Interview

Entretien avec Curd Ridel, dessinateur de USHUAIA T1

Bonjour Curd,

Sceneario.com : Dans un premier temps, afin de mieux te connaître, pourrais-tu nous éclairer sur ton parcours d’auteur dans la bande dessinée ?

USHUAIA T1 couv

Curd Ridel : J’ai toujours voulu faire de la bande dessinée. Je suis né au Congo, où je lisais beaucoup de bandes dessinées. J’étais abonné à Pif que je dévorais en plus de Spirou, Tintin et tous les albums que je pouvais me procurer. J’ai voulu très tôt faire de la BD puisque dès l’âge de 4 ans, je m’amusais déjà à dessiner. Je me faisais aider par ma grande sœur à qui je dictais les textes (parce ce que je ne savais pas encore écrire) et qui les inscrivait dans les bulles. Je suis resté jusqu’à l’âge de pratiquement 16 ans au Congo. Puis, je suis arrivé à Paris et dès lors, je suis allé voir des éditeurs avec mon carton sous le bras. Je me suis mis à travailler très tôt en commençant dans un groupe de presse qui s’appelait Les éditions 5 pouces et qui faisait entre autres un journal qui s’intitulait Pistil, un autre qui s’appelait Footy un magazine sur le foot, dans lequel j’ai travaillé. Alors que je n’y connaissais rien, j’ai dessiné des footballeurs. J’ai également dessiné des personnages qui se nommaient les Tony’s Team dont je faisais dessin et scénario, et illustrais les jeux, les sommaires,… ceci pendant pas mal de temps. Ça a été mes premières armes. Ensuite j’ai beaucoup travaillé dans la presse pour jeunes, j’ai dessiné plein de personnages, de Popeye à Pim, Pam, Poum, Tom & Jerry, Yogui, Scoobidou, Les Pierrafeu, Astro, Tom Sawyer… J’ai fait du Disney, de la pub, pour Kellog’s, Malabar, Poulain, Seb, Tefal… J’ai créé et animé pendant 6 ans le journal de Rik et Rok pour les magasins Auchant , plein d’autres trucs, des décors pour la télé, j’ai travaillé pendant 7 ans et demi à Pif Gadget, où je dessinais Pif, puis les Radio Kids sur un scénario de Lelièvre, À Fripounet… J’ai fait plein de livres pour enfants et une quarantaine d’albums de BD…. Je me suis bien occupé, quoi.

Sceneario.com : Ce mois de septembre 2010 voit fleurir le dernier album, Ushuaia, les aventures de Nicolas Hulot auquel tu as participé avec Pascal Bresson sous l’égide de Nicolas Hulot. Comment s’est opérée cette impressionnante association ?

Curd Ridel : Au départ, c’est une idée de Pascal Bresson qui est ami avec Nicolas Hulot et pour lequel il a beaucoup d’admiration (comme d’ailleurs plein de gens). Il le considère comme le Tintin des temps modernes, un aventurier et un héros de BD vivant aujourd’hui et de ce fait, il a eu envie de faire une bande dessinée sur ce personnage. Nicolas Hulot a accepté l’idée parce que, connaissant Pascal, ce dernier n’allait pas donner une mauvaise image de lui. Il a eu confiance et donc, fort de ce concept ont cherché un dessinateur. Ils m’ont contacté et j’ai trouvé l’idée sympa. J’ai fait deux pages d’essai qu’ils ont plu à Glénat et l’histoire a démarré comme ça.

Sceneario.com : Pour les besoins de cette saga, on a l’impression que tu remets en question ton style graphique. Est-ce la réalité ? Est-ce que ça été éventuellement une exigence de la part de Pascal Bresson ou d’autres personnes qui ont un droit de regard sur votre projet ?

Curd Ridel : C’est tout à fait exact. Quand ils m’ont appelé au départ, ils s’attendaient à ce que je reproduise ce que j’ai déjà fait par ailleurs comme dans Tandori. C’était un peu pour eux leur référence. J’ai démarré un peu dans cet esprit là et je me suis rendu compte très vite que ça n’allait pas avec le scénario de Pascal. Il y avait une bonne douzaine de personnages principaux de l’équipe de Nicolas qu’il fallait dessiner, assez ressemblant sans en faire des caricatures outrancières. J’ai donc fait monter le degré en réalisme. A force de travailler avec des photos de Nicolas et autres, je me suis aperçu très vite que ce n’était pas là un scénario comique mais un scénario d’aventures à l’image de celles de Jean Valhardi, de Ric Hochet ou d’autres héros du même type. Donc oui, j’ai monté en degré de réalisme. Certainement, j’aurais voulu garder un dessin plus comique mais dans le semi-réaliste, on tombe plus facilement vers le réalisme que vers le comique.

Ushuaia T1 extrait 1

Sceneario.com : On sent que le travail que tu as réalisé sur les personnages évite subtilement la caricature. As-tu eu de réelles contraintes quant à leur représentation. Comment a été retenue l’effigie de Nicolas Hulot qui est le personnage principal ? As-tu été obligé de t’en référer à lui-même ou à ses collaborateurs ?

