Interview

Charlotte BLAZY, Joseph SAFIEDDINE et RENART pour QUE J’AI ETE

Sceneario.com : Bonjour Charlotte, Joseph et Renart ! Pour mieux cerner votre personnalité à chacun et votre place dans l’univers de la bande dessinée, vous serait-il possible de vous présenter et d’évoquer en quelques mots ce qui vous a poussé à franchir le seuil du 9ème art ?

Que j'ai été couv

Charlotte Blazy : Bonjour ! J’ai lu tous les Tintin et Astérix quand j’étais petite, j’ai dévoré XIII au collège, et j’ai découvert Frederick Peeters et Fabrice Neaud en début de lycée… Depuis, les bd envahissent petit à petit mes étagères, mais c’est ma rencontre avec Joseph Safieddine qui a été la plus déterminante dans la décision de raconter mon histoire sous forme de bande dessinée.

Joseph Safieddine : Assez classique, j’aime beaucoup la bd, c’est un moyen assez génial pour raconter des histoires.

Renart : Un moyen très génial même, avec des possibilités de mise en scène, de cadrages et de rythmes quasi infini. C’est cette liberté qui me plait dans la Bd, et c’est pour ça que j’ai toujours voulu faire ce métier.

Sceneario.com : En ce mois de septembre 2010, paraît chez les éditions « Les enfants Rouges » l’album biographique que vous avez concocté en commun, à savoir Que j’ai été. Qui est à l’origine de cette histoire typiquement féminine ?

Charlotte Blazy : L’histoire de Charlie est à peu près la mienne. A un moment de ma vie (et la bd parle aussi de ce moment-là), je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose de cette histoire et j’ai rencontré Joseph, qui passait déjà ses journées à concocter des scénarios, seul ou avec un ami. Ça a été le déclic.

Joseph Safieddine : A l’origine Charlotte trimballait son histoire, et je faisais mes petits scénarios. On a donc décidé ensemble de faire cet album. Et puis il y a de l’action aussi, des explosions, de la baston, ça c’est typiquement masculin !

Sceneario.com : Pourquoi une telle évocation si intimiste et quelque peu douloureuse ? Répond-elle à un besoin de se confier par rapport à un mal-être que tout un chacun peut subir ou plutôt à une attente précise d’un lectorat particulier ?

Que j'ai été extrait 1

Charlotte Blazy : La dualité qui s’exprime dans la bd correspond à une perte d’identité. Pendant un moment, j’ai été perdue, je ne savais plus quelle avait été mon enfance, qui j’avais été. Il me fallait donc reconstruire mon histoire, la mettre en ordre, afin de pouvoir avancer sur un sol plus stable. Et j’ai lu « Comment j’ai tué Pierre », qui est une histoire fascinante et dure, qui m’a bouleversée. Je me suis dit aussi que ce que j’avais vécu est assez banal : passer à côté du drame, ça arrive à « des milliards de petites filles » et de petits garçons, et ça fait du bien de savoir qu’on peut en parler même s’il ne nous est « rien arrivé », parce qu’il n’y a pas que les actes violents qui comptent : le contexte, les paroles, tout ça laisse des marques.

Sceneario.com : Pour les nécessités de cet ouvrage, comment s’est opérée votre association ? Comment vous êtes-vous partagés les taches ?

Charlotte Blazy : J’ai écrit toute la narration presque d’un jet, et ne l’ai retravaillée que des mois plus tard, après que Joseph, Loïc et moi avons organisé tout le récit autour. La bd est construite sur plusieurs époques qui s’entremêlent, c’est une histoire assez complexe, dont la narration est le souffle et le liant. Joseph avait le rôle assez difficile de me séparer un peu de mon personnage, afin que Charlie ait finalement son existence, sa profondeur propre… Même si elle me ressemble ! Quant à Loïc, il a su donner vie au personnage, écouter tout ce que j’avais à dire, avec une intelligence et une délicatesse remarquables.

Joseph Safieddine : Avec Charlotte on a passé beaucoup de temps ensemble à discuter, à se confier, surtout elle. On était très proche à l’époque. Le scénario terminé, on l’a envoyé à Renart, dont je connaissais le blog. Et il a été super emballé ! Il est super Renart.

Renart : Merci Joseph… T’es pas mal non plus.

Sceneario.com : Considérant la particularité très personnelle du récit, on suppose que la touche féminine du groupe a été essentielle. Comment a-t-elle été dosée (car on sait Charlotte très volubile au regard du blog qu’elle gère généreusement – www.charlieoplumes.fr/) et quelle est la part de vérité de cette évocation ?

Charlotte Blazy : ça va peut-être vous étonner si vous connaissez mon blog, mais je ne suis pas aussi bavarde quand il s’agit de sujets « graves ». En l’occurrence, il était important pour moi d’être claire, de construire un récit cohérent, signifiant et riche. J’avais quelque chose à dire, à établir. Mais, okay, j’avoue, on a dû couper pas mal de narration vers la fin de la bd… bon… Je suis bavarde donc. 😉

Pour le reste, je garde une part de mystère…

Joseph Safieddine : Pour le côté volubile, j’ai veillé au grain…

Pour la part de vérité, c’est son histoire personnelle, et notre ressenti.

