Interview

DIM D & ISTIN

Sceneario.com: Comment vous êtes vous rencontrés?
Istin :
: C’est Guy Michel, le dessinateur d’Aquilon et des Contes du korrigan qui nous a présenté. Il nous connaissait tous les deux. Je travaillais déjà avec lui et il connaissait Dim D. On n’a pas bossé le jour même ensemble. Ça s’est fait petit a petit. On a participé à un fanzine municipal à peu près au bout d’un an après notre rencontre. On a d’abord eu une relation d’amitié avant d’avoir une relation de travail. Sceneario.com: J’ai vu dans tes influences que tu parles beaucoup des peintres ambulants, tu peux nous donner plus d’explications ?
Dim D :
Ce sont des peintres hyper réalistes russes du début du XIXieme siècle, Kramskoi, Repin, . Il y a un site sur Internet qui parle de cette école de peinture. http://www.artrenewal.com. On y trouve tous les auteurs classiques Delacroix, David, … et tu peux y trouver aussi Repin, … Ce sont des peintres qui sont juste avant l’impressionnisme, c’est hyperréaliste, ça ressemble à du Monet, il y a beaucoup de contraste.

Sceneario.com: On demande très souvent les influences du dessinateur, et quelles sont les influences du scénariste ?
Istin :
Ce qui m’a inspiré c’est le Silence des Agneaux, Hannibal Lecter !! (rires).
Sérieusement mes influences, parmi les gens qui m’ont donné envie d’écrire, pour la bande dessinée, ça serait Franck Miller, il est celui qui m’a le plus intéressé au niveau narratif, mais je suis surtout un lecteur de roman, et paradoxalement si ça saute aux yeux que le Seigneur d’Ombre ressemble au Seigneur des Anneaux, je le l’ai jamais lu (j’ai vu le film) et je n’ai jamais lu de fantasy car je n’aime pas trop ça.

Sceneario.com: Ah bon ?
Istin :
C’est évident, on n’a pas besoin de lire de la fantasy pour en écrire. Et comme j’aime pas trop ça , j’y mets des obsessions personnelles. Par exemple, il y a une deuxième façon de lire l’album, il y a une texture alchimique et j’emploie des mots alchimiques (soit évident, soit détourné).Globalement, l’histoire va tourner autour de la pierre philosophale mais dans un monde à part.

Dim D : ah ??

Istin : Tu n’étais pas au courant hein ?? (Rires)

Istin : Je préfère la SF à la fantasy. Il y a quelque chose qui me déplaît dans la fantasy. La SF, c’est encore mieux que ce qu’on imagine. La fantasy, ça limite les choses quelque part. Bon après, on peut parler de space fantasy et de multi-univers (comme il le font dans Lanfeust des étoiles) mais, en fin de compte, c’est quant même la SF qui permet tout. C’est la SF qui pose les vraies questions sur ce qui nous concerne actuellement. C’est pour ça que la SF m’intéresse plus que la fantasy qui ne pose pas vraiment de questions. Il n’y a pas de philosophie dans la fantasy, sauf si on en ajoute, et je l’ai rarement vu en B.D. ou au cinéma. Ce qui m’intéresse ce n’est pas de faire une BD neutre, insipide mais de faire une BD qui s’interroge et pose des questions.

Dim D : Je savais que ton domaine de prédilection, c’est la science fiction, moi aussi d’ailleurs, mais ce n’est pas pour ça que je suis contre la fantasy. Moi par contre, si ça me déplaisait, je n’aurais jamais fait l’album, vu le temps de travail qu’il faut pour faire un album.

Sceneario.com: Tu n’aimes pas un truc mais tu racontes quand même une histoire, je trouve ça étonnant ?
Istin :
Oui, je sais, c’est un paradoxe, mais vous ne trouvez pas qu’il y en a un peu marre des quêtes à tout va ? A la base, j’ai préféré écrire Aleph par rapport au Seigneur d’Ombre sauf qu’avec le Seigneur d’Ombre j’ai pu faire passer certaines choses, et que maintenant, je m’attache aux personnages. Finalement, on retrouvera des classiques. Dans Aleph, il y avait Bessermann et là vous avez Bran. Ils sont très similaires. Et aussi Nawel dans Aleph et Aëlfinn l’elfe dans le seigneur etc. il y a des parallèles.
J’ai tout à fait l’intention de faire une bande d’elfes bouddhistes (des elfes qui croient à la réincarnation et au perfectionnement de soi) et ça m’amusera de poser des questions sur l’éternité. Ceci dit je reste convaincu que le meilleur support pour mes thêmes de prédilections est la science fiction.
Finalement dans Aleph, il y avait aussi des principes d’alchimie, même si je n’étais pas très au point à ce moment la. Et dans le Seigneur d’Ombre, c’est exactement la même chose. C’est une continuité et une amélioration de notre travail. On a beaucoup de choses qui nous déplaisent à la lecture d’Aleph, on n’était pas satisfait de notre travail, l’un comme l’autre. On a essayé de s’améliorer dans le Seigneur d’Ombre. Et si ça se trouve la troisième série sera la bonne.

