Interview

Didier Millotte : De Meilleurs Voeux à Prince Gédéon…

Sceneario.com : Bonjour Didier Millotte ! Pourriez-vous avant tout vous présenter aux lecteurs et nous rappeler votre parcours artistique ?

Didier Millotte : Euh… oui… un parcours lent, un réveil tardif… Quelques cours essentiels et fondateurs aux Beaux-Arts de Besançon (le pays magnifique avec plein de pluie et de froid dedans !), mais surtout un travail d’autodidacte persévérant… Quelques planches de BD dans quelques journaux… Puis deux albums chez Carabas (Meilleurs Voeux), puis un troisième dans la foulée (La greffe d’idées), puis deux albums scénarisés chez Dupuis, un autre dessiné chez Bayard, un autre en préparation pour un magazine, des kilogrammes de projets, adulte et jeunesse, des illustrations pour Nathan, Larousse, Hatier, Lito, des illustrations pour des romans jeunesse… L’écriture d’un roman pour Milan, aussi, et quelques autres dans la foulée, puis un blog de croquis de voyages (Afrique, USA…), un autre blog de "croquis de café", puis un autre blog puis un autre… Tout est encore en germe !

Sceneario.com : Il y a quelques années, oui, vous signiez chez Carabas deux tomes de votre première série : Meilleurs voeux. Depuis, cette série n’a pas été continuée alors qu’il ne vous aurait pas été impossible de donner une autre vie à Abdelhak qui se retrouvait prisonnier en fin de tome 2 de l’amphore de laquelle il avait malgré lui libéré son génie. Qu’en est-il aujourd’hui ? Meilleurs vœux connaîtra-t-elle un jour un tome 3 ?

Didier Millotte : Ah ! J’aimerais bien. J’avais beaucoup d’envie et d’ambition pour cette série. J’avais commencé à écrire un tome 3 où Abdelhak était sorti de son amphore et se voyait être, cette fois, le génie de l’histoire, pour finalement retrouver sa réalité humaine à la fin, après un périple mouvementé et incertain. Il aurait connu ainsi le point de vue de l’humain et du génie. J’aurais aimé passé ainsi d’un génie à un autre d’album en album… J’avais encore plein d’idées. Mais l’éditeur n’a pas voulu continuer.

Sceneario.com : On a compris en tout cas en voyant sortir le tome 1 de Prince Gédéon en juin 2007 que vous n’aviez pas délaissé la BD ! Mais… pourquoi avoir choisi de faire de la BD jeunesse ? Cette orientation s’est-elle faite parce que c’était là un objectif pour vous ou bien aviez-vous aussi dans vos cartons des projets complètement différents mais qui eux n’ont pas retenu l’attention des éditeurs ?

Didier Millotte : J’aime énormément les enfants. J’ai une grande envie d’écrire pour eux, tout comme pour les adultes. J’ai cherché à vendre plusieurs projets ces dernières années, des projets adultes comme des projets jeunesse, qui ont été refusés partout, ou acceptés par des éditeurs qui n’avaient pas les moyens de me payer. J’ai fait plusieurs BD jeunesse courtes dans la presse. J’ai aussi commencé à écrire des romans pour les 6/8 ans. L’un d’eux, Tête de vache est paru aux éditions Milan. Au départ, c’était un projet BD.

Sceneario.com : Un bon scénariste peut-il automatiquement être un bon scénariste pour des titres jeunesse ?

Didier Millotte : Pas forcément, je suppose… Il y a un imaginaire, un ton, une manière de parler de la vie qui s’ajuste au public. Quand j’écris, je ne me pose pas vraiment la question…

Sceneario.com : Comment s’est faite votre rencontre avec Alex Langlois, le dessinateur de Prince Gédéon ? Connaissiez-vous son travail avant ? Travailler à deux a-t-il conduit à des modifications dans vos scénarii ?

Didier Millotte : J’ai écrit Prince Gédéon et j’ai tout de suite voulu travailler ce projet avec un dessinateur plutôt que le dessiner moi-même. J’ai donc cherché quelqu’un. J’ai envoyé des lettres à de bonnes écoles d’illustration. Les Arts Déco de Strasbourg m’ont mis en contact avec Alex Langlois dont je ne connaissais rien. J’ai vu son travail, cela m’a paru très bien pour ce projet. Je lui ai proposé. On a ensuite monté un dossier avec ses dessins, des planches. On l’a envoyé à tous les éditeurs. Dupuis nous a répondu favorablement. Et c’est Laurence Croix qui a réalisé les couleurs.

Sceneario.com : N’y a-t-il pas une certaine frustration à ne plus être aux commandes de 100% d’un album ?

Didier Millotte : Non, au contraire. Je continue à scénariser et à dessiner par ailleurs, et l’expérience d’une collaboration est enrichissante. J’étais curieux de voir ce qu’allait donner un album que j’aurais pensé et écrit seulement, comment le dessinateur allait donner vie aux idées. J’ai eu une autre collaboration en tant que dessinateur avec une scénariste pour Bayard, et cela m’intéresse aussi. Je cherche vraiment à varier les approches de création.