Curd Ridel : J’ai vraiment fait ce que je voulais à tel point qu’ils s’attendaient pas à ce que je fasse quelque chose de plus comique. Je leur ai dit que je le sentais plutôt comme ça. Ainsi, je n’ai eu absolument aucune contrainte, surtout pas de Nicolas Hulot qui, transformé en personnage de BD, regardait ça d’un œil amusé. C’est un passionné de BD et il m’a confié que depuis très longtemps il prend plaisir à lire une BD avant de s’endormir le soir, même quand il se trouve au bout du monde.

Donc aucune contrainte, une liberté totale. D’ailleurs, j’ai été obligé de retoucher à plusieurs reprises les premières planches du tome 1 parce que le personnage au fil des pages avait évolué de façon plus réaliste.

Sceneario.com : Par ailleurs, les décors généraux dans lesquels déambulent tes protagonistes sont d’une grande qualité. Comment es-tu parvenu à ce réalisme qu’on ne te connaissait pas ?

Curd Ridel : Oui, c’est vrai que c’est Ushuaïa. On est parti pour faire des aventures au bout du monde. Donc, il faut montrer un petit peu des paysages comme ils sont, définir leurs richesses. Il est vrai que je me suis pas mal documenté et logiquement, ça m’a mené vers un trait plus réaliste.

Ushuaia T1 extrait 1

Sceneario.com : Cette première aventure qui ouvre le pas à d’autres se déroule sur le territoire de l’île de Pâques. Quelle a été ta méthodologie pour recréer les ambiances îliennes (photos, documentation, …) ?

Curd Ridel : J’ai utilisé beaucoup de photos, utilisé beaucoup de documentation. Il est certain que je n’ai pas eu la chance d’y aller (j’aurais bien aimé) et la documentation m’a été d’un grand secours.

Sceneario.com : Dans ton graphisme, on perçoit certaines émanations écologistes de l’émission Ushuaia (la faune et la flore de l’île de Pâques y abondent).Quel est ton degré de sensibilité par rapport à cette immersion environnementaliste ?

Curd Ridel : Il n’y en a pas dans ce premier tome. Celui-ci tourne plus autour d’une aventure à l’ancienne. A cet égard, on a opté pour une BD d’aventures (Nicolas adore les BD classiques avec des héros, des courses-poursuites…). Bien sûr, ça se passe sur l’Île de Pâques, il y a des méchants, un trésor, de la castagne. Il y a du mystère, des animaux sauvages, tous les ingrédients que l’on peut retrouver dans les BD que l’on pouvait lire étant enfant. C’est vrai que l’on n’est pas là pour avoir des propos moralistes, on est plutôt là pour un album purement récréatif.

J’adore la nature et prends beaucoup de plaisir à la représenter. Ce premier tome tourne autour d’une grande aventure "à l’ancienne". Nicolas, Pascal et moi adorons les BD classiques avec des héros, du mystère, des courses-poursuites…). Là c’est le rêve, ça se passe sur l’Île de Pâques, il y a des méchants, un trésor, de la castagne. Il y a du mystère, des animaux sauvages, tous les ingrédients que l’on peut retrouver dans les BD que l’on pouvait lire étant enfant. C’est vrai que l’on n’est pas là pour avoir un propos moraliste, mais plutôt pour distraire le lecteur avec un album purement récréatif.

Sceneario.com : Comment Pascal Bresson, le scénariste, intervient dans ton travail ? Est-il de ceux qui conserve un regard critique à la vignette près ou t’a-t-il laissé les coudées franches ?

Curd Ridel : Pascal m’envoie le scénario, tapé. De mon côté, je fais les pages et les lui envoie au fur et à mesure. Bien sûr, Pascal a un regard critique et est plutôt content du travail réalisé. Quand il le faut, il peut me signaler un problème et on fait bien sûr en sorte de le régler. C’est très suivi puisqu’on se parle tous les jours au téléphone ou par ordinateur.

Sceneario.com : Où en es-tu de la suite des péripéties "ushuaïennes" ? Est-ce que la date de sortie du prochain tome est arrêtée ?

Curd Ridel : Précisément, au jour de cette interview, j’en suis à la page 42, donc proche de la fin. Ce deuxième album devrait sortir en avril 2011, soit à peu près deux albums par an selon le souhait de l’éditeur et selon l’inspiration du scénariste.

Preview de quelques planches du tome 2 en préparation :

Ushuaia T2 extrait 1 Ushuaia T2 extrait 2 Ushuaia T2 extrait 3

Ushuaia T2 extrait 4 Ushuaia T2 extrait 5 Ushuaia T2 extrait 6

Sceneario.com : Connaissant ton éclectisme, as-tu en parallèle d’autres projets qui soient liés à la bande dessinée ou pas ?

Curd Ridel : Il y a un album chez Bamboo qui vient de sortir et qui s’intitule "Si j’étais grande, je serais star" qui est la suite de "Si j’étais grande, je serais maman". Par ailleurs, je viens de finir un album qui s’appelle "Mon frère le boulet" et qui va sortir aux éditions Jungle scénarisé par Gaston, au style graphique assez différent de ce que je fais d’habitude, un style un peu plus lâché, un peu plus cartoon, un peu plus libéré.

Sceneario.com : Sceneario.com te remercie sincèrement pour le temps passé à cette interview et te souhaite tout le succès possible !

Publicité