Sceneario.com: Donc vous préférez la Science Fiction à l’Heroic Fantasy ?
Istin :
Je crois qu’on lit plus de la SF. En dehors, j’aime beaucoup les contes bretons. Et si j’en fait actuellement, c’est que je suis très fan des contes. Je n’aime pas trop la fantasy mais j’aime beaucoup les contes de fées. Et là , dans un sens, je me contredis car c’est vrai qu’il y a un lien entre les deux, la fantasy vient du conte de fée à la base. Le conte est à l’origine de tout.

Dim D : Moi non, le Seigneur des Anneaux, j’ai toujours adoré ça depuis que je suis gosse.

Istin : J’ai aimé à partir de la sortie du film, je n’ai jamais réussi à lire ce pavé alors que j’ai lu Dune et que j’ai adoré. Je suis un gros fan de Dune.

Sceneario.com: Comment on fait pour passer du dessin d’Aleph à ceux du Seigneur d’Ombre ?

Dim D : Bizarrement, je faisais déjà des dessins du type du seigneur avant de faire des dessins dans le style d’Aleph. J’ai peint avant de faire l’encrage. Pour moi la véritable difficulté a été de me mettre à l’encrage. Après les couleurs, je ne maîtrisais pas assez les différentes ambiances, j’ai fait des tests de couleurs sur Aleph, y’a des ambiances que j’arrivais à faire et d’autres où j’étais complètement largué, donc j’étais incapable de faire trois albums complets en couleur. J’ai travaillé la couleur en même temps que les dessins d’Aleph, je faisais de la couleur en parallèle et j’ai appris au fur et à mesure et c’est devenu un challenge, est-ce que je suis capable de le faire ou pas ? Pour moi, c’est toujours une école et un apprentissage.

Sceneario.com: Par contre, ce type de couleur ça doit ralentir la réalisation d’une planche ?
Dim D :
Pire, sur Aleph c’était dix à douze pages par mois, sur le Seigneur d’Ombre c’est 3 à 4 pages par mois pas plus. Et pourtant je travaille autant.

Sceneario.com: On a l’impression qu’il y a plus de détails
Dim D :
Oui, c’est vrai, il y a plus de boulot sur chaque page. Le paradoxe, c’est qu’au niveau dessin, je vais beaucoup plus vite. Le dessin est très léger, la page la plus courte, ça a été deux heures pour la faire en crayonné. Je mets entre deux heures et un après-midi pour le crayonné et tout le reste de la semaine pour faire la couleur de la planche. Et je redessine aussi avec la couleur, il y a des éléments, je les commence au crayon et je dessine le volume directement à la couleur, voir le décor que je fais carrément à la couleur.
La colorisation de l’album, c’est de la couleur directe. Je ne sais pas comment l’appeler en fait pour moi c’est un travail classique sous photoshop, je fais un crayonné léger et après toute la couleur se fait sous photoshop donc ça pourrait être un système de couleur par informatique mais le rendu final vu que les traits sautent, des fois je les garde, des fois je les efface, ça ressemble à de la couleur directe, ça pourrait être de la couleur directe informatique, je crois que ça va être un nouveau terme.

Sceneario.com: Et tu as travaillé planche par planche ?
Dim D :
Oui, car je n’arrive pas à concevoir de travailler case par case. Cela reste de la bd malgré tout, il ne faut pas oublier. Il y a la composition de la planche avec les lignes de force et il y a des règles à respecter.

Sceneario.com: Et la prépublication dans le Lanfeust mag, vous l’avez vécue comment ?
Dim D :
Avec beaucoup de stress, parce qu’on se dit mince l’impression elle n’est pas comme je veux, mince ce n’est pas exactement ce que j’imaginais. Et du coup, tu stresses pour l’album. Entre l’album et le Lanfeust mag c’est différent, la qualité de l’image n’est pas la même. On a souffert au calibrage des couleurs. Il est fait sur une série pour l’impression, et comme la couleur directe n’est pas calibrée comme tout le monde, il manquait de contraste dans le magazine.

