Interview

Dzien’ dobry Marzena Sowa

Sceneario.com: Dzien’ dobry / Bonjour Marzena et bienvenue sur Sceneario.com. Pour nos internautes qui ne vous connaissent pas encore, pourriez-vous vous présenter et nous expliquer comment vous en êtes venue à la bande dessinée ?

Marzena: Tu m’as déjà bien présentée alors je sais pas ce que je pourrais ajouter pour me présenter brièvement aux internautes…

Je m’appelle Marzena. Je suis Polonaise, je vis en France depuis 4 ans où je suis venue pour poursuivre mes études.
En ce qui concerne mon aventure avec la bande dessinée, c’ est quelque chose de très récent, à savoir ça date du moment où j’ai rencontré Sylvain qui est dessinateur de BD. Il m’a fait découvrir un monde que je ne connaissais pas. Je n’avais jamais été réellement mise en contact avec cet art. Et en tant qu’une simple lectrice, j’ai encore beaucoup de choses à découvrir.

Sceneario.com: Votre toute première série, Marzi, est en fait à 100% autobiographique, mais cela n’est précisé nulle part. Le parallèle avec votre prénom n’est pourtant pas trop difficile. Est-ce voulu que cela ne soit pas dit d’entrée de jeu mais que cela ne soit pas totalement masqué non plus ?

Marzena: Franchement, ça s’est fait tout seul. Nous n’avons pas insisté sur le fait que Marzi soit autobiographique car (c’est mon avis) à travers les histoires, on ressent une vraie expérience de vie et la plupart de nos lecteurs savent (se doutent) que ce livre est marqué par des événements qui se sont vraiment produits. Nous nous sommes posé un peu la question, on avait eu l’idée de faire sur les pages de garde une présentation en parallèle du personnage et de moi-même. Mais je ne pense pas que ce soit indispensable.

Sceneario.com:  Il s’agit d’une époque relativement difficile de l’histoire des pays de l’Est, mais vous avez traité ce sujet d’une manière très légère, avec un vrai regard d’enfant en fait. Avec le recul aujourd’hui, est-ce que cela n’a pas été difficile de ne rien déformer ?

Marzena: Mais justement le monde vu par Marzi, est déformé. Il paraît énorme et insaisissable dans sa grandeur et complexité aux yeux de cette petite fille. Effectivement, je parle des moments où la situation en Pologne n’est pas très joyeuse, mais en tant qu’une fillette, je n’ai pas vraiment pu m’en rendre compte. Je sentais qu’il y avait des problèmes mais personne ne m’en parlait, ce que je comprends un peu maintenant, car une enfant n’a rien à faire là-dedans, même si elle y est déjà !
La manière dont je raconte ces histoires est peut-être légère, car je me suis effectivement adaptée au langage d’une petite fille. Je n’aurais pas pu adopter un raisonnement d’adulte car ça ne correspondrait pas au personnage. Je ne voulais pas faire un documentaire sur mon pays, juste saisir l’ambiance, la vie quotidienne de ces années-là. Et par ailleurs, je voulais aussi parler de l’enfance et de cette capacité incroyable que l’on a, étant petit, de s’adapter presque à tout. En y regardant bien, malgré le contexte, les jeux et les rapports entre les enfants sont universels. Le modèle social influence le comportement, mais la part de rêve est la même pour tous.

Sceneario.com: Quelles impressions ressent-on à voir ses souvenirs d’enfants ainsi mis en image ?

C’est émouvantissime ! Sans rire, c’est une expérience très particulière. Le fait de donner ma vie à lire me rend très attentive à la réaction des autres. Sylvain est mon premier lecteur et le fait qu’il me connaisse particulièrement bien lui permet de comprendre assez facilement ce que je souhaite voir apparaître dans ces images. Il y apporte aussi son imagination et ça donne un résultat qui nous correspond bien. C’est émouvant pour moi de voir revivre tous ces moments, de mettre en scène des personnes qui parfois ont disparu aujourd’hui, et c’est émouvant pour lui de travailler sur l’enfance de la personne qu’il aime.

Sceneario.com:  L’album est composé de plusieurs petits épisodes, y en a-t-il un qui vous tient plus particulièrement à coeur ?

Marzena: Comme je parle de ma vie, j’ai du mal à en parler en termes d’épisodes. Toutes les scènes de vie que je décris m’ont marquée d’une certaine façon. Certainement, les histoires que j’aime beaucoup, mais non du point de vue d’une lectrice, mais de la personne qui les a vécues, ce sont celles qui tournent autour des jeux d’enfant sur la cage d’escalier, à la campagne ou devant le HLM.
En tant que lectrice, mon histoire préférée est celle des oranges car elle m’émeut beaucoup et évoque pour moi pleins de souvenirs.

Sceneario.com:  Le titre "Petite carpe" fait référence au premier épisode de cet album, c’est aussi à cela que fait référence la couverture si je ne me trompe pas… C’est un épisode important ?

