Interview

Entretien avec Jim Dandy

Sceneario.com : Tout d’abord, ce qui me vient tout de suite en tête c’est pourquoi "Jim Dandy", c’est une référence à ce chanteur américain des années 70 ?

Jim Dandy

Jim Dandy : Jim Dandy , c’est à la fois une marque de chaussures dans la série TV "Twin Peaks", une expression d’argot américain qui signifie "formidable" (mais de façon ironique). C’est aussi le nom d’un comic book des années 50 et un chanteur de hard un peu FM avec une jolie coupe de cheveux… Je pense que je me situe à peu près entre les 4.

Sceneario.com : J’aimerais bien que tu nous parles un peu de ton parcours jusque là, des années Sémic et depuis… De ton travail d’illustration etc.

Jim Dandy : Pour moi, tout à commencé le jour où j’ai dessiné une jolie voiture rouge pour ma mère et qu’elle l’a accroché au mur de la cuisine, elle avait l’air tellement fier de moi que j’ai eu envie de recommencer… Pour ce qui est de l’envie de raconter des histoires, ça me vient de mon père qui n’arrètait pas de m’en inventer.
Les années Semic, c’était juste génial ! Il y avait une ambiance du tonnerre dans l’équipe, qu’est-ce qu’on rigolait ! On était tous très diffèrent, des quatre coins de France, mais on avait en commun le fait de débuter et d’être passionnés….et puis c’était vraiment un honneur pour moi de pouvoir travailler sur des personnages déjà riches de plus de 40 années d’histoire.
Apres Semic je n’ai pas réussi à trouver un éditeur, une vraie période de loose ! Ils ne me répondaient pas !!!! Les petits, les grands, même pas une lettre type ! C’était très démoralisant. Je pense que c’est du au fait que je ne suis pas un crac en dessin et que ma force est plutôt dans l’association textes/images. Enfin, ça a fini par m’éloigner de la BD pendant presque 5 ans. C’est une période à laquelle j’ai beaucoup voyagé, et où j’ai surtout fait le choix d’avoir un boulot à plein temps qui n’ai rien à voir avec le domaine artistique. Je pense que j’avais envie de voir autre chose que mon bureau et ma feuille de Bristol 🙂
Aujourd’hui, je continue mon boulot dans le ferroviaire et en plus de ça, je fais des piges assez régulières pour des magazines jeunesse (Grand Gallop, Gulli) et il m’arrive même de coécrire des épisodes de dessin-animé (Le Petit Nicolas, Iron Man) et bien sur de dessiner mes BD !

Sceneario.com : Ton album est paru il y a quelques mois déjà, et je trouve qu’il tranche assez avec le reste de la production "French comics" comme on l’appelle. En effet, d’habitude on voit des histoires qui se plient aux codes des comics US, qui répètent certains schémas, et, au lieu de cela, tu nous racontes une histoire pleine de nostalgie, de poésie sur la fin des années 80. Comment est né ce projet et pourquoi cet angle d’approche ?

Jim Dandy : Je pense qu’il y a surement une bonne part de vécu dans mon scenar… Mais pas forcement aux endroits où ça pourrait paraitre évident ! A vrai dire, cela vient surement de ma façon d’écrire: je laisse pas mal travailler l’inconscient…Je n’ai en général aucune idée de ce que je veux raconter avant un stade déjà très avancé d’écriture.
Concernant le ton poétique, c’est une façon un peu pudique de faire passer certaines idées. D’ailleurs mon personnage fait pareil, il s’exprime par poème interposés. On aime bien coder les messages, c’est tout:)
La fin des années 80…Je me souviens que j’étais alors en pleine Batmania (c’est l’année où le film de Burton est sorti), j’avais les t-shirts les badges, les écussons. Ils se foutaient bien de moi au collège! Je ne sais pas si je suis nostalgique ou pas de cette période. Je me souviens d’une citation dans les "Nourritures terrestres" d’André Gide. Il écrit que "La nostalgie n’est que la ferveur retombée"…Mon dieu, Batman, j’espère que je t’aime encore malgré que tu aies perturbé ma puberté…oui, oui, la réponse est oui…

Sceneario.com : D’ailleurs pourquoi "Capitaine LSD" ? Je veux dire qu’il ne fait pas usage de son pouvoir et tu n’exploites pas vraiment cet aspect du personnage.

Jim Dandy : J’ai trouvé ce nom un matin que j’étais en retard , je courais dans les rues de Tournai, et le nom m’est apparu comme ça et comme il a fait marrer les potes, je l’ai gardé ! Au début j’avais en tête un personnage entre Austin Power et le Sandman de Kirby.
Je pense que le problèmes avec les super pouvoirs d’Andy vient de moi : j’adore lire des comics de super-heros, mais je suis incapable d’en écrire! C’est surement pour ça qu’on ne retrouve pas tous les "codes" du super-heros dont tu parlais dans la question précédente. Et puis dans "Welcome to the 90s’" le danger ne vient pas de l’extérieur, mais plutôt du côté autodestructeur du personnage…;

Sceneario.com : As-tu envie de continuer ou en tout cas de revenir sur ces personnages que tu as créé pour cet album ?

Jim Dandy : Oui, je crois… J’aime beaucoup Kidee et le Blaireau. J’ai aussi envie d’en créer d’autres, un vilain, par exemple….comme ça Andy pourra utiliser ses pouvoirs !