Sceneario.com : Votre public pour Prince Gédéon est forcément différent de celui de Meilleurs voeux. Quel regard portez-vous sur vos jeunes lecteurs ? Avez-vous l’occasion d’en rencontrer souvent ? La communication est-elle aussi intéressante avec eux (lors de séances de dédicaces, par exemple) qu’avec le public adulte ?

Didier Millotte : Bon… sans vouloir vexer les adultes, la communication est plus intéressante avec les enfants !!! En tout cas plus vivante, plus joyeuse, plus expressive. Ils sont marrants et enthousiastes. Et quand ils n’aiment pas, ils vous le disent franco, sans gêne ni mépris. J’ai fait beaucoup d’interventions en école primaire : on travaille ensemble, on collabore, il y a un rapport plus affectif. Avec les adultes, on peut avoir des conversations intéressantes par contre. C’est bien aussi !

Sceneario.com : Un nombre de tomes est-il arrêté pour la série Prince Gédéon ?

Didier Millotte : Non. Mais, en ce qui me concerne, j’arrête l’écriture au tome 2.

Sceneario.com : Une prochaine série ou un prochain one-shot en tant que dessinateur sont-ils à votre programme ?

Didier Millotte : Alors, il y aura la sortie de La greffe d’idées dont je parlais plus haut, aux éditions Carabas, début 2009. C’est un one-shot de 62 pages, un récit adulte ou ados. L’histoire farfelue et délirante d’une transplantation de neurones et de ses conséquences. On pourra même y voir des scanners de mon propre cerveau !!! J’ai fini le dessin et le scénario de cet album il y a plus de deux ans, avant même d’écrire Prince Gédéon. Je travaille aussi actuellement sur un projet jeunesse que je dessinerai, une histoire d’aventures d’un petit garçon au Moyen-âge qui veut devenir chevalier et qui apprendra bien des choses sur la vie. Pour l’instant c’est prévu pour un magazine. Peut-être le sortiront-ils en albums ? Ce sera une série tout à fait différente de Prince Gédéon. Pour un public un peu plus grand. Je collabore également avec un nouveau dessinateur sur un autre projet jeunesse. J’ai écrit le premier tome. Un dessinateur du studio d’animation Folimage développe le dessin. Je prévois la série sur une dizaine de tomes pour l’instant. Et… il y a aussi mon projet de western (http://westernbd.blogspot.com/) dont le développement est bouclé et pour lequel je cherche un éditeur. C’est un projet adulte que j’aimerais réaliser en un seul tome.

Sceneario.com : Et quid d’une bande dessinée pour laquelle vous ne signeriez au contraire que le dessin ?

Didier Millotte : Je suis ouvert à tout. Mais il faut alors que l’histoire me motive beaucoup, ce qui est assez difficile. Pour Bayard, j’ai dessiné une soixantaine de pages de BD qui sortiront en album. C’est l’adaptation de l’évangile, l’histoire de Jésus-Christ. Je n’ai pas écrit l’adaptation : c’est Gwénaelle Boulet qui s’en est chargée. Sur ce projet, j’étais dessinateur seulement. J’en ai profité pour changer ma technique et travailler uniquement au crayon à papier, sans encrage. Ça m’a beaucoup plu !

Sceneario.com : Quels seraient les autres types de projets qui vous intéresseraient ?

Didier Millotte : Oh… il y a beaucoup de choses ! Des westerns, de la science-fiction à la "Stalker", des adaptations de certains romans comme Farenheit 451 de Ray Bradbury, une adaptation de La Belle et la Bête que j’ai commencé à écrire, Brindille, un projet que j’aime énormément, qui part de mes lectures sur l’autisme, une autre histoire qui raconterait les persécutions qu’ont subies les Huguenots sous Louis XIV… Il y a beaucoup de désirs de dessiner, d’écrire et de raconter, de partager. Ce qui me manque, c’est plus un éditeur avec qui avoir un dialogue de travail…

Sceneario.com : Quels sont vos derniers coups de cœur BD ?

Didier Millotte : Je lis en fait très peu de BD. Ces derniers temps, j’ai bien aimé GriGridédé de Benoit Perroud, chez Actes Sud, un premier album émouvant, Martha Jane Cannary, de Christian Perrissin et Matthieu Blanchin, chez Futuropolis, une chevauchée remarquable de Calamity Jane, et puis Colibri de Guillaume Trouillard, une claque graphique et narrative. Et enfin, je suis toujours de près le travail de Nicolas de Crécy qui reste l’auteur que j’admire le plus : L’Orgue de barbarie chez Futuropolis est vraiment fabuleux !

Sceneario.com : Merci d’avoir répondu à ces quelques questions ! Et bonne chance dans tous vos projets !

Didier Millotte : Merci beaucoup à vous. 🙂

Publicité