Interview

Arnaud Quéré nous invite au Paradis !

Sceneario.com : Bonjour Arnaud ! Quand as-tu ressenti le besoin, l’envie, de parler en BD de ton enfance ? Quel a été le déclencheur du projet ?

Arnaud Quéré : Bonjour, l’enfance est un thème qui me tient très à cœur depuis longtemps. C’est un projet très personnel que je ne pouvais forcément pas partager avec un scénariste.
J’ai donc dû attendre plusieurs années afin de me sentir capable d’écrire un scénario.

Sceneario.com : Pourquoi avoir choisi la BD pour cette autobiographie ? Quels sont ton parcours, ta formation artistique ?

Arnaud Quéré : La BD s’est imposée tout naturellement. Il faut dire que j’en suis lecteur depuis très très longtemps, on pourrait presque dire que j’ai appris à lire dans les albums de Gaston Lagaffe que m’apportait mon père libraire. La BD offre une liberté d’expression devenue assez rare dans notre société. Elle offre également un grand choix de narrations et de styles graphiques. C’est après le Bac que j’ai intégré l’école « Emile Cohl » à Lyon, une école de dessin académique avec une spécialisation illustration et BD. Ensuite, j’ai fait l’école des Gobelins, à Paris, spécialisée dans le cinéma d’animation. J’ai travaillé ensuite un petit peu dans le dessin animé sur Lyon, puis comme designer papier, animateur, puis directeur artistique dans le jeu vidéo. C’est là que j’ai rencontré le scénariste Philippe Ségard avec qui nous avons fait un cycle de trois albums aux éditions Carabas (Echec et automates). Je me suis ensuite mis au scénario sur des petits albums jeunesses « Le cochon qui crie au loup » et « Le manchot » (qui sortira en fin d’année) que j’ai dessinés pour les éditions Carabas. Après ces expériences, je me suis donc senti capable d’aborder seul mon projet sur ma jeunesse : Un air de paradis. Bien sûr, comme beaucoup d’auteurs BD, je travaille à côté comme illustrateur dans la presse, l’édition et le jeu de société.

Sceneario.com : Comment as-tu fait le tri pour nous présenter les choses dans ce dont tu t’es souvenu ?


Arnaud Quéré :
J’ai fait une selection des thèmes que je voulais aborder comme la famille, les jeux, les odeurs, le bar de mes grands-parents etc. Je voulais des thèmes suffisamment « larges » pour qu’ils puissent parler à tout un chacun… Ensuite, j’ai rassemblé tous mes souvenirs, et je les ai triés pour n’en garder qu’un ou deux par thème. C’est assez dur d’enlever certaines anecdotes sympas, mais il ne fallait pas de « double emploi » afin de garder un rythme agréable.

  


Sceneario.com : Quelle importance ont pris les albums photo familiaux et les témoignages des autres pour réaliser Un air de paradis ? 

Arnaud Quéré : Je me suis bien sûr servi des albums familiaux pour certains portraits, mais uniquement pour ça. Je voulais garder le côté « souvenir » . Ce n’est pas grave si des fois mon souvenir n’est pas vraiment exact, car c’est justement ça le charme du souvenir.

Sceneario.com : Tes proches ont-ils porté un regard sur ton travail pendant la réalisation ? T’ont-ils rappelé des détails ou donné des conseils qui t’ont fait modifier des choses ?

Arnaud Quéré : J’ai bien sûr demandé à mes frères s’ils se souvenaient de certaines anecdotes sympas, et certaines sont dans le livre grâce à eux. Mais j’ai fait le livre dans mon coin, sans leur montrer. Je préfère montrer mon travail une fois terminé.

Sceneario.com : Il n’y a pas de dialogues dans Un air de paradis mais une voix off. On ne t’y voit pas, non plus, puisqu’on voit avec tes yeux. Et même des souvenirs « vivants » (comme la table de ping-pong autour de laquelle il y a eu bien du mouvement !) sont dessinés comme des natures mortes… Pourquoi avoir choisi de raconter avec les yeux de l’adulte plutôt qu’avec ceux de l’enfant ?

  

Arnaud Quéré : C’est un parti pris. J’aurais bien sûr pu partir du regard de l’enfant, mais j’aurais dû à ce moment-là me mettre beaucoup plus en avant. Mon souhait était au contraire de me mettre un peu en retrait pour laisser le lecteur au premier plan, en espérant qu’il se replonge à son tour dans sa propre enfance. Je souhaitais vraiment que le lecteur puisse se reconnaître à un moment ou à un autre dans sa propre enfance. Je suis d’ailleurs ravi d’une part que Edmond Baudoin ait fait ma préface, mais aussi qu’il parle justement de ça. Que même si mon enfance n’a absolument rien à voir avec la sienne, il a pu s’identifier au personnage.

