Interview

Brüno pour Commando Colonial Tome 2

Pour commencer, pourrais-tu nous raconter ton parcours et comment tu es venu à la BD ?

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Brüno : J’ai toujours aimé la Bande Dessinée et j’en ai toujours plus ou moins fait. Quand j’étais à la faculté d’arts plastiques de Rennes, une bande de copains a monté une structure d’édition « La Chose » (cette structure existe toujours). J’ai alors fait 2 ou 3 albums chez eux. A une époque, je faisais beaucoup de festivals, et à celui de Saint-Malo, en 1997, j’ai rencontré Fredéric Mangé de chez Treize Etrange. Il lançait une collection d’adaptation de romans d’aventures et c’est comme ça que j’ai fait « Nemo ». Ensuite j’ai signé chez Vents d’Ouest et c’était parti !

Aujourd’hui je me consacre à la BD, en faisant aussi quelques travaux d’illustrations à côté.

Pour tes premiers albums tu assurais dessin et scénario, pourquoi te fais-tu accompagner d’un scénariste sur tes albums récents ?

Brüno : Après "Nemo", j’avais du mal à trouver un nouveau scénario. J’avais surtout envie de me consacrer au dessin et à la mise en scène. Je me suis rendu compte qu’en essayant de tout faire cela me laissait toujours des regrets car je n’étais pas réellement satisfait du résultat. J’ai donc eu envie de travailler avec des scénaristes pour me centrer sur le dessin et la narration. Et c’est aussi l’occasion de travailler avec des gens et de faire des rencontres.

Comment s’est créé ton style graphique si particulier ?

Brüno : Je suis parti de mes lacunes techniques car, à la base, je ne me considère pas comme un très bon dessinateur. Ne me sentant pas assez fort pour faire de la BD réaliste, j’ai essayé de développer mon propre style au fur et à mesure des albums. Et le style que j’ai actuellement s’est imposé plus ou moins rapidement, ma priorité étant d’obtenir une narration efficace et un récit fluide.

La colorisation de Laurence Croix sur tes albums tient un rôle important, votre collaboration va se poursuivre ?

Brüno : Nous sommes liés artistiquement depuis "Nemo". J’ai pensé, un moment, travailler avec quelqu’un d’autre. Cela aurait été l’occasion d’une nouvelle rencontre et cela aurait pu donner un élan différent à mes albums. Mais on a décidé de poursuivre notre travail ensemble en arrivant chez Poisson Pilote car notre collaboration se passe vraiment très bien. J’aurai peut-être l’occasion de travailler avec d’autres coloristes sur des récits plus courts.

Peux-tu nous parler de ta rencontre avec Appollo avec qui vous avez deux séries en cours ("Biotope" et "Commando Colonial") ?

Brüno : Elle s’est faite à la fête du livre à la Réunion. Cela date de l’époque où il y habitait (ndlr : aujourd’hui Appollo vit au Congo). Il avait demandé aux organisateurs de m’inviter car il appréciait mon travail. Au début, cela s’est limité à une rencontre sans réelles intentions concrètes. Et au fil des discussions, on s’est découvert une volonté commune de créer un récit de Science-Fiction minimaliste, et c’est comme ça qu’est né « Biotope ». Notre travail se fait surtout à distance, on se voit peu. Par exemple pour « Biotope », on a dû se voir une semaine en cumulé, si on met toutes nos entrevues bout à bout.

Quelle était votre volonté quand vous avez démarré la série "Commando Colonial" ?

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Brüno : On voulait créer une série d’aventures assez classique avec des références comme "Gil Jourdan", "Spirou" ou même "Tintin" mais avec une modernité que l’on peut retrouver dans les récits de Pratt. Au niveau des histoires, on voulait mettre en lumière des aspects plutôt méconnus de la deuxième guerre mondiale. Appollo voulait également traiter, en ligne de fond, le contexte colonial de l’époque. Mais ça, c’est sans doute ses origines insulaires qui ressortent ! On est donc parti sur cinq ou six tomes avec un fil rouge temporel où chaque tome sera la suite directe du précédent. Et on fera sans doute un album centré sur chacun des deux personnages que l’on verra au début de la guerre. Je fais une petite révélation pour les internautes : le prochain tome se passera au Maroc.

Une série comme "Commando Colonial" nécessite beaucoup de documentation ?

Brüno : Oui, je n’ai jamais bossé avec autant de documentation que sur cette série. J’ai notamment beaucoup visionné "Das Boot" (ndlr : excellent film de Wolfgang Petersen qui suit l’équipage d’un sous-marin allemand pendant la seconde guerre mondiale) qui est une référence en la matière. J’ai trouvé cela très utile et maintenant je regrette un peu de ne pas avoir utilisé plus de documentation sur mes précédents albums.

Mais sur "Commando Colonial", même si on prend une base historique, on n’hésite pas à s’en écarter. On brode à partir de faits réels en se basant sur des faits peu connus. Les puristes pourront trouver des erreurs comme par exemple le sous-marin que j’ai utilisé qui n’était pas celui utilisé dans le Pacifique.

Il y a aussi le passage où les sous-mariniers fusillent les rescapés du bateau qu’ils ont coulé. Il me semble pourtant que cela ne se faisait pas à cette époque et qu’ils les gardaient prisonniers.

Brüno : Oui, c’est possible, mais il fallait à ce moment du scénario un passage assez dramatique, quelque chose de dur. Avec cette série, on est plutôt dans le semi-réalisme et c’est notre histoire qui prime plutôt que l’Histoire avec un grand H.

Une des scènes de l’album est dialoguée en allemand, pourquoi ne pas l’avoir traduite ?

Brüno : On avait la volonté de laisser le lecteur dans la même situation que les deux français. Ils subissent sans comprendre ce qui se passe. On se retrouve alors exclu par la langue comme les deux héros. De toute façon même si on ne parle pas allemand, on n’est pas vraiment perdus car cela a été bien géré par Appollo. Un des deux français qui comprend un peu l’allemand traduit l’idée générale pour son compatriote, et aussi pour le lecteur. Et surtout on ne perd pas grand-chose car ce sont des termes descriptifs plutôt techniques qui n’amènent pas grand-chose au récit. Mais en faisant cela, on essaye de désarçonner le lecteur. Cela montre que l’on ne le prend pas pour un idiot. Pour le prochain album, qui se passe au Maroc, peut-être mettra-t-on des dialogues en arabes, qui sait ?

Quels sont tes prochains projets, à part la suite de Commando Colonial ?

Brüno : Ce qui m’occupe actuellement c’est le tome 2 de "Junk" et une histoire courte pour un collectif sur Motörhead qui sort le 1er novembre.

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Quels sont tes derniers coups de cœur BD ?

Brüno : Je lis moins de BD depuis que j’en fais. C’est difficile pour moi de me mettre dans la peau du lecteur car j’ai tendance à tout analyser. Et le pire c’est que cela peut me miner le moral quand un album me met face à mes limites.

Mais récemment j’ai beaucoup apprécié le recueil "Bitterkomix" autour duquel était organisée une exposition au dernier festival d’Angoulême. Toujours venant d’Afrique du Sud, j’ai aimé l’album "Rat et Chiens" de Conrad Botes (merci Appollo pour m’avoir mis ces bouquins entre les mains).

Brüno, merci pour le temps que tu nous accordé et bonne continuation. Un petit lien pour les internautes qui voudraient poursuivre la décourverte de l’auteur : blog de Brüno

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