Interview

Antoine Ozanam pour Seconde Chance

Sceneario.com : Bonjour Antoine, avant tout chose on peut peut-être commencer par la fameuse question : quel est ton parcours ?

Antoine Ozanam : J’ai mis longtemps à comprendre qu’il y avait plusieurs métiers dans la BD. Donc j’ai suivi un cursus artistique. Je suis passé en coup de vent à saint Luc à Bruxelles et je me suis orienté dans la vidéo. Je suis revenu à la BD par la suite comme scénariste ce qui me convenait mieux.

Sceneario.com : Tu es un auteur qui aime aborder des genres différents avec souvent un esprit de liberté. Quelle est ta démarche en tant que scénariste de bandes dessinées ?

Antoine Ozanam : Résumer ça avec le mot liberté, c’est plutôt bien. Enfin, j’espère tendre vers la liberté. C’est un long parcours. Autant dans l’approche narrative que graphique. Mais pour dire vrai, j’y vais au feeling. La rencontre avec les dessinateurs fait le tout. Il faut que j’aime le dessin de l’auteur et après on parle ensemble. Si on trouve un truc qui nous amuse à deux, alors je fonce.

Sceneario.com : Quelle est l’histoire de cet album, tu peux nous raconter sa genèse ?

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Antoine Ozanam : J’ai fait une histoire courte pour Spirou spécial Saint valentin, il y a deux trois ans. J’aimais bien les personnages et je voulais continuer à les faire vivre. Mais l’histoire que j’avais pour eux ne pouvait pas coller pour Spirou. J’en ai donc parlé à Didier Borg, mon directeur de collection chez Casterman. Et après tout est allé très vite.

Sceneario.com : Seconde chance est le deuxième album de Renart, tu peux nous parler un peu plus de ce tout jeune auteur ? Votre rencontre, vos échanges…

Antoine Ozanam : En fait, Seconde chance est son premier album. Il l’avait terminé avant base neptune. Pour la petite histoire, Renart m’a envoyé un mail quinze jours après ma discussion avec Didier sur le projet. Il me disait qu’il avait envie de bosser avec moi. On a parlé ensemble et je lui ai proposé le scénario. Renart est un mec qui tombe les projets plusvite que son ombre. C’est un chien fou mis bourré de talent. Nous allons nous mettre sur notre deuxième et troisième projet ensemble dès la rentrée…

Sceneario.com : Pour revenir sur le scénario en lui-même, il y a quelque part une petite provocation dans cette « seconde chance ». Qu’est-ce que tu recherchais ?

Antoine Ozanam : Là franchement, je ne vois pas de quoi tu parles… si c’est le fait que je parle de la religion (ou j’utilise des personnages liés à l’imaginaire religieux), je trouve que c’est de la provocation ventre mou. Je ne suis pas croyant mais je trouve intéressant l’iconographie religieuse. Et je l’utilise en espérant justement ne choquer personne. Ce n’est pas le but. Pour cette histoire l’unique but, c’était de s’amuser.

Sceneario.com : Le héros de l’histoire est une femme évoluant dans un milieu d’hommes. Tu peux nous en dire d’avantage sur le choix de tes personnages ?

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Antoine Ozanam : Justement, souvent j’écris des histoires qui se passent dans un milieu « d’hommes». Sans doute parce que je trouve ça flippant. Ce n’est pas vraiment des milieux que j’aime. Le fait d’y faire entrer une femme, c’est un premier pas. Vers une envie de plus de liberté. En racontant un autre genre d’histoire…

Sceneario.com : L’histoire de Marianne est constamment entrecoupée de témoignages et malgré tout la lecture reste très fluide. As-tu rencontré des difficultés à mettre en place ce schéma de narration ? L’as-tu plus vécu comme une contrainte volontaire ou à l’inverse comme une liberté supplémentaire ?

Antoine Ozanam : Hé hé; en fait, le but du jeu était de faire une histoire en écriture pratiquement automatique. Dès l’histoire courte, il y avait cet aspect “témoignage”. Et j’ai remarqué que cela me permettait de recadrer l’histoire quand j’allais trop loin dans la liberté. C’est un truc que je voulais faire depuis longtemps. L’album a été entièrement terminé il y a plus d’un an. Quand celui de Marc-Antoine Mathieu est sorti et que j’ai vu qu’il utilisait le même procédé, j’étais assez vert. Mais je trouve que ce procédé est vraiment efficace. C’est bizarre qu’on ne l’utilise pas plus souvent.

