MC CAY
Intégrale

(Intégrale qui regroupe les 4 volumes de la série: "1 – La balançoire hantée", "2 – Les Cœurs retournés", "3 – Le gardien de l’aube" et "4 – La quatrième dimension", plus un portfolio de 24 illustrations inédites ou Bramanti revisite les principales scènes de la série)
Winsor McCay n’est alors qu’un jeune dessinateur prodige de 20 ans, en 1889 à Detroit, lorsqu’il rencontre Charles Hinton, un scientifique qui travaille sur "La quatrième dimension", une théorie selon laquelle il existerait une sorte de dimension liée à l’imagination, ou tout serait inversé. Un peu à la façon de ce que décrivait Lewis Carroll dans "De l’autre côté du miroir". Le soir ou McCay se rend chez Hinton, il fait l’expérience d’un premier voyage dans ce monde parallèle, ce qui va le perturber durablement et provoquer en lui l’émergence de ses premiers rêves, qui vont l’amener à réaliser plus tard ses deux célèbres séries: "Dreams of the Rarebit Fiend" et "Little Nemo in Slumberland"…
Quatre ans plus tard, il assiste à l’exposition universelle à Chicago, il y retrouve un ancien camarade croisé à Detroit, un certain Silas. Ce dernier est un syndicaliste chevronné qui ne cesse de porter un regard presque méprisant sur McCay. Toutefois il apprend à ce dernier qu’il a lui aussi rencontré Hinton et qu’il aurait été sensibilisé à ses théories. Ça n’est que bien des années après, en 1907, que McCay va comprendre l’ampleur de ce que lui a révélé Silas, alors qu’une vague de morts étranges défraie la chronique…

Par fredgri, le 22 novembre 2017

Notre avis sur MC CAY #Int. – Intégrale

Si, comme moi, vous aimez la bande dessinée, vous ne pouvez ignorer l’importance capitale qu’a eu Winsor McCay sur le médium, de même que ses expérimentations dans le dessin animé, plus tard ! C’est donc avec fascination que je me suis plongé dans ces planches, tout en sachant qu’il s’agissait ici bien plus de l’auteur lui même que des ses créations !

Mais Thierry Smolderen et Jean-Philippe Bramanti opte pour une approche mêlant fiction et détails biographiques. Il ne s’agit pas complètement de rester fidèle à une simple réalité, mais d’y rajouter deçi delà des hypothétiques rencontres et une dimension fantastique qui permet de comprendre à la fois l’homme, son œuvre et sa démarche, tout en inscrivant le récit dans une intrigue particulièrement captivante et édifiante.

Ainsi, nous rencontrons le jeune McCay au moment ou il commence à se faire remarquer par ses talents de virtuose, tant dans les portraits qu’il brosse sur les foires que dans les compositions exigentes qui fascinent déjà les visiteurs. Le jeune homme doute beaucoup de lui, a conscience que malgré cette petite réputation qu’il se fait il a encore beaucoup de choses à apprendre, ce qu’il va vite faire sur le tas, en devenant illustrateur itinérant. Il rencontre alors les deux hommes qui vont changer à jamais sa vie, tout du moins dans la logique du scénario de Smolderen, c’est à dire Charles Hinton qui va lui parler pour la première fois de cette mystérieuse "Quatrième dimension", et Silas qui va venir régulièrement croiser son chemin, qu’il s’agisse de la foire ou il présente une troublante balançoire vertigineuse, que plus tard en tant que membre très actif des syndicat d’ouvriers, limite anarchiste virulent, ou finalement comme spectre menaçant revenu à la vie !!!
Ces rencontres sont importantes, car d’une part elles vont provoquer chez McCay de violents cauchemars qu’il va décider d’exploiter ensuite dans "Dreams of the Rarebit Fiends", ou encore des visions plus "légères" dans "Little Nemo".
On se doute que ces "explications" fictives de Smolderen ne sont que pures spéculations fantaisistes, toutefois elles mettent en perspective l’obsession de McCay sur cette matière onirique et sur cette richesse inventive qui s’en dégage, tout en insistant sur le fait que McCay s’inscrit dans une époque ou de nombreuses recherches scientifiques et culturelles viennent redessiner le monde qui l’entoure… Qu’il s’agisse certes des recherches de Hinton, mais aussi des premiers films, de l’explosion des strips qui élargissent les possibilités de la bande dessinée, et plus lointainement des théories psychanalytiques comme celles de Freud.
L’artiste évolue dans une époque en pleine effervescence et cela va très vite marquer son travail et la curiosité qu’il va rapidement manifester pour les techniques émergentes comme l’animation !

Peut-être que le personnage se cantonne, par contre, un peu trop dans une sorte de caractère tranquille, presque nonchalant, au point ou son travail créatif semble bien plus être une sorte de passe temps, moins passionnant que ses aventures et ses rencontres. On a bien quelques interventions de Nemo deçi delà, avec de très jolis passages ou McCay discute avec sa création et évolue dans Slumberland, mais globalement il est bien plus question de comprendre l’univers de l’artiste et ainsi, en parcourant ses strips ensuite, d’y appréhender plus subtilement sa sensibilité !

Toujours est-il que le scénario de Thierry Smolderen, lu ainsi sous forme de Roman Graphique entier, d’un bloc, comme il a été pensé dès le début, reste extrêmement intéressant et immersif. On se prend rapidement au jeu de cet artiste qui plonge dans une aventure passionnante, une sorte de long thriller lent et intrigant. Une écriture pleine de finesse qui fait réfléchir et qui donne surtout envie de vite redécouvrir les strips de ce virtuose !

Et je dois bien dire que le choix de Jean-Philippe Bramanti, aux antipodes du style de McCay, est particulièrement judicieux. Son trait faussement "ébauché" (je m’exprime mal sur ce coup, je veux juste dire que son dessin donne l’impression de ne pas toujours être très poussé, alors que c’est une retenue graphique spontanée qui joue très habilement sur la surexposition, sur les masses, les ombres, les formes presque floues…) installe des ambiances réalistes absolument magnifiques. Il ne s’encombre pas des détails, préférant travailler son trait vif et ses noirs très contrastés. Et plus nous avançons plus son trait se fait sec, ses noirs plus profonds et ses lumières plus marquées. McCay devenant à la limite une série noire…
Dans le portfolio inédit de 24 pages, Bramenti revisite, quelques 10 ans après avoir terminé sa dernière planche, les principales scènes de la série au travers d’une succession de fausses couvertures/affiches sublimes qui se réfèrent aux illustrations des années 40/50. Noirs et blancs fascinants qui montrent bien l’évolution de son dessin et sa maitrise de la lumière !

Un gros volume savoureux que je vous conseille vivement. Incroyable voyage au pays de Winsor McCay !

Par FredGri, le 22 novembre 2017

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