Sceneario.com: Ca doit être pareil entre les originaux et l’album ?
Dim D :
Non, elle est assez proche, Soleil m’a permis d’aller en Belgique chez l’imprimeur pour voir l’impression. D’ailleurs je remercie l’imprimeur car il y a eu beaucoup de boulot de rafistolage à droite et à gauche et pour moi c’est très proche de ce que j’ai.

Istin : Tu peux agrandir l’image tant que tu veux, tu vois qu’il y a un boulot de dingue, tu prends une image de l’album, tu l’agrandis à l’écran, elle reste superbe et des fois tu vois mieux les détails.

Dim D : Je travaille toute la texture sur toute la surface de mon écran pour une case qui fait 10 cm dans l’album. Je ne devrais pas, mais je ne peux pas m’en empêcher de le faire. J’ai fait des reflets dans les yeux mais sur l’album ça ne se verra pas, mais je sais que je l’ai fait, j’en suis aussi content, je ne le regrette pas. Pour moi en même temps que c’était un boulot d’apprentissage, c’est aussi un boulot sur soi-même, je me pousse vraiment et je n’ai plus rien à me reprocher. Mais bon, arrivé à la fin, j’ai encore des choses à me reprocher.

Sceneario.com: Jamais satisfait ?
Dim D :
Non, je ne crois pas. Ou alors il faut s’arrêter. Je crois que quand tu es satisfait, il faut s’arrêter. Ca sert plus a rien.

Sceneario.com: Avoir un scénariste qui est lui aussi dessinateur, ça aide ?
Dim D
: Oui, ça aide, forcement

Istin : Tu parles !! (Rires) Ça ne peut pas l’aider, il faudrait qu’il m’envoie le story-board pour que je l’aide. Je ne vois que les pages finies. Il déteste scanner ses planches et les envoyer, et quand il le fait, la couleur est parfois presque finie.

Dim D : Tu en as vu la moitié en story-board, c’est déjà pas mal ! Y’ a des gens qui ne le verront jamais (rires). Et puis je ne déteste pas les scanner, c’est que j’ai la flemme de le faire. C’est que, quand je le fais, j’avance dessus. Quand je scanne et que je l’envoie, et des fois j’ai la réponse 3 jours après, forcement la page est déjà bien entamée.

Istin :Par contre il y a une chose qu’il ne sait pas, et qu’il ne pourra savoir tant qu’il n’aura pas bossé avec un autre scénariste, mais comme je suis dessinateur, je travaille avec d’autres scénaristes. Ils ont une description très littéraire, et ensuite un dialogue. La description est très dure à lire, très littéraire, c’est presque un roman à lire pour une chose qui pourrait être cadrée plus facilement s’ils avaient un regard de dessinateur. Pour ma part, je pense à ce que ça donnera visuellement, et je vais à l’essentiel. Je ne fais pas de longues descriptions avec des éléments que l’on ne voit pas… .Je ne lui décris pas une impression, je lui donne réellement ce qu’il y aura dans la case, et même parfois, je lui laisse imaginer ce qu’il y aura par rapport au dialogue. Quand on connait bien le dessinateur et qu’on est en phase avec lui, on peut lui faire confiance !

Dim D : Au tout début, sur le premier Aleph, tu me fournissais le story-board et ça m’a aidé car c’était mon premier album et je n’étais pas à l’aise mais au bout d’un moment, ça m’a bridé. Car j’avais une case qui arrivait toute faite et je tournais autour de la case sans y parvenir.

Istin : Et en plus tu parles pas de ton esprit de contradiction, dès que je faisais une plongée, tu faisais une contre plongée !

Dim D : Ce n’était pas pour t’embêter, c’est que je la voyais comme ça. Toi tu es grand, tu vois le monde de haut, moi je suis petit, les gens, ils sont grands pour moi, la contre plongée, c’est ma vie ! (Rires)

Sceneario.com: Votre coup de coeur bd ?
Dim D:
Xoco de Ledroit. C’est cette bd la qui m’a fait faire de la bande dessinée et récemment, je redécouvre les albums de Swolfs, le Prince de la Nuit mais je n’ai pas encore lu Légende.

Istin :Je vais reparler de Franck Miller, c’est aussi pour le dessin, la période Daredevil, j’ai adoré Ronin, je suis un gros fan de Ronin et de Dark Knight premier tome. J’adore Sin City. Tout ce qui est Franck Miller, j’aimais ça avant d’aimer la bd franco-belge et mon coup de coeur du moment c’est Algernon Woodcock de Sorel et Gallié.

Sceneario.com: Merci

 


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