Interview

Entretien avec Stéphane Piatzszek et Stephane Douay

Sceneario.com : Pouvez vous, l’un ou l’autre, nous présenter le pitch de ce nouvel album?

Stephane Piatzszek : : C’est le parcours parallèle de deux personnages, que tout semble opposer ou en tout cas qui ne sont pas censés se rencontrer, mais qui à la fin vont se retrouver face à face.L’un de ces personnages est un homme qui a été ruiné et qui, pour pouvoir s’en sortir va devenir tueur à gages à plus de cinquante ans, il vit à Paris. L’autre est un gendarme secouriste dans la montagne.A la fin du bouquin leur rencontre sera une forme de catharsis, ils vont se sauver ensemble et en même temps échapper à certains démons de leur passé.

Sceneario.com : : Ils ont effectivement tous les deux un passé qui va énormément influencer l’histoire?

Stephane Piatzszek : : Oui, ces deux personnages qui sont totalement différents, un tueur et un flic pour dire les choses très rapidement, sont en même temps semblables. Ils ont des difficultés avec leur passé, des difficultés familiales car ils sont pères tous les deux. C’était intéressant de montrer ces deux personnages en total contraste et qui pour finir, ne sont pas si éloignés l’un de l’autre, c’est pour cela que la fin sera ce qu’elle est.

Sceneario.com : : On ne va pas en parler de cette fin, laissons au lecteur le soin et le plaisir de la découvrir.

Stephane Piatzszek : : Tout à fait

Sceneario.com : : Changement radical de décor avec ce nouvel album qui sent encore l’encre fraiche, on quitte la ville, lieu habituel et peut-être un peu traditionnel des enquêtes policières.

Stephane Piatzszek : : Ni Stéphane ni moi ne connaissons la montagne. La préhistoire de cette histoire vient d’un livre que j’avais lu, un livre de témoignages sur des gendarmes secouristes en haute montagne et j’avais trouvé le livre vraiment fascinant. C’est parti de là, je sais que depuis longtemps, Stéphane avait envie de dessiner la montagne et c’est aussi très important.

Sceneario.com : : On retrouve la neige de Cavales mais avec des paysages grandioses, magnifiques. Est-ce que les lieux sont importants pour toi?

Stepahne Douay : : La montagne c’est un personnage déjà dans la vie, quand on est dans la montagne, c’est imposant, donc dans la BD, elle prend beaucoup de place, elle tient tout à fait son rôle. Ce n’est pas un simple décor, c’est un acteur important, pratiquement de premier plan, avec ses dangers et on pourrait l’assimiler à une allégorie par rapport à Lucas et Olivier et à tout ce qu’ils vivent et au milieu dans lequel ils évoluent.

Sceneario.com : : D’où te viens ton gout pour les enquêtes policières?

Stephane Piatzszek : : C’est une question sans réponse, j’ai toujours aimé le polar. Je crois que c’est un cadre qui m’est naturel pour raconter une histoire, même si je ne fais pas que du polar maintenant. Le polar est le code avec lequel je me sens le plus à l’aise pour aller au bout de mes histoires.

Sceneario.com : : Tu ne t’attardes pas avec tes personnages à qui tu sais pourtant si bien donner une existence presque palpable, Achab ou plus récemment Serge dans Fête des morts, pourquoi ne les garde tu pas pour poursuivre avec eux d’autres enquêtes, tu as besoin de toujours réinventer des personnages

Stephane Piatzszek : : Oui, je crois, j’aime les trajectoires qui commencent et qui se terminent, j’aime le one shot. Je trouve que la série est intéressante, il faut en faire, mais j’aime bien le principe du one shot, pouvoir suivre sur quelques pages un personnage, sa vie sa mort, sans en faire une dizaine de tomes. Effectivement j’ai toujours envie de créer de nouveaux personnages.

Sceneario.com : : On a parlé de deux destins croisés, qu’est-ce qui fait marcher tes personnages

Stephane Piatzszek : : Leurs peurs et leurs désirs

Stephane Douay : : Leurs jambes aussi, mais là c’est le dessinateur qui parle …

Sceneario.com : : Est-ce que la rédemption est possible dans la société ou bien est-ce une pure fiction?