Sceneario.com : On ressort donc un peu nostalgique de cette lecture, on a presque le sentiment que les années 90, au niveau des comics US ont plongé ces univers vers quelque chose de plus deshumanisé. quelle est ton impression sur ces époques très différentes ? On a l’impression que le Capitaine LSD symbolise un peu un certain lectorat qui porte un regard plein de regret sur les années pré 90’s. Ce héros ça n’est pas un peu toi quand même ?

Jim Dandy : J’aime beaucoup les comics des années 80…mais j ‘adore les comics des années 90 !
J’ai appris à dessiner en recopiant du Rob Liefeld, et je trouve encore aujourd’hui son travail passionnant. Il a trouvé une façon unique de décompresser la narration, ses personnages "à vif" rappellent certains Expressionnistes mais son abolition de la perspective le rapproche des Cubistes. Le nihilisme de certaines histoires en ferait presque un Dadaïste. Bref c’est un auteur inclassable, fascinant.
D’autre part, il se trouve que tous mes comics préférés sont parus dans les 90s’ : THB, The Maxx, Eightball, Starman, Madman, White Trash, Solar man of the Atom, Palookaville, Stray Bullets… C’est une période d’une richesse inouïe, si on y regarde de plus près.
Je pense que le style un peu décalé de Capitaine LSD vient du fait qu’a l’époque je pouvais avoir dans ma pile de comics hebdomadaire aussi bien X-Force que Hate. Les deux m’éclataient autant! (et encore aujourd’hui!)
J’ai eu l’occasion de rencontrer mes lecteurs, la plupart ont la vingtaine, et à ma grande surprise ils ne sont pas forcement fans de comics ! Ils sont assez éclectiques et lisent un peu de tout. Les références aux comics 80/90 tombent surement à l’eau dans ce cas là, mais c’est pas très grave, c’était juste un truc en plus.

Sceneario.com : Comment s’est passé cette aventure de l’autoédition ? Ce fut une décision dure à prendre ? Elle t’a donné envie de continuer dans cette direction ? N’est-ce pas un peu difficile de se retrouver sans "éditeur" au dessus, même si cette totale liberté peut être confortable ?

Jim Dandy : Mais Capitaine LSD n’est pas un comic auto publié ! Même si je suis responsable de l’histoire, du choix du format ou du papier, c’est grâce à la structure associative de Yoann Boisseau : les éditions Réflexions que ce bouquin existe.
Le fait de ne pas avoir d’éditeur peut être un plus en matière de liberté, mais parfois c’est vrai que je me sens un peu perdu car je doute beaucoup de mon travail…

Sceneario.com : Que penses tu de cette émergence, actuellement, des French Comics (d’ailleurs tu es d’accord sur ce terme ?) De tout ces jeunes qui relancent la dynamique des fanzines, qui font de l’autoédition pour lancer leur séries ?

Jim Dandy : "French comics"…je le rangerais entre "French fries" et "french kiss". C’est raffiné mais un peu gras. Certains trouvent ça dégueu, d’autres adore.
Personnellement, j’ai commencé à faire des fanzines en 1991 avec mes potes, je trouve ça cool. Un fanzine est un objet rare, limité, et toujours l’œuvre de passionnés ! C’est donc forcement intéressant 🙂

Sceneario.com : Et plus indirectement, quel regard portes-tu sur ces auteurs français qui se font une bonne place aux states ?

Jim Dandy : Ils sont très doués ! J’aimerais bien qu’un jour ils reviennent sur le vieux continent et reprennent des séries comme "Spirou et Fantasio" ou "Michel Vaillant"…

Sceneario.com : Actuellement, tu viens de finir 17 planches pour une suite à l’épisode d’Ozark paru dans Mustang 61 en 1981 , là aussi, j’imagine il y a toute une histoire derrière, des envies ?

Jim Dandy : Je suis juste fou du travail de Franco Oneta, et particulièrement d’Ozark. L’esthétique de la série originale est tellement représentatif du début des 80s’, je veux dire ces couleurs, ces monstres et ses robots, c’est Goldorak sous acides avec du free-jazz en fond ! A l’époque la série est, en effet, parue dans Mustang entre Photonik et Mikros, les lecteurs n’ont pas accrochés à l’univers d’Ozark et l’aventure s’est interrompue au 8e épisode… Mais c’était à suivre !!!!! Je sais que Thierry Mornet est aussi un grand fan du personnage. Lorsque la série à repris chez Semic en 2000, il a écrit un synopsis de l’épisode manquant, qu’il a publié dans un article paru dans Special Zembla 155. Il m’a proposé de le dessiner dans l’idée de publier une intégrale de la série originale. Ca a pris plus de temps que prévu, mais j’ai fini les planches. Elles sont passées entre les mains d’un super coloriste qui s’est bien arraché les yeux sur des couleurs psychées !
On pense le sortir en janvier 2011. Par contre ce sera un très petit tirage, car on a conscience qu’a part nous deux il n’y a pas beaucoup de fans d’Ozark sur terre, lol.

Sceneario.com : Quels sont donc les projets ensuite ? "Capitaine LSD 2" ? Plus de French Comics ?

Jim Dandy : Quelques voyages et un peu de couture, j’ai un drap et un slip à rapiécer depuis presque 6 mois! J’aimerais aussi me remettre au mini-golf. Peut-être lire un roman ou deux. Apres je pense me mettre à l’écriture du tome 2.

Sceneario.com : En tout cas, je te remercie pour ce temps passé à nos côtés !

Jim Dandy : C’était sympa, j’espère que j’ai raconté des trucs intéressants…

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