Zaï Zaï Zaï Zaï

Au moment de payer ses courses à la caisse d’un supermarché, un auteur de BD découvre qu’il n’a pas sa carte de magasin. Le vigile intervient. L’auteur pête un plomb, s’empare d’un poireau et le braque avec. Puis il s’enfuit alors que l’homme de la sécurité le menace de faire une roulade arrière.

Pendant que la caissière est réconfortée par ses collègues, la police est alertée, les médias rappliquent et la traque commence. L’auteur de BD récalcitrant, devenu l’ennemi public numéro 1, traverse lui le pays en faisant du stop. Il se questionne sur son existence tandis que le pays ne parle que de lui. Les uns critiquent ses œuvres récentes, les fascisants le haïssent, des artistes lancent un disque pour le soutenir, d’autres compatissent. La machinerie sociétale s’est mise en marche…

Par geoffrey, le 14 mai 2017

Notre avis sur Zaï Zaï Zaï Zaï

On connaissait déjà le talent de Fabcaro à détourner les objets du quotidien en parodie, comme dans La Bredoute. L’auteur issu de l’école de Fluide Glacial et du Psikopat récidive ici dans un objet atypique, sorte de mix entre un road-movie et un fait-divers improbable. Tout part d’un incident anodin, l’oubli de sa carte de fidélité (NDLR : je ne jette la pierre à personne, ça peut arriver à tout le monde !), qui dégénère en une crise face à laquelle chaque habitant du pays selon son milieu d’appartenance, sa profession (médias, police…), la proximité avec l’ennemi numéro 1 va se positionner. Ainsi, les voisins sont-ils dans « l’incompréhension totale », « la stupeur » et sentent « un climat d’insécurité croissant » (cf. la planche en extrait).

A travers cette histoire à l’absurdité jubilatoire, à l’ironie tordante, Fabcaro raconte la transformation en « criminel » d’un individu banal, la fabrique d’une dérive dans notre société d’hyper-consommation. Il en ressort une impression de déjà-vu, mais dans une dimension parallèle, ubuesque. L’impression est renforcée par la répétition des mêmes dessins sur un gaufrier de 6 cases avec un simple aplat de couleur verdâtre. C’est comme un roman-photo, mais en dessin.

Le propos de l’auteur s’avère d’une profondeur certaine à la fois sur notre société, sur l’Autre et sur l’art. Il parvient à nous faire toucher du doigt notre fonctionnement aveugle, notre tendance à nous fondre dans un moule comportemental tout à fait prévisible. Fabcaro, lui-même, qualifie son oeuvre de "politique" tant il est vrai qu’elle agit en miroir grossissant de nos réflexes pavloviens.

Cela n’empêche, plongé dans Zaï zaï zaï zaï (référence à la chanson de Joe Dassin qui ponctue le récit), le lecteur sourit, pouffe de rire, regarde autour de lui, s’excuse, puis rit, puis s’excuse. Puis revient à sa lecture et se bidonne encore. L’humour absurde marche à plein. Les fans des Monty Pythons vont se régaler. Il y a de quoi se tordre à chaque planche, à chaque trouvailles. La prouesse a été depuis sa sortie plusieurs fois primée (Prix Ouest-France Quai des Bulles, 16ème Prix SNCF du Polar, Prix ACBD 2016…). Ceci est amplement mérité.

Pour résumer : un must. Un classique. Un album incontournable.

Par Geoffrey, le 14 mai 2017

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