délirant : on a connu approche plus efficace pour vendre un projet !!!

Couverture non retenue

Sceneario.com : Les gens autour de toi t’inspirent : tu ne restes donc pas toute la sainte journée devant ta planche à dessin. Où donc vas-tu te poster pour observer tes semblables et tirer de leurs comportements tes idées ? Y a-t-il des endroits plus indiqués pour trouver des gens de qui se moquer ou par qui être touché ?

Fabcaro : Tout m’inspire. A partir du moment où je mets le nez dehors, à la Poste, à la boulangerie, dans la rue… J’ai une tendance maladive, devant une situation banale, à l’imaginer aussitôt poussée jusque dans ses limites les plus burlesques. C’est assez amusant. Mais d’un point de vue «vie en société», je doute que ce soit une qualité !

Sceneario.com : Et au final, c’est souvent de manière humoristique que tu dépeins tes personnages, dans tes BD. Il faut dire que ton trait s’y prête ! Mais… quid d’une bande dessinée où ta narration serait plus romantique, plus sérieuse, carrément fiction ou pourquoi pas documentaire ?

Fabcaro : Pourquoi pas. Ma seule et unique contrainte est de ne pas m’ennuyer, pour ça j’évite généralement d’enchaîner deux projets trop semblables. Je vais là où mon envie du moment me porte. Une BD au romantisme assez sombre, oui, j’adorerais faire ça.

Sceneario.com : Y a-t-il des sujets de société important que tu aimerais mettre en images ? Quelles sont les causes qui font vibrer Fabcaro ?

Fabcaro : Un tas de choses m’ulcère dans l’actualité, comme tout le monde. Par exemple le mépris de Sarkozy, sa politique sociale, sa politique de l’immigration, entre autres bien d’autres choses. Mais ça n’a jamais été pour moi un bon terreau d’inspiration, je ne peux rien en tirer d’un point de vue artistique. En ça je me différencie du dessinateur de presse, l’actualité ne suscite chez moi rien de créatif, de constructif. Je dirais presque même au contraire… Parmi les sujets de société, je suis assez obsédé par la maladie, ça ne m’étonnerait pas que je me lance un jour sur un projet autour de ça. J’aimerais aussi faire un jour une BD sur les vide-greniers, une sorte d’inventaire… Encore un sujet qui va passionner les foules…

Sceneario.com : A côté de la BD, dans ta bibliographie, on trouve le livre Figurec qui a d’ailleurs été adapté en bandes dessinées. Le 9ème art ne suffisait-il plus à l’auteur que tu es ? Fabcaro va-t-il aussi faire un jour de la sculpture du cinéma ou de la peinture ?!

Fabcaro : J’ai toujours écrit et dessiné en parallèle, le hasard a fait que ma première BD a été publiée avant mon premier roman mais ce sont deux activités que j’ai toujours menées de front. La peinture j’en ai fait à une époque où je vendais des toiles pour gagner un peu d’argent. Le cinéma, jamais de la vie. Ça implique trop de monde. La BD, comme l’écriture, est un médium idéal, tu es seul, personne à commander, personne qui te commande, tu es décideur de A à Z. C’est un luxe incomparable.

Sceneario.com : Qu’a changé Figurec dans ta manière de travailler et dans le regard que portent les éditeurs de bandes dessinées sur toi ?

Fabcaro : Dans ma manière de travailler rien du tout, comme je t’ai dit j’ai toujours écrit et dessiné en parallèle. Quant au regard que me portent les éditeurs, j’ose espérer qu’il n’a pas changé, ça voudrait dire que j’ai plus de légitimité en tant qu’auteur de BD parce que j’ai écrit un roman, ce serait totalement absurde.

Sceneario.com : La clôture est maintenant terminée (enfin… la BD qui porte ce nom, en tout cas !) Quels sont tes projets, aujourd’hui ?

Fabcaro : Je suis en train de travailler à un album pour La cafetière, un peu dans la lignée du «Steak haché de Damoclès» et «Droit dans le mûr» mais très légèrement différent sur la forme, un album sur les souvenirs liés à la musique. Et puis mon album pour Drugstore, «Jean-Louis» qui regroupe les planches que j’ai publiées dans L’Echo des Savanes ces derniers mois. Une BD plus «grand public» – si le terme signifie quelque chose – dans un style très différent de ce que je fais d’habitude. Là c’est ma facette potache qui a pris un peu le dessus…

Sceneario.com : E t bien, bonne chance ! Et merci pour avoir bien voulu répondre à ces quelques questions ! Le bonjour à Pompon !

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