Marzena: Oui, c’est un épisode important, il ouvre la série. Grâce à lui on rentre directement dans l’univers de Marzi, on pénètre dans son pays, son appartement, sa salle de bains. Et tout de suite, on est propulsé vers un élément qui est complètement méconnu en France, ce rite étrange de garder la carpe dans sa baignoire pour Noël et qui est typique pour mon pays. C’est l’épisode auquel se réfère le texte du dos de la couverture. Les enfants et les poissons n’ont pas de voix. C’est un leitmotiv dans Marzi. C’est une manière d’amener en douceur le lecteur à la découverte d’un pays à la fois proche et très différent par de nombreux aspects, on commence par une situation plutôt banale dans un HLM et on se retrouve avec cet animal qui évolue dans la salle de bains. Ce n’est pas une particularité de ma famille, tout le monde le fait en Pologne. Et puis, c’est l’histoire qui a déclenché ce projet. Lorsque j’ai raconté cet élément de ma vie à Sylvain, il a tout de suite eu envie de le mettre en images. Par la suite, c’est aussi la première histoire que l’on a présentée à « Dupuis ».

Sceneario.com:  Vous êtes édité chez Dupuis, dans la collection Expresso aux côtés de Zep ou Berberian, des impressions ?

Marzena: C’est chouette, non ? Je suis bien accompagnée, ou plutôt bien entourée ! C’est super de figurer parmi les Grands !
En fait, je ne connaissais que très peu de personnes dans cet univers, mais j’ai eu l’occasion de m’y intéresser de plus près depuis quelque temps et je me sens proche de cette « famille ». Il y a une réelle notion de collection avec Expresso, et je n’ai pas l’impression de me retrouver seule avec mon album. Il y a un échange régulier entre les auteurs regroupés ici, sans doute du fait du lancement de cette collection, c’est à la fois agréable et motivant. J’espère que cela continuera.

Sceneario.com:  Marzi à été prépublié dans le journal de Spirou, quel a été l’impact ? Avez-vous eu des retours de la part des lecteurs ?

Marzena: Pas mal de gens ont découvert Marzi dans Spirou, alors cette prépublication est vraiment une bonne opportunité. Ça les a motivés pour aller vers cet album, le lire d’une traite après l’avoir vu entrecoupé dans les pages du magazine. Et puis la narration de Marzi s’y prête bien. Peu d’albums sont découpés en histoires courtes, celui-ci oui !! Une histoire complète à chaque fois, c’est plus agréable à lire, je pense. Et nous avons beaucoup de liberté par rapport au magazine. Nous ne sommes pas tenus de réaliser un nombre de pages précis à chaque fois. C’est à la rédaction de choisir parmi les histoires que nous envoyons pour savoir à quel moment les passer et où les caser.
Sinon pour le retour des lecteurs, ça se passe surtout au moment des festivals ou des séances de dédicaces. C’est très agréable quand les gens ont envie de communiquer les impressions qu’ils ont eues lors de la lecture ! Un vrai partage se fait à ce moment-là.

Sceneario.com:  Pour Marzi, vous envisagiez une série en 3 tomes, le premier que l’on tient entre nos mains sur votre enfance, jusqu’à votre arrivée en France. Les choses, ont-elles évolué ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

Marzena: Effectivement, c’était notre projet de départ. Les choses ont un peu changé, à savoir nous allons parler de l’enfance tant que j’aurai des choses à raconter (ce qui ne manque pas) et ensuite nous passerons aux histoires d’une Marzi plus grande (en maison d’étudiant à Krakow) pour aboutir à une Marzi telle qu’elle est maintenant (confrontée à la France)… En fait, en commençant à écrire, les souvenirs ont afflué en masse et en grande partie, nous avons très envie de les raconter.

Sceneario.com: Sylvain Savoia, le dessinateur, à complètement modifié son style graphique par rapport a d’autres de ses séries comme Al togo. Avez-vous travaillé avec lui sur l’ambiance visuelle de l’album ?

Bien sûr. Comme il interprète mon univers, il avait besoin, surtout au début, de quelques indications le concernant. Donc j’essaie de lui fournir des documents qui seraient censés l’y aider. Comme je dispose de peu de photos de mon enfance, on essaie de reconstruire ensemble le monde de Marzi, la répartition du HLM, des apparts, les rues, les personnes. Quand Sylvain veut mettre un texte en polonais, c’est moi qui le lui traduis. Je surveille de près ce qu’il dessine et parfois je le fais même recommencer quand je sens que le sens de ce que je voulais raconter est différent. Nous devons composer avec nos deux sensibilités et nos approches forcément différentes, mais ce n’est jamais un problème.

Sceneario.com: : Nous souhaitons en tout cas longue vie a Marzi et nous espérons vous revoir en festival très bientôt… Serdecznie dzie, Merci et à bientôt.

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