Sceneario.com : Où trouves-tu ton inspiration ? Tu peux nous dire s’il y a des auteurs ou des artistes qui te guident dans ton travail ?

Antoine Ozanam : Il y a des gens que j’admire énormément. Des écrivains dont la liberté justement est totale. Basara, Beckett, Palahniuk, Hilsenrath par exemple. Ces types semblent écrire ce qu’ils veulent. C’est rassurant. Bizarrement, ils sont tous considérés comme des provocateurs.
Mais quiconque me raconte une véritable histoire me donne envie d’écrire. Le dernier livre de Michael Chabon me file la pêche en ce moment pour me mettre au travail le matin.
Après, je ne pense pas que ça soit forcément de l’inspiration. Plus des guides effectivement. Pour rester sur la BD, chaque album d’Andréas me fait cet effet là. En plus, il se permet de tuer tout le monde au dessin, comme si cela ne suffisait pas de le faire scénaristiquement. Et puis il y a des gens comme Peter Milligan ou Ed Brubaker qui m’influencent plus. J’accroche vraiment à leur façon de poser les choses.
Et point de vu influence, il y a un tas de gens en musique. C’est bête à dire mais ça reste mon influence principale. J’écoute un morceau et les images viennent…

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Sceneario.com : Dans Seconde chance, on relève quelques clins d’oeil au cinéma de Tarantino, le dessin de la couverture fait penser à l’affiche de Pulpe fiction et lors du hold-up de la banque à la fin de l’album un des braqueurs est appelé Orange comme dans Reservoir Dog. Que représente ce réalisateur pour toi ? Quelle est la portée de ces clins d’oeil ?

Antoine Ozanam : Là, c’est vraiment pour rire. En fait, depuis un petit temps, certaines personnes avaient critiqué mes précédents albums en citant Tarantino, ce que j’avais trouvé un peu facile et surtout débile. Comme ce mec a pompé à droite à gauche, je trouve ça excellent de faire référence à lui. Comme si les autres n’avaient pas vécu. Donc là, je me suis dit « allez, cette fois-ci, ils citeront le bon mec ». ceci dit les deux films que tu cites sont les seules que je trouve intéressants de Tarantino.

Sceneario.com : Dans Le chant des sabres, L’Amourir ou Seconde chance, l’Amour, la Passion sont au cœur même du récit. Tu aimes mettre en scène ces sentiments ?

Antoine Ozanam : Voilà, c’est le virage dont je parlais tout à l’heure. C’est moins « milieu de mecs » et je m’y trouve plutôt à mon aise. Comme dans la vraie vie le sentiment amoureux est le truc qui me préoccupe le plus, je trouve ça chouette de faire partager ça avec les lecteurs…

Sceneario.com : Tu sembles te plaire dans la collection KSTR de Casterman ?

Antoine Ozanam : Je suis d’un naturel fidèle. Si l’éditeur l’est aussi, tant mieux. En fait, les gens de chez Casterman écoutent ce que j’ai envie de faire. Et j’ai l’impression qu’on se comprend. Donc, oui, ça me plait bien. Même si les choses sont différentes, ça me rappelle aussi la collection roman [à suivre] ; avec cette forte pagination. C’est très chouette aussi de pouvoir raconter une histoire de bout en bout sans avoir peur qu’on vous coupe la fin parce que les chiffres de vente ne sont pas là.

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Sceneario.com : Tu as d’autres projets ?

Antoine Ozanam : Mine de rien, je continue de travailler pratiquement avec tous les dessinateurs avec qui j’ai fait un album. Donc ça commence à faire pas mal de projets. Pour les plus avancés, il y a un nouvel album que je fais avec Guillaume Singelin. Ça s’appelle pills et ça sort en septembre chez KSTR. Ensuite, il y aura une trilogie, Les âmes sèches, dessinées par trois dessinateurs différents dont chaque tome fait 115 pages. C’est toujours chez Casterman et ça devrait sortir en début 2011. Peu après, il y aura la fin de We are the Night chez Ankama et le premier album d’une (vraie) série chez Lombard avec Joel Jurion. Le reste n’est pas encore terminé…

Sceneario.com : Antoine, merci et à bientôt !

Antoine Ozanam : Merci à vous.

Site d’Antoine Ozanam : http://ozanambd.blogspot.com/

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