Interview

Christian et Julien Flamand, ou la BD en famille…

Sceneario.com : Bonjour Chris et Julien ! Père et fils, vous dessinez tous les deux. L’un depuis un certain temps que les moins de vingt ans n’ont pas connu (la grande époque Pif !), et l’autre depuis quelques années, après un temps passé sur les bancs de l’école Emile Cohl. En 2007, vous participez ensemble à un collectif, Projet Bermuda. Ce qui me conduit à vous poser cette première question : un fils qui voit son père gagner sa vie avec le dessin souhaite-t-il forcément faire comme Papa ? (Question subsidiaire : et le petit frère, alors, marche-t-il aussi dans les mêmes pas ?)

Julien Flamand : Gagner sa quoi ?.. 😉

Christian Flamand : En réalité, après l’époque PIF, que Julien n’a pas connue car il est né 2 ans après, j’ai surtout bossé dans le dessin publicitaire, ce qui a entretenu la confusion et lui a fait croire que l’on pouvait facilement gagner sa vie avec le dessin…

Julien Flamand : C’est surtout de l’avoir vu dessiner pendant toute mon enfance qui m’a donné envie de faire ce métier. Et mon frère Victor se destine au métier de photographe : on reste dans les métiers de l’image…

Sceneario.com : Aujourd’hui, votre actualité, c’est la sortie de Quand je serai grand qui est un second album scénarisé par Chris, dessiné par Julien (mis en couleur par Muriel Dutertre) et racontant la vie du premier. On avait lu ça et là que c’est Julien qui avait demandé à son père de scénariser Vacances à Saint-Prix pour lui. Etait-ce au départ plutôt un exercice qui devait rester dans le cadre familial ou bien cet album avait-il été pensé dès le départ pour s’adresser à un public plus large ?

Christian Flamand, Angoulême 2010

Chris : L’histoire de Vacances à Saint-Prix était dans la chronique familiale depuis longtemps… Je racontais souvent cette aventure à table, et les enfants ont bien dû l’entendre 200 fois ! Jusqu’à ce que, vers mes 40 ans, ma mère nous révèle un petit secret de famille, ce qui m’a inspiré la chute.

Julien : Lorsque j’ai eu besoin d’un scénario pour mon diplôme de fin d’études à Emile Cohl, j’ai demandé à mon père de transformer cette histoire bien connue de nous en scénario cohérent. Il ne s’est pas longtemps fait prier pour revenir, 25 ans après, à ses premières amours ! On a assez vite pensé que cette histoire pouvait être publiable, et intéresser des lecteurs au-delà du cercle familial…

Sceneario.com : Quand je serai grand faisait-il partie du même « projet de départ » ou bien est-ce le succès du premier album qui vous a motivés pour travailler au second ?

Chris : Le premier album était vraiment pensé en histoire complète, même si j’aurais encore la matière pour un second volume de Saint-Prix…C’est vraiment au cours des dédicaces, où les lecteurs nous demandaient "Alors, la suite ?", que l’idée nous est venue de travailler sur un second album. Et comme Akileos a été tout de suite partant…

Julien Flamand, Angoulême 2010

Julien : Mais Quand je serai grand n’est pas une suite à proprement parler, même si les personnages principaux sont les mêmes, et que les deux histoires se suivent dans le temps. Les deux albums peuvent se lire indépendamment. D’ailleurs, à Angoulême cette année, beaucoup ont commencé par le second, et sont venus se procurer Saint-Prix après coup.

Chris : Mais il est préférable de commencer par Vacances à Saint-Prix !

Sceneario.com : Quelle est à votre avis la recette pour que l’autobiographie de « quelqu’un de normal » (euh… excusez -moi si je suis vexant !!!) suscite l’intérêt des autres ?

Chris : Ha ha ha ! Je me suis posé la même question à l’époque ! Contrairement à ce que je pensais au début de l’écriture du scénario, j’ai choisi de partir du particulier pour toucher au général. Après de nombreux échanges avec nos lecteurs, j’ai compris que l’intérêt est venu, non pas de la normalité, mais de la façon dont on a raconté cette normalité. C’est davantage l’histoire d’une époque que celle d’un petit garçon…

Julien : …et si tu connaissais mieux mon père, tu saurais qu’il n’est pas si normal que ça !!!