Stephane Piatzszek : : Elle est toujours possible, d’une façon ou d’une autre, autrement ce serait terrifiant

Sceneario.com : : Stéphane, comment fais tu ton casting, vous travaillez ensemble?

Stephane Douay : : Houlah, c’est difficile. Je suis déjà les indications de Stéphane et, à partir de là, par rapport à l’histoire j’essaye de trouver un physique qui corresponde à la fonction. Même graphiquement, ce n’est pas toujours quelque chose de conscient, de réfléchi, mais il y a des différences entre les albums que je fais avec Stéphane, même si les nuances sont parfois légères, elles existent. Parce que les histoires c’est comme cela que je les aborde, inconsciemment, j’ai l’impression que c’est comme ça qu’il faut que ce soit.

Sceneario.com : : Effectivement, ton style varie en fonction des albums, que ce soit Don Quichotte dans la manche, matière fantôme ou aujourd’hui de Neige et Roc et ce changement est peut-être encore plus marqué entre Don Quichotte et les histoires plus récentes.

Don Quichotte dans la manche

Stephane Douay : : Don Quichotte c’est un peu particulier. C’est un gros bouquin en noir et blanc avec des lavis et déjà, rien que l’aspect du livre est différent. L’histoire elle-même est complètement différente, on entre dans une folie du personnage qu’on ne trouve pas forcément dans les polars où les personnages ont des problématiques totalement différentes.
Don Quichotte a plus un coté mystique. Avec Stéphane on est beaucoup plus terre à terre avec des problèmes à résoudre qui sont d’ordre complètement matériels. Après il y a une part de psychologie mais que l’on connait tous. Quand est parent et qu’on a un ado à charge, je pense là à Neige et Roc, on est dans une problématique et des difficultés que l’on peut tous rencontrer.
Dans Don Quichotte on n’a pas ça, il se débrouille vraiment avec l’absolu, je pensais qu’il fallait un trait un peu flou, un peu barré, étrange.

Sceneario.com : : Stéphane est-il un scénariste très directif?

Stephane Douay : : Non, pas du tout et cela me convient très bien, c’est pour cela qu’on est en train de faire notre cinquième album ensemble. Ses histoires me correspondent bien. On en discute, on change quelques scènes après lecture, je fais le découpage, je lui présente, on rechange encore des choses et puis une fois qu’on a réussi à caller tout cela, ça roule. Après sur les planches on rectifie des petits détails, mais vraiment tout se passe tranquillement.

Sceneario.com : : C’est toi qui fais le story-board?

Stephane Douay : : Oui, avec le découpage

Sceneario.com : : Où est-ce que tu prends le plus de plaisir dans un album, dans la création d’une ambiance, le rendu d’une émotion ou en apportant au personnage de l’humanité?

Stephane Douay : : Il n’y a pas de plus ou de moins, je l’aborde comme un ensemble. L’émotion que va avoir le personnage va être conditionnée par une ambiance, un lieu. Le personnage peut avoir une émotion particulière, mais s’il est dans le vide il faut que cela soit pour une raison précise. L’émotion va être renforcée par un décor particulier.
Dans Neige et Roc, quand le personnage de Lucas va être un peu acculé par ses dettes, il est chez lui, c’est un peu sombre et cela ajoute à l’émotion, à tout ce qu’il peut ressentir.

Sceneario.com : : On attends avec impatience le tome 3 du Commandant Achab

Stephane Douay : : Il est prévu pour janvier 2013

Sceneario.com : : Stéphane est ce que tu as des projets télé, est-ce que tu continues à écrire?

Stephane Piatzszek : : Non, j’ai arrêté la télé, pour l’instant je ne fais plus que de la BD.

Sceneario.com : : Des projets ensemble?

Stephane Piatzszek :  Oui, déjà Achab, nous en sommes a la moitié du tome 3, l’intrigue se passe au Havre, dans une ambiance bien polar. Il y a une phrase que dit Achab dans l’album et qui lui correspond bien. Il regarde une photo du Havre après la guerre et il se dit "cette ville a perdu ses deux bras et ses deux jambes et elle est toujours là" et c’est pareil pour Achab, il a perdu une jambe, il a pris une balle mais il est toujours là.

Sceneario.com : : merci à tous les deux de nous avoir consacré de votre temps et bonne fin de festival

Stephane(s) : : Merci à toi

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