Sceneario.com : Ne ne vous a-t-il pas été difficile de traiter des problèmes de Charlie ou au contraire est-ce un sujet qui vous a grandement inspiré ?

Charlotte Blazy : Je ne vois pas Charlie comme une « fille à problèmes », mais c’est peut-être parce qu’elle est trop proche de moi ! J’avais besoin de régler cette histoire une bonne fois pour toute, mais je pense que sous un angle particulier, cette histoire parle aussi de ce qui touche tout le monde : la construction de soi à l’adolescence, le rapport de chacun à son histoire et aux autres.

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Joseph Safieddine : Les problèmes de Charl/ie/otte …C’était pas de la tarte. C’était assez intense.

Renart : Assez intense en effet, c’est pour cela que niveau dessin, j’ai voulu faire quelque chose de plus simple que d’habitude. Avec cette histoire assez dure, je pense qu’un dessin plus fin, plus vaporeux convient mieux.

Sceneario.com : La dualité à laquelle est confrontée Charlie est extrêmement forte au point de la perturber au plus haut point. Comment avez-vous travaillé la psychologie de ce personnage ?

Charlotte Blazy : On est partis de mes sentiments et de mon parcours factuel, puis, avec Joseph, on a créé un personnage, Charlie, et on a imaginé son univers : un monde à la fois réaliste et fantasmatique, dans lequel des objets s’animent, parlent, et où les gosses de 7 ans fument comme des pompiers. Mais tout cela contribue à parler de Charlie, de son malaise et de sa façon d’envisager la vie, le monde, son rapport aux autres.

Joseph Safieddine : « Exposez-vous à vos peurs les plus profondes ; après cela, la peur ne pourra plus vous atteindre. » Jim Morrison

Sceneario.com : Quel est votre sentiment par rapport au travail que vous avez réalisé ensemble et par le fait que celui-ci se retrouve en vente chez les libraires ?

Charlotte Blazy : Je ne réalise pas encore très bien… La collaboration entre Joseph et moi n’a pas été tous les jours facile, puisqu’il s’agissait pour moi de lâcher prise et de laisser exister le personnage en dehors de moi. Mais l’avantage c’est que ça m’a préparée à voir Charlie naître sous la plume de Renart ! Et, honnêtement… je suis super fière de nous trois, parce qu’une bd à six mains, d’autant plus que Renart habite Lyon et Joseph et moi en Île de France, ça n’était pas très simple, et ça a pourtant été très joyeux.

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Josep Safieddine : Je suis fier de nous. C’est un petit objet qui nous touche beaucoup.

Renart : Je suis très content. On ne s’est même pas tapé dessus.

Sceneario.com : Renart, la partie graphique qui vous est propre est l’occasion d’apprécier votre trait très rapide agrémenté d’un lavis sépia. Pensez-vous avoir atteint le style que vous vouliez vous imposer ou souhaitez-vous encore le faire évoluer ou le diversifier ?

Renart : J’ai atteint ce que je voulais faire pour cet album, qui nécessitait une approche différente de ma façon de dessiner habituelle. Malgré tout, je ne pense pas avoir trouvé mon approche graphique définitive, encore trop proche du réalisme, et pas assez épurée. Mais je travaille là-dessus. Je n’ai pas envie de m’enfermer tout de suite dans un « style ». J’espère que mes prochains travaux seront encore très différents.

Sceneario.com : Toujours pour Renart : Considérant votre rapidité d’exécution, depuis le début 2010, vous êtes à la tête de 3 albums (Base Neptune, Seconde chance et Que j’ai été). Est-ce à dire que vous êtes un boulimique du dessin ?

Renart : J’ai commencé Base Neptune et Seconde Chance en Aout 2008, mais elle ne sont sorties que cette année, donc en fait c‘est un peu de l’esbroufe. Mais bon, boulimique du dessin ça sonne bien… ouais, disons que je suis un boulimique du dessin alors. La classe !

Sceneario.com : Pour tous les trois : Êtes-vous prêts à renouveler l’expérience de travailler à nouveau en commun ? Auriez-vous déjà un autre projet en perspective ?

Charlotte Blazy : J’ai bien commencé un scénario mais n’en ayant pas encore parlé avec Renart, je ne m’avancerai pas sur cette question 😉

Joseph Safieddine : Pourquoi pas reformer ce trio de folie…

Pour le moment j’espère que Renart va accepter un nouveau scénario…

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Sceneario.com : Indépendamment, possédez-vous d’autres projets susceptibles d’être publiés prochainement ?

Charlotte Blazy : A part des articles et des photos, rien à signaler pour les prochains mois…

Joseph Safieddine : Quelques-uns devraient arriver dans les mois qui viennent, et plus concrètement, « le Monstre » chez Manolosanctis avec Tom Viguier au dessin, que j’embrasse d’ailleurs.

Renart : Oui, je travaille sur deux nouveaux albums chez Manolosanctis, dont le premier tome sortira au début de l’année prochaine si tout se passe bien.

Sceneario.com : Sceneario.com vous remercie pour les réponses que vous avez bien voulu lui accorder et vous souhaite tout le succès possible !

Charlotte Blazy : mais de rien 🙂

Joseph Safieddine : Ça c’est sympa !

Renart : Ouais, très sympa même.

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