Interview

Alec SEVERIN

Alban Jarry : Alec Séverin, vous êtes presque le seul auteur à connaître toutes les facettes des métiers de la bande dessinée : Scénariste, dessinateur, éditeur, imprimeur et relieur. Pourquoi une telle spécificité ? Comment vous est venue l’envie de réaliser intégralement la réalisation d’un album ?
Alec Séverin : Le concept DE L’UNIVERS D’HARRY m’oblige à pratiquer tous ces métiers ; IL est constitué de publications de toutes sortes ; les albums de BD édités intentionnellement sous diverses formes, des portfolios et autres ouvrages « d’archives » … Je dois même endosser la veste de critique sous le nom de Harold Raymond, afin de décortiquer « l’antique oeuvrette » … Il faut que tout ça soit crédible et semble sortir du passé …Je suis heureux de jouer tous ces petits rôles …

Alban Jarry : Pouvez-vous parler un peu plus de chaque étape ?
Alec Séverin : J’ai en tête, depuis bien longtemps, l’organisation de cet univers, et la fabrication de livres à l’ancienne m’a toujours amusé ; je reliais les planches de Rusty Riley (découpées dans des « Spirou » incomplets) en jolis albums, alors que je n’avais pas douze ans … Toutes les étapes se chevauchent et s’interpénètrent selon mes envies du moment. Pendant que je relie, des idées me viennent et je les couche suR papier. Je réfléchis pendant que je dessine, aux différentes formes que pourra prendre l’ouvrage terminé, je fais des croquis, des plans, des maquettes.

Alban Jarry : Concernant votre style graphique, on le qualifie souvent de « rétro » réaliste, comment le qualifiez-vous ?
Alec Séverin : C’est probablement un amalgame de mille choses que j’ai aimées et qui me touchent encore … Je suis très fidèle à mes lectures de jeunesse … La magnifique page de « Connie », de Frank Godwill, découverte dans « La bande dessinée » (de Gérard Blanchard, chez Marabout) m’a extrêmement ému … Les albums de « Flash Gordon » d’Alex Raymond (à la Serg) m’ont estomaqué … Les « Jerry Spring et les Valhardi » de Jijé m’ont enthousiasmé, « Le secret de l’espadon » de Jacobs m’a fait rêvé … et moi … je fais ce que je peux … avec mes faiblesses …

Alban Jarry : Croyez-vous que le style « rétro réaliste » a encore un avenir et qu’il sera utilisé à l’avenir par de nouveaux dessinateurs ?
Alec Séverin : C’est vraiment une très curieuse question, car je pense que c’est un style -puisque vous prétendez qu’il existe-  qui découle du fait que l’artisan, qui l’exerce, le fait par affection pour ce qui a été réalisé dans le passé par ses prédécesseurs … Les jeunes dessinateurs d’aujourd’hui ont probablement plus d’affection pour ce qui a été produit il y a dix ou vingt ans maximum … Le style « rétroréaliste » de demain sera peut-être imprégné des séries tout bonnement « réalistes » d’aujourd’hui. (Mais je n’ai peut-être pas très bien saisi le sens de votre question …)

Alban Jarry : Essayez-vous de temps en temps de changer de style pour aborder de nouvelles facettes du dessin ?
Alec Séverin : J’expérimente sans arrêt de nouvelles techniques d’encrage ou de coloriage, je dessine très vite ou parfois avec une méticulosité maladive, je tente de reproduire, en pressant ma mémoire, le plus exactement possible, une anatomie et sur un autre travail, c’est l’esthétique et non pas la « justesse » qui prime … Mais je n’ai pas la prétention d’innover en quelque matière que ce soit.

Alban Jarry : Ce qui frappe souvent, dans la bande dessinée actuelle, c’est que les dessinateurs ont des styles assez proches, en revanche, le vôtre s’identifie au premier coup d’?il. Etes-vous satisfait de vous différencier de la sorte ?
Alec Séverin : Il y a probablement « des écoles », certains dessinateurs utilisent des trucs, des méthodes utilisées dans le dessin animé … La forme est belle, l’effet est saisissant, mais ce n’est pas la justesse qui est recherchée, je pense … C’est comme dans beaucoup de mangas … C’est percutant, c’est codé … Personnellement, cela ne me touche pas et me met mal à l’aise … Mais vous avez Rossi, Guibert, Bézian, Cabanes et pleins d’autres aux styles très originaux.

Alban Jarry : Nombre d’auteurs, et non des moindres, vous considèrent comme un brillant artiste, largement sous-évalué par les éditeurs. Comment ressentez-vous cette situation ?
Alec Séverin : Je vais me faire des amis : les éditeurs d’aujourd’hui sont de grands garçons qui espèrent être sûrs de savoir ce qui va leur rapporter beaucoup de gros sous, je ne pense pas qu’ils me sous-évaluent, car ils ont raison, je ne risque pas de leur rapporter beaucoup de gros sous, quant aux auteurs en question, ils sont trop gentils à mon égards (à mon avis)

Alban Jarry : Malo Kerfriden a accepté de répondre à des questions sur votre ?uvre qu’il apprécie, que pensez-vous de cette marque de reconnaissance ?
Alec Séverin :  Le garçon est trop gentil à mon égard (à mon avis)

Extrait de la discussion avec Alec Séverin, vous pouvez en retrouver la totalité sur http://oeuvreseverin.free.fr ainsi que des discussions avec Alain Maes, Eric Herenguel, Florent Heitz, Franck Biancarelli, Malo Kerfriden et Michel Schetter (ainsi que d’autres à venir).

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