Sceneario.com : Travaillez-vous chacun de votre côté, puisque la technique le permet désormais, ou bien bossez-vous ensemble « physiquement » ? Chez l’un, chez l’autre, ou dans un lieu « neutre » ?

Julien : On travaille les bases lorsqu’on est physiquement ensemble, souvent d’ailleurs dans le train, en route pour les festivals… Mais sinon, l’essentiel de nos échanges se fait par internet, vu que nous habitons à 300 kilomètres l’un de l’autre.

Sceneario.com : Comment intervenez-vous l’un et l’autre dans le travail de l’autre ?

Chris : Lorsqu’on est d’accord sur les grandes bases, j’écris le scénario. Je le dialogue, je le découpe ensuite sous forme de storyboard, avec des indications précises… C’est très important, car cette série fait revivre des personnages et des décors ayant réellement existé. Julien est donc naturellement mon premier lecteur, et il me fait part de ses premières impressions.

Julien : …et inversement concernant le dessin ! Je lui soumets les crayonnés, qu’il me valide (parfois), me fait corriger (souvent), pour arriver au résultat définitif, qui doit nous convenir à tous les deux. C’est des fois assez long. On peut passer une heure à essayer de se convaincre sur une seule case !

Sceneario.com : Julien… Est-ce difficile de trouver ton propre style quand ton Paternel est là à « regarder au-dessus de ton épaule » ? Et… As-tu déjà fait des essais avec d’autres scénaristes, ou seul ?

Julien : Il y a forcément une certaine filiation dans le trait, et aussi dans l’ "esprit" dans lequel nous évoluons. Mais c’est un gros avantage, car personne ne peut comprendre mieux que moi ce que Papa veut décrire et surtout comment il faut le faire ! Sinon, oui, j’ai déjà travaillé avec d’autres scénaristes, 3 pour être exact. Pas jusqu’à l’édition, mais je ne désespère pas !

Sceneario.com : Pouvez-vous nous rappeler comment s’était passée votre recherche d’éditeur ?

Julien : Etonnamment plutôt bien ! Les 16 premières planches ont été publiées dans un collectif, le "Projet Bermuda", comme s’il s’agissait d’une histoire courte. Cet album est arrivé entre les mains de Richard Saint-Martin et Emmanuel Bouteille, fondateurs des éditions Akiléos, qui nous ont écrit pour nous faire part de leur enthousiasme face à cette histoire. Ils nous ont proposé d’éditer "Vacances à Saint-Prix", on a accepté !

Les deux, présentant lors du FIBD 2009 le
visuel de la couv de Quand je serai grand...

Sceneario.com : Quels sont vos projets après Quand je serai grand ? (Toujours en duo ? Une suite à ces deux premiers albums communs ?)

Chris : Depuis un an, on parle de trilogie. C’est vrai qu’il y a la matière pour réaliser un troisième et dernier album pour cette série. On s’interroge encore sur l’angle à adopter, même si on est sur plusieurs pistes… Maintenant que j’y ai repris goût, je réfléchis à la réalisation d’albums en solo… J’aiguise mes crayons ! Et je suis sûr d’une chose, je n’arrêterai plus jamais d’écrire.

Julien : Et bien j’aimerais justement concrétiser les projets entamés avant Saint-Prix et Quand je serai grand…! "Popotin", une série animalière pour les enfants, avec Benjamin Leduc au scénario. "Petite vie", une histoire poético-dramatique en 2 tomes, avec le scénariste Pascal Hennion. Et enfin un dernier projet, qui n’en est qu’à ses débuts, avec Lapuss’.

Sceneario.com : Et au fait, Julien… Réussis-tu à prendre le temps de vivre des choses que tu pourras à ton tour faire dessiner par tes enfants, plus tard ?!?

Julien : J’aurai aussi de quoi faire un album sur mon enfance ! Mais on verra ça pour plus tard, peut-être sur le blog ! Et des histoires, je risque d’en avoir à raconter, car je serai Papa dans un mois ! A voir si elle prendra aussi la relève ! 😉

Sceneario.com : Merci à vous deux ! Bravo pour vos albums, bonne chance à Quand je serai grand, et à bientôt !

Chris et Julien, en choeur : Merci !


Retrouvez les Flamand sur leur blog : flamandpereetfils.wordpress.com/

 

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