Interview

Entendrez-vous, vous aussi, le chant du colibri de Guillaume Trouillard ?

 

Sceneario.com : Bonjour Guillaume Trouillard ! Vous avez participé en qualité d’auteur aux deux numéros collectifs Clafoutis (aux éditions de La Cerise), mais vous êtes désormais plutôt sous les feux de la rampe grâce à votre bande dessinée Colibri parue en novembre 2007 sous ce même label. Cette oeuvre, à peine sortie, s’était d’ailleurs vue décerner le prix du public du Festival de Bassillac ! Bravo !!!

Alors… Comment expliqueriez-vous cela ? Pouvez-vous vous présenter en quelques mots, nous rappeler votre parcours artistique ?

Guillaume Trouillard : Comme pas mal d’auteurs j’imagine, j’ai patienté toute ma scolarité en griffonnant dans les marges. Puis une fois le bac en poche, je me suis dirigé à Angoulême pour les Beaux-Arts, où j’ai eu la chance de côtoyer une bande de cadors. On a formé un collectif : "Les Six berbères sont Douze". On faisait des sérigraphies, des expos ensemble. Et puis, avant de se quitter et de repartir chacun de notre côté, j’ai décidé de créer la revue Clafoutis pour prolonger un peu ces années d’expérimentations.

Sceneario.com : On a vu que Toxic Planet, la série écolo de David Ratte aux éditions Paquet, avait très vite été primée et avait suscité l’intérêt de par le message qu’elle véhicule. Colibri dans son genre est aussi un cri qui appelle les gens à la sauvegarde de leur planète… Pensez-vous que ce message humaniste soit pour quelque chose dans le succès rencontré ?

 

Guillaume Trouillard : Peut-être, même si je reste persuadé que c’est le dessin qui séduit en premier quand on ouvre un album. De mon côté, j’attendais depuis pas mal de temps l’occasion de concilier ma pratique artistique et mes préoccupations politiques. Et inutile de préciser que la thématique écologique a de l’avenir…

Sceneario.com : Bien que des véhicules de police ressemblent à ceux qu’on voit en France, par exemple, et bien que les références commerciales desquelles vous vous amusez pour créer les panneaux publicitaires dans Colibri soient également connues en Europe pour la plupart, pourquoi avez-vous choisi de donner cet aspect asiatique à la ville dans laquelle se déroule l’action ? Avez-vous voyagé en Asie ou était-ce simplement pour s’appuyer sur ce que vous connaissez de ces villes champignons ultra modernes qui sortent de terre à la vitesse grand V dans des pays où, dans l’ombre de ces bâtiments, bien des gens vivent dans des conditions déplorables ?

Guillaume Trouillard : Je suis effectivement parti en Chine il y a 4 ans, avec l’idée de ramener le plus d’images possibles d’un monde en train de disparaître. Quelques pages de ces carnets ont été publiées dans le Clafoutis numéro 2. Quant à la claque que j’ai prise sur place, il m’a fallu trois bonnes années pour la digérer et en faire un récit !

Sceneario.com : Parlez-nous un peu de votre manière de travailler… Le scénario de Colibri était-il arrêté avant de commencer le travail graphique ou bien avoir commencé à dessiner ces univers spécifiques a-t-il fait évoluer des choses ?

Guillaume Trouillard : Je m’étais fixé comme principe l’improvisation : je savais ce que je voulais dire, mais il fallait que la tournure n’apparaisse qu’au cours de la réalisation. Comme dans une discussion finalement. Donc une trame ouverte, à peine esquissée, quelques scènes clés, une intro, une idée de la fin, mais le reste devait se faire sur le moment, pour rester en contact avec le quotidien.
 

 

Sceneario.com : Et qu’en est-il de votre dessin ? On distingue du crayon, de l’aquarelle… Sont-ce les techniques que vous maîtrisez le mieux ou bien sont-ce celles qui convenaient le mieux à cette histoire que vous vouliez raconter ?

Guillaume Trouillard : Je suis plutôt attiré par le pictural, mais j’aime aussi l’idée de varier les techniques à chaque livre. Sur Colibri, je voyais quelque chose de foisonnant, qui déborde et grouille de partout. L’aquarelle est vite apparue comme la technique la plus appropriée.

Sceneario.com : Comment allez-vous gérer ces retours positifs sur votre album ? Pourriez-vous, même inconsciemment, être tenté de faire un peu la même chose la prochaine fois ou votre fibre créatrice fera-t-elle abstraction de tout cela et nous gardera un Guillaume Trouillard indépendant ?

Guillaume Trouillard : Disons que sans en avoir l’air, ça fait quand-même cinq ans que je fais des livres, comme auteur et comme éditeur. Ca fait relativiser l’effet « découverte ». Quant au renouvellement, c’est comme je l’ai dit quelque chose qui me tient particulièrement à cœur, mais on ne peut évidemment pas empêcher une certaine parenté dans les thématiques, c’est le propre de tout créateur.

Sceneario.com : Préférez-vous travailler seul ou à plusieurs ?

Guillaume Trouillard : Evidemment, seul c’est beaucoup plus confortable. Mais mon docteur m’a dit de prendre l’air de temps en temps, alors après plusieurs tentatives qui ont échoué, je m’essaie à nouveau à la collaboration, avec mon copain des Beaux-Arts Samuel Stento (qui a publié également à la Cerise le titre Pourquoi Pas ?).

Sceneario.com : Jean-David Morvan a fait l’éloge de Colibri et, par mails interposés, vous êtes entrés en contact. Vous a-t-il déjà proposé de vous rencontrer ? Vous a-t-il déjà proposé une collaboration ? Comment ressentez-vous cet enthousiasme qu’il a à l’égard de votre création ?

Guillaume Trouillard : J’ai été très touché, évidemment. Je ne l’ai encore jamais rencontré mais je pense que nos chemins seront amenés à se croiser.

Sceneario.com : A côté de vos activités d’auteur, il est à souligner (vous l’avez évoqué plus haut) que vous êtes à la tête des Editions de La Cerise. Pouvez-vous nous parler de cette facette de votre profession ? Nous rappeler le pourquoi et le comment de cette petite maison d’édition et nous dire comment vous envisagez son avenir suite au temps que vous demanderont sans aucun doute les retombées de Colibri

Guillaume Trouillard : Le pourquoi : parce qu’à l’époque, plein d’insouciance et de bonne volonté, et sous prétexte que je ne me reconnaissais pas dans ce qui était proposé, j’ai mis le pied dans un sacré engrenage. Le comment : avec des bouts de ficelles et des litres de sueur. L’avenir : incertain… mais c’est son charme !

Sceneario.com : Questions plus classiques, maintenant… Quelles sont vos principales influences, que ce soit des titres de BD, des auteurs, ou pourquoi pas des films ?

Guillaume Trouillard : Sur Colibri, j’avais surtout en tête les films de Jacques Tati, ou comment le pantomime, le spectacle familial, cachent un regard d’une grande acuité sur une société en train de muter. Dans les oreilles, j’avais les madrigaux primitifs de Moondog. Et puis enfin, les écrits d’Ellul, de Charbonneau, ou de Pierre Clastres…

Sceneario.com : Que peut-on vous souhaiter, aujourd’hui ?

Guillaume Trouillard : Aujourd’hui ? Des vacances !!!

Sceneario.com : Et bien , bonnes vacances, alors !!! Et merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Bonne continuation !

 

 

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