Sceneario.com : Le noir et blanc s’est-il imposé naturellement ou bien pour des raisons techniques ? Penses-tu que la couleur aurait pu apporter ou trahir quelque chose à tes souvenirs posés sur le papier ?

Arnaud Quéré : J’aurai pu réaliser l’album en couleur, je l’aurais traité différemment bien sûr, mais ça aurait pu fonctionner de la même façon sans être mieux ni moins bien. Je fais des croquis sur des carnets depuis très longtemps pour mon plaisir, des paysages, de l’architecture, etc… J’ai commencé par les faire au feutre, puis au stylo à bille, et enfin au feutre-pinceau. C’est en montrant des croquis que j’avais réalisés en Italie à mon ami Mouloud, que celui-ci m’a encouragé à faire une BD avec le même traité graphique, avec ce côté « carnet de voyage ». J’ai donc repensé à mon projet sur l’enfance, et c’était parti ! Je suis donc retourné sur les lieux de mon enfance et j’ai réalisé Un air de paradis en me balladant à la campagne, mon carnet de croquis à la main. Toutes les cases sont donc réalisées directement sur place, justement pour garder le côté « carnet de voyage ». J’ai intégré ensuite les personnages chez moi.

Sceneario.com : As-tu été libre sur le nombre de pages ? Aurais-tu pu ou voulu en rajouter davantage ? Et à propos du format ?

Arnaud Quéré : Oui, Marie Moinard, mon éditrice, m’a laissé une grande liberté. J’aurai pu en faire le double, mais, encore une fois, tous les thèmes que je voulais aborder étaient là, et ça aurait fait double emploi. Le format à été décidé par Marie, qui voulait sortir un peu des albums standard pour ce genre de projet. J’aime d’ailleurs beaucoup ce format, proche du roman.

Sceneario.com : Tu as d’autres passions que la BD. La réalisation de figurines, par exemple. Parle-nous un peu de cela. Y a-t-il un site où on peut découvrir ces réalisations ?

Arnaud Quéré : Oui, je n’ai pas assez de temps pour réaliser tout ce que je voudrais faire dans d’autres domaines. J’adore la sculpture, je fais pas mal de modelages en terre synthétique, mais aussi des constructions en bois légers. Récemment, j’ai fait un tabouret « cochon » à partir d’une souche de cerisier. On peut voir tout ça sur mon site, ainsi que bon nombre d’exemples de mes travaux d’illustrations. L’adresse est la suivante : http://arnaudquere.club.fr

Je vais d’ailleurs y mettre en ligne prochainement un court métrage d’animation que j’avais réalisé en pate à modeler à partir de ma BD « le cochon qui crie au loup ».

Sceneario.com : Une autobiographie comme la tienne est très personnelle. Qu’est-ce qui fera à ton avis que les gens vont vouloir s’y plonger ? Penses-tu qu’avec le temps qui passe et l’évolution de la société, les enfants d’aujourd’hui pourront avoir des souvenirs aussi forts que sont les tiens pour toi ?

Arnaud Quéré : J’espère vraiment qu’à travers mon autobiographie, les lecteurs se replongeront dans leurs propres enfances. Je n’ai pas voulu que le thème du livre soit « mon enfance » mais plutôt « l’enfance » de manière générale. La préface de Baudoin m’a bien rassuré là-dessus ! Bien sûr, la société évolue, mais même si la campagne comme je l’ai connue tend à disparaître, je pense aussi que si mes souvenirs sont si forts, c’est surtout grâce à ma famille. J’aurais sans doute eu une enfance aussi magique dans un autre lieu avec une telle famille. Je termine d’ailleurs le livre là-dessus. Même si la société change, il y aura toujours des adultes formidables pour donner de merveilleux souvenirs à leurs enfants.

 

  

Sceneario.com : Et toi, as-tu des enfants ? Si oui (ou quand tu en auras), que fais/feras-tu en tant que père pour leur assurer des souvenirs assez forts pour qu’ils aient envie d’en parler ?!
Arnaud Quéré :
Je n’ai pas encore d’enfants, mais je pense qu’en les stimulant et en leur donnant envie d’être curieux des choses, d’apprécier les choses simples, les travaux manuels, l’imagination etc… et bien sûr de les aider à trouver leur propre voie, ils connaîtront à leur tour cet « air de paradis » !

Sceneario.com : Merci, et longue vie à Un air de paradis !

Arnaud Quéré : Merci beaucoup.

Sceneario.com : Avec plaisir !

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